Australie, Nouvelle-Galles du Sud, 1970. À Dubbo City, la chaleur de la nuit est aussi poisseuse que les souvenirs et les rancœurs. Greg a été accusé du meurtre de sa femme Lee, une jolie blonde aussi chaude que les nuits urbaines. Après avoir fui la police qui était certaine de voir en lui le meurtrier de son épouse Lee, voilà vingt-sept ans qu’il élève des moutons en secret dans un coin reculé.
Mais, avant d’être emporté par un cancer, son frère Ikke a balancé son grand secret : c’est lui qui a tué Lee ! Son frère Greg revient donc innocenté dans sa ville natale où tout et rien n’a changé. Mais en retrouvant ses anciens connaissances et sa famille, des éléments ressurgissent, et la vérité n’est pas toujours là où on l’attend...
Avec ce polar, Zidrou livre un récit à la fois étonnant mais déstabilisant. On le sait : le scénariste aime jouer des codes, mais porté par le graphisme de Berthet, on aurait pu s’attendre à un retournement de situation brusque et révélateur ! Au contraire, la vérité se fait jour... par bribes, presque insidieusement, comme une réalité que tous les personnages devinent, mais que personne n’énonce à haute voix, de peur de briser les liens fragiles tissés dans leur microcosme.
Ce qui fait donc l’attrait de ce scénario est paradoxalement ce qui peut déranger certains amateurs puristes du polar, voire peut-être même les fans de Philippe Berthet. En effet,la trame du récit est à la fois le passé et dans le présent. La lecture terminée, une frustration s’installe : on en attendait plus...ou moins, enfin pas vraiment cela ! Pourtant, l’ambiguïté des quelques scènes qui déstabilisent lors de la première lecture permet qu’elles restent longtemps dans l’esprit., ce qui prouve l’originalité du scénario de Zidrou, et la réussite de ses psychologies caractéristiques. On relit dès lors dans cet album avec intérêt et plaisir.
Ce sentiment de rémanence est également le produit de l’investissement graphique de Philippe Berthet. Même si l’impression des couleurs est bien éloignée des originaux réalisée par son épouse Dominique David (allez visiter l’exposition de Champaka pour vous en convaincre), Le Crime qui est le tien est certainement l’un de ses meilleurs albums. En retirant l’aspect plus sombre de Sur la Route de Selma, le dessinateur réalise une véritable prouesse en maintenant la tension de bout en bout sur un récit apparemment si calme : sa mise en scène est simplement remarquable.
Son héroïne fantôme captive également par sa singularité : dès la couverture qui raconte une réelle histoire (ce qui ne traduit pas la généralité des couvertures réalisées actuellement), elle envoie beaucoup de questions au lecteur.
Conjuguant avec un tempo très lent, Berthet livre sans doute son plus bel album, même si le récit de Zidrou suscite parfois plus de questions que de réponses, chose qui ne conviendra sans doute pas à tous les lecteurs. Hors-norme.
(par Charles-Louis Detournay)
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Lire notre interview de Philippe Berthet : « Lorsque je travaille, j’ai besoin d’évasion : une autre époque, un autre lieu. Dessiner mon contemporain ne me convient pas, j’ai besoin de fantasmer »
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Exposition-vente Le Crime qui est le tien de Philippe Berthet du 13 novembre au 5 décembre 2015
à la Galerie Champaka de Bruxelles
27, rue Ernest Allard
B-1000 Bruxelles
Tel : + 32 2 514 91 52
Fax : + 32 2 346 16 09
sablon@galeriechampaka.com
Horaires : Mercredi à samedi, de 11h00 à 18h30