Stern est le préposé aux pompes funèbres dans la petite ville de Morrison, dans le comté de Coffey dans le Kansas en 1882. D’ordinaire, il ne s’y passe rien mais ce patelin banal du Sud va connaître en quelques heures une épidémie de cadavres. Tous aboutissent chez le croque-mort, du genre fouineur qui ne se contente pas de ce qu’on lui dit et qui s’en va rapporter au shérif les anomalies qu’il trouve sur le corps des gens qu’il accueille.
On est d’abord séduit par le dessin de Julien Maffre juste, lisible, attaché au détail, à la narrativité parfaite. Les atmosphères écopent jusque ce qu’il faut de lumière : pas d’ombre trop profonde, ni d’expositionss trop crues. Seul se détache de la page son croque-mort, habillé de noir comme il se doit, mais pourtant jamais sinistre.
Il y a dans le trait de Julien Maffre un mélange réussi de réalisme et de grotesque qui permet cette impression : aucun personnage n’est abordé dans le cliché sommaire. Certes, on y trouve le shériff, le médecin, la rue centrale avec son bar à filles de joie... Mais tout est plus subtil que cela, comme ce personnage de Stern, une sorte d’intello dégingandé lisant Poe et Melville, parlant littérature avec le carabin. Stern, que tout le monde croit juif alors que, affirme-il à plusieurs reprises, il n’en est rien.
Les auteurs s’excusent presque de la proximité de leur nouveauté avec celle d’un autre croque-mort de western, Undertaken, de Xavier Dorison & Ralph Meyer. Ils n’ont pas à le faire. Il était plus que temps que l’on se saisisse de ce personnage-cliché pour dépasser les bouffe-cadavres jaune citron de Morris dans Lucky Luke.
Mais surtout, ces deux séries n’ont rien à voir : Dorison reste dans le western réconfortant, dans la lignée des Blueberry, ce que renforce encore le dessin de Meyer. Ici, les personnages son magnifiquement caractérisés, dans l’épure et la subtilité. Elle ne vient pas que du dessin : Frédéric Maffre progresse posément dans son enquête de procédure. Chaque personnage est creusé -c’est le cas de le dire- jusqu’au dénouement final.
Et la zone d’ombre qui nous reste promet encore de nouvelles aventures. L’œil de Caîn est dans la tombe, disait le poète. il nous prête son regard sur l’humain, et c’est vertigineux.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Lire l’interview de Frédéric et Julien Maffre sur ActuaBD.com.
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