Bien entendu, cela fait longtemps que des pastiches mettent en scène des héros de bande dessinée, que cela soit réalisé par d’autres dessinateurs ou parfois par les propres auteurs eux-mêmes. Mais l’originalité de cet album est d’évoquer la psychologie d’une galerie de personnages bien connus : Corto Maltese, Blueberry, Rahan, les Bidochons, le grand Schtroumpf, Gaston, Blake & Mortimer, Boule et Bill, Joe Dalton et le Chat. [1]
L’auteur, Jean-Pierre Dirick, n’en est pas à son coup d’essai, car il a déjà réalisé quatre albums de bande dessinée sur la psychanalyse, en mettant en scène le Docteur Psy qui écoute et conseille les grands noms de la France, ses stars et des célébrités de la télévision. Se basant sur de véritables analyses de ces héros de papier réalisées par plusieurs psychanalystes et psychologues, Dirick s’est amusé à nous livrer les secrets imaginés de tous ces personnages qui ont fait rêver des générations d’amateurs du 9e art. Car, selon lui, les grands héros de BD ont, eux aussi, un inconscient, une histoire, et des motivations qui éclairent leurs actes, leur façon d’être, leurs aventures…
Bien entendu, ces saynètes ont des paginations et des contenus divers, avec un humour variable. Certaines scènes sont résolument éclairantes sur le parcours d’un héros de papier (on peut alors se plonger en souvenirs dans tous les agréables moments qu’on a passé à le suivre), tandis que d’autres sont simplement drôles, voire plus anecdotiquement faibles. Tout ceci étant dépendant du bagage et l’humour propre au lecteur.
Chacun des chapitres est introduit par une réelle notion psychologique, ce qui permet de mieux appréhender le parcours du praticien, et de ne pas trop se formaliser sur certaines explications afin d’aller au contact avec les albums de la personnalité interrogée. Point d’orgue final de chaque séquence : le paiement du psy se fait avec des objets en lien avec le personnage ou le traitement à subir.
Impossible de faire un résumé complet du livre, car ce serait passer à côté des truculents dialogues entre les personnages et leur faire-valoir médical, mais voici quelques pistes qui vous permettront de vous une idée globale du recueil :
Les Bidochons nous font un superbe numéro de duettistes, pour évoquer une thérapie de couple, où chacun exige sa place, sans pour autant pouvoir exister sans l’autre. Les problèmes de stérilité de Robert seraient la cause de la mésentente perpétuelle du couple.
Gaston Lagaffe aurait développé une stratégie de l’échec pour qu’on s’intéresse à lui, et se serait vengé d’un beau-père intrusif en tentant d’empêcher à tout prix la signature de quelques obscurs contrats !
- La séance de Rahan est aussi drôle qu’émouvante car le fils des âges farouches utilise habilement l’ensemble de ses accessoires bien connus (couteau et collier) pour représenter sa solitude, et le difficile choix qu’il doit faire, car il s’est entiché d’une femme !
Entre deux colères, Joe Dalton avoue le besoin de tuer ses trois frères pour exister enfin pour lui, mais le docteur évoque le couple inversé composé par Ma Dalton et Lucky Luke.
Arrivé dans un nuage de poussière, Blueberry déballe sa vie aventureuse et personnelle, l’occasion de rire et de se souvenir de ces grands moments de bande dessinée : ce choix contraint pour le Nord, ce nom très fleur bleue, ce rejet paternel et le besoin de se trouver une famille chez les Indiens.
Un des plus beaux moments est sans doute l’arrivée en noir et blanc de Corto Maltese. Icone du romantisme, on a déjà noirci bien des pages pour donner une explication au caractère du marin, mais notre psychologue doit faire face à une question bien ancrée aux aventures du héros de Pratt : il ne parvient plus à faire la distinction entre ses rêves et la réalité !
On aborde aussi l’évacuation d’agressivité de Philip Mortimer, la schizophrénie du Chat qui voudrait vivre sans Geluck, le traumatisme du Grand Schtroumpf écrasé par l’autorité envers ses petits hommes bleus, ainsi que Boule et Bill qui refusent de vieillir !
Lorsqu’on surfe sur le site de l’auteur, on se rend compte qu’une séance devait initialement être consacrée à Tuntun. Mais l’éditeur a sans doute dû se dire qu’il serait risqué de heurter de plein fouet l’ineffable société Moulinsart. Ceci donne encore une fois la différence de sentiments qu’il peut y avoir entre certains héros et les autres...
Vous l’aurez bien compris, le but est de se moquer gentiment de ces personnages de papier qui nous ont fait (et continuent à nous faire) vivre de prodigieux moments. Si on peut donc le conseiller à tous les amoureux du neuvième art, il est formellement à proscrire à toute personne allergique au deuxième degré. Ou alors, elle devra consulter...
(par Charles-Louis Detournay)
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Lire les exemples de planches pour chaque personnage, sur le site de l’auteur
[1] Pour des raisons bien évidentes, ce ne sont pas ces noms qui ont été utilisés dans l’album (Lt Bleuberry, Labaffe, Mortamer, etc.), mais par lisibilité, nous ferons d’emblée le parallèle vers, ce que nous supposons être, leur modèle de papier.
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