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Le FIBD franchit la Charente

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 9 septembre 2006                      Lien  
Exit les bulles du Champ de Mars et de New York : c'est dans un seul lieu, un seul, face au CNBDI, que le FIBD situera désormais le cœur de sa manifestation. Le centre ville sera réservé aux expos et aux animations proprement culturelles. Un déménagement dicté par un certain pragmatisme « pédagogique » et imposé, semble-t-il, par les éditeurs.

Ce n’est pas César qui affranchit le rubicond, comme dans Astérix en Hispanie (P.22), c’est le FIBD qui traverse la Charente... C’était prévisible. Le redéploiement du Musée de la Bande Dessinée en cours de reconstruction, qui devrait arriver dans sa phase finale en 2008, autour du Pôle d’activités de Magelis, de même que les défis qui se posaient au Festival (travaux de la ville sur le Champ de Mars, la nouvelle donne éditoriale impulsée par les mangas, la multiplication des nouveaux éditeurs de BD, et le retour à Angoulême d’anciens comme Dupuis...) imposaient au FIBD cette nécessaire mutation. Il y a donc, de la part des acteurs angoumoisins que sont les FIBD, CNBDI, Musée national de la BD et Ville d’Angoulême, du sens à faire sortir le Festival du centre-ville pour le situer sur la berge qui lui fait face, de l’autre côté de la Charente.

Une logique « pédagoqique »

Pour opérer cette mutation, le FIBD a trouvé une solution élégante : celle de laisser le centre-ville à l’animation culturelle et de rapprocher la partie « salon », pour la première fois rassemblée sur un site d’un seul tenant de près de 12000 m², du Pôle Images déjà présent sur cette partie périphérique de la ville, à moins d’un kilomètre de la gare ou du centre-ville, dans les quartiers de Saint-Cybard et L’Houmeau. La « bulle » du Festival se situera sur l’esplanade de Bourgines [1], pas loin des futurs locaux du Musée national de la bande dessinée installés dans d’anciens chaix du XIXème siècle spécialement affectés à la conservation des collections du Musée.

Le FIBD franchit la Charente
Les chaix du Pôle Magelis
où se situera le nouveau Musée National de la BD. Photo : Magelis.

En revanche, les animations culturelles, qui seront considérablement développées, resteront dans la ville, sur les places disponibles du Champ de Mars et de la Place de New York, mais aussi dans les autres lieux historiques du plateau angoumoisin. « Quand j’ai pris cette présidence, nous dit Francis Groux, nous en étions arrivés à la conclusion qu’il fallait passer à la vitesse supérieure pour que le Festival soit à la hauteur de ce qu’est devenue la bande dessinée maintenant. Il nous fallait prendre en compte l’arrivée des mangas et lui donner une place suffisante, écouter ce que nous disaient les éditeurs qui en avaient un peu marre de se retrouver dans tous les coins de la ville et qui souhaitaient être regroupés, petits et grands ensemble, de façon à présenter la totalité de la production. D’un autre côté, en ce qui nous concerne, nous voulions développer encore davantage la partie culturelle du Festival qui est pour nous aussi importante que la partie commerciale.  » Mais, à part en rasant les maisons du centre-ville, il semblait difficile d’accompagner ce développement. La production de la bande dessinée a plus que doublé ces cinq dernières années, et l’espace commercial du Festival n’avait pas bougé d’un iota. Elle se trouvait même réduite en raison des travaux du Champ de Mars de l’année dernière qui, même achevés, amputaient près de 40% de la place.

Les dédicaces se feront donc désormais de l’autre côté de la Charente tandis qu’en ville, le Festival maintiendra les expositions, les rencontres internationales, les interviews des auteurs, les concerts d’images, des projections diverses... Du Champ de Mars à la Place de New York, des kiosques abriteront un maximum d’animations possibles. « Il ne faut surtout pas déshabiller le centre-ville, proclame le président du Festival, ce n’est pas le but de l’opération ! ». Jean-Luc Bittard, le directeur technique, interrogé de son côté, confirme : l’espace dont disposera le FIBD sera supérieur aux années précédentes, ce qui est commercialement une bonne nouvelle. L’une des objections majeures contre cette excentricité de la bulle est que les exposants vont être coupés des restaurants qui entouraient les bulles de New York et du Champ de Mars. « Une mini-restauration sera prévue pour les exposants, explique Jean-Luc Bittard, sans pour autant faire la concurrence aux restaurateurs d’Angoulême. »

Mais cette mue va être coûteuse : « On va multiplier les navettes entre les deux sites, nous explique Francis Groux, il nous faut donc nous retourner vers les gens qui sont nos partenaires pour mettre un petit peu plus dans la corbeille. Tout n’est pas encore figé mais tel est le principe ».

Jérôme Martineau (Carabas) et Jean-Luc Bittard à Japan Expo
En juillet, les éditeurs apprenaient que leurs stands seraient amputés de 40%. Photo : D. Pasamonik.

Des demandes « fermes et fortes » de la part des éditeurs.

À Japan Expo en juillet, Jean-Luc Bittard, le directeur technique du Festival en charge des relations avec les éditeurs pour ce qui concerne les stands, faisait le tour de ses administrés avec une mine un peu contrite. Dans la configuration d’alors, il venait expliquer aux éditeurs qu’il allait leur réduire pas moins de 40% de leur surface, sans pouvoir non plus accepter les nouveaux arrivants qui s’étaient depuis deux ans multipliés comme champignons après la pluie (des éditeurs de mangas, mais aussi de littérature qui ont ouvert récemment un secteur BD : Gallimard, Actes Sud, Denoël, etc). La tension était visible, les visages soucieux.

La réaction ne devait pas tarder : cet été, le groupe BD du Syndicat national de l’Edition adressa une lettre qui était, selon La Charente Libre [2], « un fort coup de semonce » à l’endroit des responsables de la ville et du festival. La lettre des éditeurs menaçait ni plus ni moins de boycotter le Festival si des mesures énergiques n’étaient pas prises pour résoudre ces problèmes. Fait surprenant : cette lettre du Syndicat National de l’Edition était cosignée par L’Association et Cornélius, qui n’en sont pourtant pas membres et qui même vilipendent habituellement dans leurs publications ces instances officielles. Voir Jean-Louis Gauthey signer aux côtés des éditeurs du « Bédef », comme il les désigne, ne manque pas de sel, quand on y pense.

Le président Groux, alors en vacances sur la Côte d’Azur, multiplia les entretiens téléphoniques avec le maire de la ville, M. Philippe Mottet, et la décision fut prise de recourir à la solution proposée aujourd’hui. Quand on lui demande si la crise était aussi aiguë que ne le rapporte La Charente Libre, Francis Groux, rompu aux saillies de la presse locale, sourit : « J’ai reçu une lettre le 6 septembre 2006 signée Louis Delas[Président de Casterman et président de la section BD du SNE] à la suite de cette article, qui nous écrit : « Je vous confirme par la présente, en mon nom et au nom des éditeurs du groupe BD du Syndicat National de l’Edition, que nous nous félicitons que cette première étape liée à la logistique de l’implantation du Festival soit réglée. » En réalité, le FIBD et les éditeurs réfléchissent ensemble sur les nouvelles orientations stratégiques qui devront être celles du Festival suite aux mutations récentes du monde de la BD.

Force est de constater que le départ de Jean-Marc Thévenet et l’arrivée de Francis Groux, sans doute sous la pression de l’instant, ont apaisé les tensions qui existaient, il y a quelques mois encore, entre le FIBD et la mairie. Le climat est bien plus serein.

Franck Bonboux et Benoît Mouchart à Japan Expo
le délégué général et le directeur artistique du FIBD jouent une partie difficile cette année. Photo : D. Pasamonik.

Une exposition Hergé, une rue Goscinny, et un hommage rendu à Pierre Christin

Il y a intérêt, car l’année qui s’annonce est particulière : on célèbrera le centenaire de la naissance d’Hergé et les trente ans de la disparition de René Goscinny.

Certaines informations commencent à filtrer. René Goscinny aura sans doute en janvier prochain une rue ou une place à son nom dans la cité angoumoisine. Le FIBD et la mairie y travaillent activement.

Quant à Hergé, il devrait faire l’objet d’une exposition. Ce projet, de l’aveu même des organisateurs, a pris du retard en raison des bouleversements dont nous vous parlions. Mais le FIBD tient à rendre hommage à celui qui, parmi les premiers, a conforté la notoriété d’Angoulême par sa présence. Elle le lui a bien rendu en attribuant le nom du dessinateur belge à l’artère principale du centre-ville, tandis que sa statue signée par son ami Tchang trône en son milieu. Elle avait été inaugurée, on s’en souvient, par les princes royaux de Belgique.

Pierre Christin
Le FIBD lui prépare un hommage. Photo : D. Pasamonik.

Mais on notera aussi un hommage à Pierre Christin, un scénariste très peu célébré jusqu’ici, le FIBD rejoignant quelque peu le souhait de Michel-Edouard Leclerc de voir les scénaristes mieux représentés dans les fastes bédéphiliques charentais. Quand aux relations avec Lewis Trondheim, elles se passeraient apparemment sans heurt. L’auteur de Lapinot aurait livré ces derniers jours une « très belle affiche ».

On le voit, malgré les difficultés, le Festival a pris de bonnes options pour que cette année 2007 soit un cru exceptionnel.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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Code EAN :

[1À l’endroit de l’ancienne piscine municipale, là où se trouve actuellement l’auberge de jeunesse et où a lieu chaque année le festival des Musiques Métisses.

[2Stéphane Vacchiani, Les éditeurs revendiquent le déménagement du Festival, La Charente Libre du 6 septembre 2006.

 
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