Décidément, rien n’est plus jamais simple pour un spécialiste comme pour un amateur de BD.
Avant, c’était si limpide : il y avait les éditeurs de mangas et les autres, les éditeurs de romans graphiques et les autres, les éditeurs de 48 pages couleurs grand public pour la jeunesse et les autres, les éditeurs de SF et d’Heroïc Fantasy et les autres, les éditeurs de Blondes et les autres… Jean-Christophe Menu pouvait tranquillement fulminer contre les « 48 cc » (48 pages couleurs) auxquels s’opposait sa production d’autant plus reconnaissable qu’elle était atypique.
Les mangas participaient à ce clivage. Il y avait ceux qui avaient pris le tournant : Glénat, J’ai Lu, quelques « pure players » comme Tonkam, Ki-Oon, IMHO ou Kaze et des marques ombrelles comme Kana (filiale de Dargaud ), Pika (Hachette), Kurokawa (Editis), Akata (Delcourt), Doki-Doki (Bamboo)… Et puis il y avait les grands éditeurs traditionnels comme Dupuis et Le Lombard qui restaient frileusement dans leur créneau.
Mais depuis quelques années, on le sait, les grands éditeurs, notamment de littérature, ont investi le domaine du roman graphique jusqu’à faire perdre leur identité aux petits labels comme L’Association poussés à la radicalité et donc à la marginalisation. De la même façon, les grands éditeurs de la BD familiale traditionnelle décloisonnèrent totalement leurs formats, au point qu’un album comme Marzi de Marzena Sowa & Sylvain Savoïa (Dupuis) quitta le format « 48cc » pour migrer vers le « Graphic Novel » et que bon nombre de titres des catalogues Glénat, Casterman ou Dargaud quittèrent le format 21x29,7 pour se rapprocher de celui du comic-book, afin de se conformer du format international des Trade Paperbacks américains.
Mais ce n’est pas seulement dans les formats que cette mutation s’opère. Déjà, l’amateur des éditions Dupuis pouvait être surpris par la publication des Autres Gens, la BD novella de Thomas Cadène.
Depuis quelques années déjà, sous l’impulsion de Gauthier Van Meerbeeck, Le Lombard s’était ouvert à la SF, à l’Heroïc Fantasy et au Fantastique avec Thorgal –au départ une BD classique- en figure de proue, bientôt rejoint par des titres comme Croisade de Dufaux & Xavier. Virage d’ailleurs réussi de ce label qui louche vers les catalogues de Delcourt et de Soleil.
L’éditeur de Ric Hochet y cherche un facteur de renouvellement de son image, par trop poussiéreuse et conservatrice, et aussi un public d’ados qui avait quelque peu déserté sa clientèle, au profit des mangas, de la SF et de l’HF devenues normes mondiales depuis les succès de Star Wars, du Seigneur des Anneaux, de Harry Potter et d’Avatar…
Profitant de l’embellie de cette année favorisée par un redéploiement de Thorgal par ses spin-offs, par le succès des Schtroumpfs et surtout par celui de L’Elève Ducobu au cinéma, Le Lombard continue sa diversification en publiant des mangas.
« Mangalikes »
Certes, ce ne sont pas des « vrais mangas » produits au pays du Soleil Levant, mais des « mangalikes » américains, comme disent les Japonais du « Global Manga », du manga mondialisé.
Mais tous les codes Shônen sont là : personnages élancés aux grands yeux évoluant dans les milieux lycéens, quête initiatique et amitiés fortes, pages aérées en noir et blanc, traitement graphique à l’ordinateur sous Manga Studio, sans oublier les thématiques fantastiques de rigueur. Seul le sens de lecture occidental rappelle qu’il ne s’agit pas là d’une création nippone.
Il faut dire que, même si sa dessinatrice est d’origine asiatique, la Coréenne NaRae Lee, le premier de ces mangas, Maximum Ride, est adapté de romans à succès signés par le romancier américain James Patterson [1], « le romancier le mieux payé des États-Unis » selon le magazine Forbes, un auteur qui fait un carton au format numérique, affichant 3 millions d’ouvrages vendus sur ce support à fin juin 2011.
Évidemment, un film devrait en être tiré à Hollywood lequel devrait sortir sur nos écrans en 2013.
Le thème est fantastique : des adolescents ont subi des manipulations génétiques visant à rapprocher l’homme de l’oiseau. Ils savent donc voler et s’échappent de l’école maudite où ils étaient enfermés. Mais les criminels à l’origine de leur état tentent de les supprimer et d’effacer toutes les traces…
Voilà qui semble commercialement une bonne pioche, le manga étant développé aux USA par Yen Press, une filiale du groupe français Hachette et donc édité en Belgique par Le Lombard. Quand on vous disait qu’il s’agissait de BD mondialisée. [Note du rédacteur en chef d’ActuaBD : « - Et je le mets où dans mon classement, rontudjû ? BD, Comics ou Mangas ? »]
L’auteure de Night School, l’autre série parue dans la collection, Svletana Chmakova, est une Russe vivant au Canada [Note du rédacteur en chef d’ActuaBD : « - Rontudjûû ! »].
Également développée par Yen Press, la série a déjà obtenu le prestigieux prix canadien Shuster Award pour la meilleure BD jeunesse et raconte l’histoire d’une école ouverte… la nuit, et pour cause car c’est une école de vampires ! Voila qui ne manquera pas de vampiriser l’argent de poche de nos petites têtes blondes.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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