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Le Lombard se convertit au manga

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 26 août 2011                      Lien  
Participant pleinement au décloisonnement des formats et des genres, Le Lombard se lance dans le manga, un créneau qu’il avait soigneusement évité jusqu’ici.
Le Lombard se convertit au manga
"Maximum Ride" de James Patterson & NaRae Lee au Lombard

Décidément, rien n’est plus jamais simple pour un spécialiste comme pour un amateur de BD.

Avant, c’était si limpide : il y avait les éditeurs de mangas et les autres, les éditeurs de romans graphiques et les autres, les éditeurs de 48 pages couleurs grand public pour la jeunesse et les autres, les éditeurs de SF et d’Heroïc Fantasy et les autres, les éditeurs de Blondes et les autres… Jean-Christophe Menu pouvait tranquillement fulminer contre les « 48 cc » (48 pages couleurs) auxquels s’opposait sa production d’autant plus reconnaissable qu’elle était atypique.

Les mangas participaient à ce clivage. Il y avait ceux qui avaient pris le tournant : Glénat, J’ai Lu, quelques « pure players » comme Tonkam, Ki-Oon, IMHO ou Kaze et des marques ombrelles comme Kana (filiale de Dargaud ), Pika (Hachette), Kurokawa (Editis), Akata (Delcourt), Doki-Doki (Bamboo)… Et puis il y avait les grands éditeurs traditionnels comme Dupuis et Le Lombard qui restaient frileusement dans leur créneau.

Mais depuis quelques années, on le sait, les grands éditeurs, notamment de littérature, ont investi le domaine du roman graphique jusqu’à faire perdre leur identité aux petits labels comme L’Association poussés à la radicalité et donc à la marginalisation. De la même façon, les grands éditeurs de la BD familiale traditionnelle décloisonnèrent totalement leurs formats, au point qu’un album comme Marzi de Marzena Sowa & Sylvain Savoïa (Dupuis) quitta le format « 48cc » pour migrer vers le « Graphic Novel » et que bon nombre de titres des catalogues Glénat, Casterman ou Dargaud quittèrent le format 21x29,7 pour se rapprocher de celui du comic-book, afin de se conformer du format international des Trade Paperbacks américains.

Mais ce n’est pas seulement dans les formats que cette mutation s’opère. Déjà, l’amateur des éditions Dupuis pouvait être surpris par la publication des Autres Gens, la BD novella de Thomas Cadène.

Depuis quelques années déjà, sous l’impulsion de Gauthier Van Meerbeeck, Le Lombard s’était ouvert à la SF, à l’Heroïc Fantasy et au Fantastique avec Thorgal –au départ une BD classique- en figure de proue, bientôt rejoint par des titres comme Croisade de Dufaux & Xavier. Virage d’ailleurs réussi de ce label qui louche vers les catalogues de Delcourt et de Soleil.

L’éditeur de Ric Hochet y cherche un facteur de renouvellement de son image, par trop poussiéreuse et conservatrice, et aussi un public d’ados qui avait quelque peu déserté sa clientèle, au profit des mangas, de la SF et de l’HF devenues normes mondiales depuis les succès de Star Wars, du Seigneur des Anneaux, de Harry Potter et d’Avatar…

Profitant de l’embellie de cette année favorisée par un redéploiement de Thorgal par ses spin-offs, par le succès des Schtroumpfs et surtout par celui de L’Elève Ducobu au cinéma, Le Lombard continue sa diversification en publiant des mangas.

"Maximum Ride" de James Patterson & NaRae Lee © Yen Press / Le Lombard

« Mangalikes »

Certes, ce ne sont pas des « vrais mangas » produits au pays du Soleil Levant, mais des « mangalikes » américains, comme disent les Japonais du « Global Manga », du manga mondialisé.

Mais tous les codes Shônen sont là : personnages élancés aux grands yeux évoluant dans les milieux lycéens, quête initiatique et amitiés fortes, pages aérées en noir et blanc, traitement graphique à l’ordinateur sous Manga Studio, sans oublier les thématiques fantastiques de rigueur. Seul le sens de lecture occidental rappelle qu’il ne s’agit pas là d’une création nippone.

Il faut dire que, même si sa dessinatrice est d’origine asiatique, la Coréenne NaRae Lee, le premier de ces mangas, Maximum Ride, est adapté de romans à succès signés par le romancier américain James Patterson [1], «  le romancier le mieux payé des États-Unis » selon le magazine Forbes, un auteur qui fait un carton au format numérique, affichant 3 millions d’ouvrages vendus sur ce support à fin juin 2011.

Évidemment, un film devrait en être tiré à Hollywood lequel devrait sortir sur nos écrans en 2013.

Le thème est fantastique : des adolescents ont subi des manipulations génétiques visant à rapprocher l’homme de l’oiseau. Ils savent donc voler et s’échappent de l’école maudite où ils étaient enfermés. Mais les criminels à l’origine de leur état tentent de les supprimer et d’effacer toutes les traces…

"Nightschool T1 - Le Livre des sorcières" par Svletana Schmakova au Lombard

Voilà qui semble commercialement une bonne pioche, le manga étant développé aux USA par Yen Press, une filiale du groupe français Hachette et donc édité en Belgique par Le Lombard. Quand on vous disait qu’il s’agissait de BD mondialisée. [Note du rédacteur en chef d’ActuaBD : « - Et je le mets où dans mon classement, rontudjû ? BD, Comics ou Mangas ? »]

L’auteure de Night School, l’autre série parue dans la collection, Svletana Chmakova, est une Russe vivant au Canada [Note du rédacteur en chef d’ActuaBD : « - Rontudjûû ! »].

Également développée par Yen Press, la série a déjà obtenu le prestigieux prix canadien Shuster Award pour la meilleure BD jeunesse et raconte l’histoire d’une école ouverte… la nuit, et pour cause car c’est une école de vampires ! Voila qui ne manquera pas de vampiriser l’argent de poche de nos petites têtes blondes.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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[1La série est en cours de publication chez Hachette Jeunesse.

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11 Messages :
  • Le Lombard se convertit au manga
    26 août 2011 12:32, par fred

    Pourquoi pas. Il faut savoir évoluer, mais mon impression personelle est que l’éditeur y perd son âme. Très fan du lombard depuis longtemps, je suis beaucoup de séries et le virage vers des séries plus fantastiques m’a plu avec "Croisades" ou "Wisher", mais ces derniers temps entre les "sisco" "narco"... qui ressemblent à de mauvais épisodes de série et typés très américains et les mangas, je ne reconnais plus mon éditeur. Je préfère largement "Résistances" de Derrien sorti récemment classique mais intéressant. Je ne reconnais plus mon Lombard et je préfère autant me rabattre vers des vrais éditeurs de mangas et de vrai comics plutôt que de prendre l’imitation Lombard.

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  • Le Lombard se convertit au manga
    26 août 2011 14:39, par P3X

    Appeler manga un produit marketing américain sous prétexte qu’il est dessiné par une coréenne, penser que les grands yeux sont une marque de fabrique, ce n’est pas vraiment une conversion, plutôt une (re)négation.

    Le jour où un "produit éditorial" connoté manga et produit hors du Japon se vendra à plus de 20.000 exemplaires au Japon, alors les commentateurs pourront utiliser le mot "manga", mais il faudra encore quelques années pour que les codes manga, les vrais, soient décodés par les apprentis mangaka étrangers, sans préjudice.

    Princess Ai, prototype du "fashion manga, crée par Courtney Love, dessiné par une grande mangaka japonaise, prépublié au Japon et lancé à grand renfort de publicité, s’est vendu dans le pays du soleil levant à moins de 2000 exemplaires, ça donne à réfléchir.

    Disons plutôt que le Lombard subit comme tous ses confrères une période de baisse des ventes et, à bas prix sans doute, cherche une voie non encore explorée par la maison.

    De là à parler de manga, il y a tromperie sur la marchandise (sauf pour les naïfs qui estiment que grands yeux = manga).

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    • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 26 août 2011 à  15:17 :

      Vous semblez bien présomptueux avec vos définitions rigides. Vos règles sortent de nulle part. Il faudrait vendre plus de 2000 exemplaires au Japon pour prétendre à la marque "manga" ? C’est absurde, cela écarterait bon nombre de Japonais eux-mêmes.

      Après tout, ce sont les Nippons qui qualifient ce type de produit de "manga". Récemment, Morning a fait un concours international pour couronner les auteurs étrangers les plus méritants.

      Ils n’ont pas fait jusqu’à présent du "Manga" une Appellation d’Origine Contrôlée (AOC) protégée comme le Cognac, le Champagne ou le Camembert.

      Quant à qualifier de Manhua ou de Manwha des BD d’origine coréenne ou chinoise, au bout d’un moment, on n’en voit plus l’intérêt alors que les collaborations se multiplient avec les artistes du monde entier.

      Que vous le vouliez ou non, le manga est devenu un standard d’édition immédiatement identifiable, comme le Roman Graphique ou le Livre de poche. Les discussions sur sa nature sont aussi stériles que celles que l’on a connues sur le genre du mot manga qui est devenu masculin en français alors qu’une majorité de spécialistes plaidaient pour un usage du genre féminin.

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      • Répondu par P3X le 26 août 2011 à  16:43 :

        Que vous le vouliez ou non, le ou la manga reste un genre typiquement japonais. Que les éditeurs ou journalistes nomment manga tout ce qui lui ressemble - gros yeux, thèmes récurrents, noir et blanc, trames - est un fait, mais je persiste à penser, même si vous trouvez cela présomptueux, et malgré les efforts louables de Morning depuis 20 ans pour éduquer les dessinateurs étrangers adeptes de ce style et aussi le développement naturel des produits de style manga, qu’il n’est pas logique d’annoncer qu’une maison renommée comme l’est Le Lombard se convertit au manga sous prétexte qu’un premier album de style manga mais originaire des USA va y être publié.
        Sans vouloir jouer avec les mots ou les AOC, le galvaudage du mot manga depuis une bonne douzaine d’années rappelle Dalida (je chante le reggae), ou le camembert de Hokkaido, que les japonais pensent être du camembert mais qui ne tromperait aucun français.
        Il s’agit donc de revenir aux fondamentaux et d’appeler un chat un chat. Que la grande presse s’y trompe, passe encore, mais on attend d’un site très professionnel comme le vôtre une compréhension plus subtile de ce qu’est le genre manga original en opposition aux produits marketing ou aux (encore) pales copies d’un des phénomène éditoriaux les plus intéressants du siècle passé.
        Et donc, le jour où le public japonais reconnaîtra une oeuvre non japonaise comme manga (c’est déjà le cas pour des auteurs coréens ou taiwanais installés au Japon), il sera alors loisible de parler de manga, mais dans le cas présent Le Lombard fait un coup, et vous mordez à l’hameçon, ce qui au fond n’est pas grave et ne retire rien de la considération que j’ai pour votre travail.

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        • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 26 août 2011 à  16:52 :

          Je comprends ce que vous me dites. D’ailleurs, notre article ne faisait pas de mystère sur le fait qu’il ne s’agissait pas de "vrais mangas".

          Mais je crois que l’avenir n’ira pas dans votre sens. Le manga devient une norme mondialisée. Un Western est un western, même lorsqu’il est réalisé par Jodorowsky ou Sergio Leone. De même qu’il y a des polars français et de la Ligne claire espagnole. Et il y aura toujours des gens pour préférer "l’original".

          On ne peut rien contre un usage. On continue d’appeler "comic" des choses pas drôles en anglais, en allemand, en français et en turc.

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          • Répondu par jlmunuera le 27 août 2011 à  08:58 :

            Le manga c’est en effet la Bd japonnaise dans son ensemble, mais je crois qu’on peut parler du manga quand on utilise les codes narratifs et graphiques de cette tradition, bien qu’en étant réalisé par des auteurs non-japonnais. Un code qui devienne, comme le rock and roll, internationel...

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            • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 28 août 2011 à  13:54 :

              Je le crois aussi. Comme le jazz, comme la musique classique...

              Mais c’est avant tout un format commercial. Il est évident qu’un libraire classera plus facilement ce genre de livre avec les mangas qu’avec les albums de Ric Hochet ou de Cubitus. C’est une histoire de dénominateur commun, en fait...

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  • Etrange raccourci...
    29 août 2011 13:32, par Guerlain

    Le Lombard s’était ouvert à la SF, à l’Heroïc Fantasy et au Fantastique avec Thorgal –au départ une BD classique- en figure de proue, bientôt rejoint par des titres comme Croisade de Dufaux & Xavier. Virage d’ailleurs réussi de ce label qui louche vers les catalogues de Delcourt et de Soleil.

    Thorgal intègre des éléments SF et fantastique depuis le premier épisode paru en 1980, alors que des séries comme Jugurtha ou Simon du Fleuve abordait déjà des thèmes SF et fantasy (le cadre historique de Jugurtha saute dès le troisième tome, lors de la reprise par Franz)
    Faut-il rappeler que Le Lombard a longtemps porté le travail d’Andréas, avant d’abandonner sa série Capricorne de triste manière (plus de réimpression des anciens titres, mais édition d’un quinzième tome dont la quatrième de couverture reprend le titre du tome 16, alors que la décision d’abandonner la série était déjà plus que murie...)
    A regarder son catalogue au fil des années, il est évident que le lombard est un éditeur qui a eu du lustre, mais qui s’est perdu en chemin et court après la vague depuis, sans arriver à la rattraper. Le passage manga-like (ou manwha-like, si l’origine est coréenne), est un avatar de plus d’un ancien gros qui est devenu moyen et est en passe de devenir petit...

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    • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 29 août 2011 à  13:59 :

      Pour la SF n’oubliez ni Luc Orient,ni Alvin Norge, tant qu’on y est.

      Vous ne pouvez nier qu’il y a une impulsion nouvelle et qu’il a fallu une génération d’éditeurs plus jeunes pour accéder à des univers plus dans l’air du temps, hérités du comic-book à tout dire. Bien entendu, les précurseurs ne manquent pas, Van Hamme en premier évidemment.

      Pour les "mangas", c’est une première (on aurait aussi bien pu parler des comics, mais ce sera le sujet d’un autre article) et cela conforte notre idée qu’il n’y a plus aujourd’hui de frontière intangible entre les éditeurs.

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  • Menu, encore ?
    29 août 2011 13:35, par Guerlain

    Vous trouvez toujours le moyen de balancer une pique envers JC Menu, en toutes circonstances. Mais vous avez oublié son titre de "dictateur éditorial"

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    • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 29 août 2011 à  13:49 :

      Vous voilà de retour avec vos niaiseries.

      JC Menu est l’inventeur du vocable "48 cc", il est normal qu’il lui soit restitué. Il constitue, que vous le vouliez ou non, une personnalité dont les thèses peuvent être discutée. Et la dignité de "Dictateur graphique", il se l’est lui-même attribuée, je vous le signale. Mais sans doute l’ignorez-vous.

      C’est fou ces commentaires bas de plafond se réclament de Menu sans même l’avoir lu. La peste soient les bigots ! Comme dirait le Mahomet de Cabu : "C’est dur d’être aimé par des cons !"

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