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Le Lombard valorise son fonds classique avec quelques perles humoristiques

Par Charles-Louis Detournay le 12 février 2011                      Lien  
En mettant les valeurs de grands héros humoristiques tels que Spaghetti, Clifton et Cubitus, Le Lombard valorise les trésors du magazine Tintin. Avec des réussites diverses.

Pas besoin de vous en convaincre : les belles intégrales ont le vent en poupe, ces temps-ci. Remplaçant avantageusement les ventes au titre que les libraires avaient tendance à bouder, faute déjà de place en raison de l’abondance des nouveautés, ces rééditions gros format attirent le regard du lecteur, surtout si elles profitent d’un dossier introductif suffisamment fourni.

Voilà plusieurs années que les éditeurs l’ont bien compris, en particulier Dupuis qui a ainsi pu donner une seconde vie à ses trésors malheureusement enfouis sous la nouveauté. Héritière du magazine Tintin, l’autre grand pilier hebdomadaire de l’âge d’or de la bande dessinée franco-belge, on attendait que la maison du Lombard propose à son tour une formule attractive.

Après plusieurs séries emblématiques comme Bernard Prince, Jonathan, Buddy Longway, Comanche, Les Casseurs, Ric Hochet, Victor Sackville, Michel Vaillant, Vasco, Corentin, etc, la maison bruxelloise s’attaque aux standards humoristiques de son fonds en se consacrant à trois grandes icônes du genre : Spaghetti, Clifton et Cubitus !

Spaghetti : humour et inédits

Le Lombard valorise son fonds classique avec quelques perles humoristiques
L’auteur et son personnage

Si Dino Attanasio reprit des séries célèbres telles que Modeste et Pompom ou Bob Morane, aucun autre de ses personnages ne lui colle autant à la peau que Spaghetti. Comme lui, Attanasio quitta l’Italie pour trouver du travail. Mais il ne connut pas les revers de fortune de son héros, tant il était persévérant et travailleur.

Entre l’illustration, le travail pour les magazines et la réalisation de courts-métrages publicitaires, le jeune Attanasio trouve encore le temps de pousser la porte de la World’s Press. C’est ainsi qu’il fera la rencontre d’un certain René Goscinny.

Lorsqu’un peu plus tard, en 1957, André Fernez rédacteur-en-chef de Tintin lui propose de créer sa propre série, Attanasio imagine ce petit personnage et pense d’autant mieux à ce scénariste pour lui donner vie qu’il est devenu le créateur d’histoires à tout faire du journal.

Spaghetti devint rapidement un des piliers de l’hebdomadaire des 7 à 77 ans, où il eut une carrière d’une vingtaine d’années (dont dix sous la plume de Goscinny). Ce héros y vécut des aventures aussi cocasses qu’empreintes du réalisme de l’époque.

Cette première intégrale (sur les six prévues au Lombard) reprend un court (8 pages) mais intéressant dossier chronologique s’axant ici sur les débuts d’Attanasio. Mais son grand avantage est de reproduire toute la genèse du personnage en 21 histoires inédites (55 planches) parues entre le 9 octobre 1957 et le 11 mars 1959, alternant bi et quadrichromie comme c’était l’usage à l’époque. Elles évoquent la succession de petits boulots de Spaghetti, avec le réalisme traversé par le dessinateur et tout le talent de gagman de Goscinny. Remarquable !

Une des aventures de Spaghetti, inédite en album

Ensuite, les deux premières aventures complètes trouvent une succession logique à ces trésors cachés : Spaghetti et l’émeraude rouge, ainsi que L’Étonnante Croisière du signor Spaghetti. Cet accent inimitable et les aventures qui en découlent avaient marqué durablement les esprits, et ce n’est que justice de pouvoir à nouveau en jouir aujourd’hui.

Cubitus tombe sur un os !

Difficile d’être aussi joyeux face au premier tome de l’intégrale de Cubitus (dix volumes annoncés).

Pourtant, Cubitus eut un parcours aussi phénoménal, sinon plus emblématique que le précédent. Paru pour la première fois en 1968 au sein du journal Tintin qui désirait meubler une page blanche à la veille d’un bouclage, cet étrange chien blanc à queue jaune, philosophe à ses heures, ne tarda pas à en devenir une des icônes les plus significatives.

Bientôt, ses traits se simplifièrent pour laisser le champ libre à toutes les expressions de ce rhétoricien unique, tandis que le chat Sénéchal, puis Sémaphore, vinrent se placer à ses côtés.

Le graphisme des débuts

Le talentueux Dupa en fit un personnage qui pouvait voyager dans tous les univers, jouant des divers types d’humour (visuel, poétique, surréaliste, etc.) avec autant de facilité que de réussite. Rapidement, Cubitus devint donc indissociable du journal Tintin : difficile de trouver un numéro dans lequel il ne fut pendant plus de vingt ans. Il fut également une des stars récurrentes des fameux numéros spéciaux, dans lequel Dupa n’hésitait à se mettre lui-même en scène pour dépeindre le thème qu’il fallait absolument aborder dans le gag, souvent au mépris de toute logique.

Décédé en 2000, Dupa aurait sans doute mérité une meilleure maquette pour cette première intégrale : pas de dossier, pas même une introduction ! Mais surtout des gags remontés à partir de la numérotation de la dernière édition des albums cartonnés, et qui ne respectent donc pas la chronologie du personnage [1]. Ainsi, au gré de la lecture, Cubitus change de physionomie, avant d’y revenir, puis d’y repartir. Même va-et-vient pour les personnages qui l’entourent, au grand dam du lecteur qui tente désespérément de s’y retrouver entre des gags parfois séparés de près de dix années !

Pourtant, que ces négligences ne vous rebutent pas face à la lecture de cette intégrale. Dupa était un des grands humoristes de la bande dessinée franco-belge, et le plaisir est évidemment au rendez-vous lorsqu’on replonge dans ses ‘premières’ pages.

Clifton : l’original

À ce jour, nul ne trouvera à redire si un nouvel auteur reprend les personnages de Blake & Mortimer, ou si de nouveaux venus viennent à emprunter les sentiers d’Hugo Pratt. Cette pratique maintenant répandue n’a pas toujours été si ‘commune’ et c’est pourquoi on peut ainsi saluer un des premiers personnages de la bande dessinée franco-belge qui vécut sous la plume de divers auteurs.

Avant donc d’être un ‘courageux’ espion, ou de vivre des aventures souvent aussi hilarantes qu’angoissantes, c’est un Raymond Macherot au meilleur de sa forme qui imagina ce colonel ‘à la retraite’, armé d’un esprit ingénieux, d’un flegme britannique inaltérable et d’un parapluie-carabine détonnant.

Comme pour Spaghetti, Jacques Pessis nous livre une biographie nette et sans bavure. Si on peut regretter que ce dossier semble bien fin face à ceux des séries ‘réalistes’ du Lombard, on prend néanmoins un grand plaisir à plonger dans l’univers de Macherot, voyant comment il affubla son personnage de quelques-unes de ses propres caractéristiques tout en évoquant ses penchants pour la littérature anglo-saxonne et ses souvenirs de voyages dans la campagne anglaise. « En fait, déclara le papa de Chlorophylle et Sibylline, […] Clifton résulte d’une combinaison de trois caractères typiquement britanniques : le chef scout, le détective amateur et le militaire à la retraite. »

Dans le premier volume de cette intégrale, sont reprises les trois aventures du Clifton de Macherot. L’original, pourrions-nous dire, même si ce colonel à la retraite, mais à qui tout réussit, pourra parfois sembler un peu trop parfait au lecteur moderne. Qu’importe, ces trois enquêtes sont la démonstration de la parfaite maîtrise de Macherot - on l’oublie parfois : le modèle de Maurice Tillieux - dans le domaine récit policier.

Mais voilà, l’auteur a toujours rêvé de travailler chez Spirou, et quand l’occasion se présenta, il lâcha ses séries en cours pour rejoindre la maison de ses amis Morris, Will et Franquin. Il faut aussi avouer que les petits albums brochés du Lombard (la collection Jeune Europe) faisaient pâle figure devant les beaux cartonnés de Dupuis. C’est justement la raison pour laquelle ces trois récits de Clifton sont devenus aussi rares, n’ayant bénéficié de rééditions que lors d’une intégrale en 1981-82, puis dans les années 2000 aux éditions Niffle, puis enfin du Lombard.

Le premier volume de cette intégrale permet donc de (re-)découvrir avec plaisir ces trésors souvent méconnus.

Pour parachever l’exploration chronologique, il reprend également la quatrième aventure du colonel, Les Lutins diaboliques, parue en 1968 après le départ de Macherot, scénarisée par Greg, le rédacteur-en-chef de l’époque et dessinée par Jo-El Azara. Enfin replacée à sa place de pivot entre Macherot et le tandem Turk-De Groot, cette aventure prend tout son relief en maintenant les grandes lignes du récit policier tout en introduisant un comique de situation bienvenu.

Les Lutins diaboliques

On espère bien entendu que les courtes histoires imaginées par les auteurs suivants pour les besoins du journal Tintin et des Super-Tintin trouveront une place dans cette intégrale prévue en six volumes. Ce ne serait que rendre justice au fameux ‘Héron mélomane’, surtout que des intégrales pirates de ces inédits circulent sous le manteau.

(par Charles-Louis Detournay)

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[1Les premiers Cubitus furent édités dans la Collection Vedette (Puis Jeune Europe), avant d’être repris dans le format cartonné actuel (broché pour les six premiers titres en Belgique). Prolongeant les petits brochés de 32 pages, cette édition en albums de 46 planches reprit donc alternativement des nouveautés, puis compila des albums précédents avec de nouveaux gags pour convenir à cette pagination plus étoffée. On peut donc imaginer ce que donne une reprise à l’identique de ce melting pot.

Le Lombard
 
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12 Messages :
  • Le Lombard valorise son fond classique avec quelques perles humoristiques
    12 février 2011 12:08, par Jean-Paul Jennequin

    Je viens d’acheter le premier tome de l’intégrale Clifton (alors que je possède déjà deux ou trois versions des recueils avec les histoires de Macherot) simplement parce que le livre est bien fait, avec une introduction illustrée de documents d’époque. En plus, l’inclusion des "Lutins diaboliques" donne une vraie originalité à ce premier tome par rapport aux précédentes versions qui se concentraient sur les seuls travaux de Macherot. Un seul regret : que l’introduction ne soit pas signée.

    Par contre, je ne risque pas d’acheter l’intégrale Cubitus. D’abord, ce n’est pas une intégrale, puisque n’y figurent que les planches reprises en albums. Il était courant, dans les années 1960-70, de ne pas tout reprendre en album, et qui plus est pas toujours dans l’ordre chronologique. Une intégrale faite avec le même soin que celle de Clifton m’aurait sûrement tenté. Voilà comment le Lombard perd un client (et sans doute pas mal d’autres) en faisant à l’économie. Mais visiblement, pour le Lombard, une intégrale Cubitus est surtout le moyen de remplacer les nombreuses références de la série d’origine par celles, forcément moins nombreuses, de gros volumes reprenant chacun trois albums. Bref, un calcul d’épicier qui n’a rien à voir avec l’intérêt pour l’œuvre de Dupa.

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    • Répondu par Charles-Louis Detournay le 12 février 2011 à  12:59 :

      Le dossier n’est effectivement pas signé, mais le sommaire indique bien son rédacteur : Jacques Pessis, journaliste, écrivain, scénariste, mais également grand amateur de bande dessinée.

      On lui doit également le dossier de Spaghetti}.

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  • Cette pratique maintenant répandue n’a pas toujours été si ‘commune’ et c’est pourquoi on peut ainsi saluer un des premiers personnages de la bande dessinée franco-belge qui vécut sous la plume de divers auteurs.

    Macherot a dessiné Clifton de 1959 à 1961. La première reprise (Azara) date de 1969.
    Dans le genre héros à multiples dessinateurs, et précédant Clifton, citons entre autres Modeste et Pompon par Franquin (1955-59) repris par Attanasio (1959-68) puis par Mittéï, par Griffo, par Dupont, par Walli....
    et bien sûr Spirou par Rob-Vel (1938-42), repris par Jijé, puis par Franquin etc etc.
    également le Valhardi de Jijé (1941-44) repris par Paape (1946-1954) et par Follet.
    et le Tif et Tondu de Dineur (1938-46) repris par Will, par Marcel Denis, par Sikorski.
    Donc plus d’une vingtaine d’années avant la reprise de Clifton, il y avait déjà eu quelques reprises importantes.

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    • Répondu le 12 février 2011 à  14:08 :

      On peut même remonter jusqu’aux Pieds Nickeles ou à Bibi Fricotin...

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      • Répondu par Sergio Salma le 14 février 2011 à  11:10 :

        Et même 10 ans avant les Pieds-Nickelés, puisque une des premières séries de bande dessinées baptisée en français Pim Pam Poum a été très vite dessinée par deux artistes. L’auteur Dirks s’étant fâché avec le patron du journal qui l’employait ( citizen Randolph Hearst) est allé proposé sa série ailleurs. Ledit patron s’est plaint et a été autorisé à poursuivre la série avec un nouveau dessinateur (Knerr) en changeant simplement l’intitulé. The captain and the kids et the katzenjammer kids ont donc cohabité des dizaines d’années. Et la série -"mère" a même dépassé le siècle d’existence.

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  • Si on compare les intégrales on peut constater que Dupuis fait un travail formidable et exigeant, offrant de vraies intégrales, bourrées d’inédits et chronologique, respectueuses de l’artiste et des lecteurs alors que le Lombard fait un peu n’importe quoi, comme dans la collection millésime, sans travail de recherche, sans amour de l’oeuvre et sans respect du lecteur.

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    • Répondu le 13 février 2011 à  00:50 :

      Tout dépend de l’intégrale, On a vraiment l’impression qu’il y a 2 niveaux : par exemple Jonathan, Comanche ou Bernard Prince étaient vraiment très réussis. Papier impeccable, présentation réussie, dossier fourni.
      En revanche pour l’avoir feuilleté, quelle déception l’integrale Cubtis par exemple

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    • Répondu par Patrick Pinchart le 14 février 2011 à  10:13 :

      Ayant été à l’origine des refontes des intégrales chez Dupuis, je voudrais signaler que nous avons fait à l’époque un énorme travail de retouche des fichiers. En effet, les films, avec le temps, s’étaient couverts de grains de poussières, étaient parfois légèrement griffés. Cela provoquait des taches de couleurs ou des petits traits inesthétiques. Les éditions que j’avais réalisées ont donc complètement été remises à neuf.

      Ce travail minutieux n’est malheureusement pas fait par d’autres éditeurs. Au moment de m’offrir l’intégrale d’Olivier Rameau, par exemple, je me suis aperçu que ces défauts des films poussiéreux ou griffés n’avaient pas été rectifiés et, les pages multipliant ces taches et défauts, je me suis abstenu à on grand regret car j’adore cette série de l’excellent Dany. Cela m’avait également frappé dans les rééditions des Chlorophylle. C’est vraiment dommage, car la technologie actuelle permet de redonner à l’œuvre sa qualité d’origine. Elle permet également de rectifier les erreurs de couleurs, de corriger les fautes d’orthographes, etc. Travail qui, le plus souvent, n’est pas fait. On trouve ainsi, de réédition en réédition, des erreurs qui pourraient être aisément rectifiées,... si l’on prenait le temps de revérifier l’album avant de le rééditer.

      C’est un simple respect, à la fois du créateur et du lecteur.

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      • Répondu par javaman le 14 février 2011 à  14:35 :

        Je confirme pour l’intégrale d’Olivier Rameau ! Alors que sous certains logiciels d’
        aujourd’hui, il est assez simple de retoucher les anciennes planches, même au niveau des couleurs, celà n’a pas été fait sur cette ré-édition qui semble une vieille ré-édition. Passé mon chemin : (

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  • Personnellement ce sont les couvertures de ces nouvelles intégrales qui m’ont rebutées... Rarement vu aussi moche ! Visiblement, Le Lombard à voulu faire "effet vieux", ben c’est réussi. Du coup je n’ai pris que Spaguetti qui est dur à trouver d’occasion (et cher), mais pas Clifton. Pourtant il existe plusieur belles couvertures inédites dans Tintin qui auraient pu être réutilisées...
    A quand Chlorophylle et Modeste et Pompon au fait ????

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    • Répondu par Nicolas Anspach le 14 février 2011 à  11:41 :

      Le Lombard travaille sur une édition en intégrale des albums de « Chlorophylle ». Les albums seront remis en couleur par un coloriste, ce qui devrait apporter un coup de neuf, une mise en lumière (on espère) du travail de Macherot.

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      • Répondu par Mike le 14 février 2011 à  14:01 :

        Ca c’est une très bonne nouvelle ! Espérons qu’ils fassent aussi l’après Macherot, avec beaucoup d’inédits et pas mal de bons albums (malgré ce qu’en disent certains esthètes de la BD).

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