On se souvient que Steven Spielberg et Peter Jackson avaient défrayé la chronique du dernier Festival d’Angoulême en jouant les Dupondt pour annoncer le commencement du tournage du film. Le 80ème anniversaire de la création de Tintin s’était poursuivi avec l’ouverture du Musée Hergé en juin dernier.
Le teasing continue en cette fin d’année avec deux numéros spéciaux de L’Express et du Monde. C’est le quotidien national qui prend une longueur d’avance en s’étant assuré d’une interview exclusive des producteurs et réalisateurs des films de Tintin qui annoncent le premier film pour octobre 2011. « L’histoire : un mélange du « Secret de la Licorne » et du « Crabe aux pinces d’or » précise le quotidien. L’acteur qui incarnera Tintin, mais cela on le savait, sera Jamie Bell.
Au « Monde », Spielberg raconte…
Spielberg aurait découvert Tintin à cause des critiques des Aventuriers de l’Arche perdue qui comparaient son film aux aventures du reporter à la houppe. Spielberg n’en avait jamais entendu parler auparavant. Mais, cette comparaison l’intrigue. Il commande la collection chez Casterman en France car aux États-Unis, elle était indisponible et, sans lire le français, les feuillette et se dit : « Maintenant, je comprends. » Il décide de contacter Hergé pour obtenir les droits et, quand il est à Londres en 1983 pour tourner le second volet d’Indiana Jones, il a « le grand honneur » de l’obtenir au téléphone. Mais avant qu’il ne puisse le rencontrer, Hergé décède…
L’une des raisons pour laquelle il a hésité à produire le film dans les années 1980 alors qu’il en avait acquis l’option, c’est qu’il avait peur de faire un film live en costumes stylisant « un monde qui n’existe pour aucun d’entre nous ». Il finit par lâcher l’affaire. Puis, se remémorant de vieux souvenirs avec sa productrice Kathleen Kennedy (qui a produit aussi Persepolis de Marjane Satrapi), il décida d’acheter les droits à nouveau, les avancées techniques de la Motion Capture permettant des prouesses impossibles il y a vingt ans. Grâce à elles, dit Spielberg, « Peter et moi avons la possibilité d’honorer l’art d’Hergé, sa palette de couleurs, ses personnages, Ce sont des artistes qui vont dessiner son art, tout comme Hergé dessinait ses planches. Nous sommes ainsi plus en phase avec ses intentions initiales. » C’est peu de dire que Fanny et Nick Rodwell étaient ravis.
C’est parce que Universal n’avait pas confiance dans cette technologie digitale que Spielberg et Jackson ont finalement signé avec Paramount et Sony.
S’il ne collectionne pas les originaux d’Hergé, Spielberg concède avoir acheté récemment à une vente aux enchères un buste de Tintin [1] et posséder la collection originale des albums, ainsi que bon nombre d’objets de son univers. C’est donc bien un passionné qui est aux commandes !
Exégèses
Évidemment, ces deux numéros spéciaux valent par leur lot de commentaires de « spécialistes ». On sent leur volonté de complaire et peu ont sur l’œuvre comme sur ses développements récents un regard vraiment critique. On est dans l’hagiographie. Si l’analyse de l’ancien ministre des affaires étrangères Hubert Védrine, dans Le Monde, ou de Johan De Moor et Joost Swarte évoquant les fondements de la « Ligne Claire », dans L’Express s’avèrent passionnants, on soupirera devant les ixièmes justifications Pro Domo d’un certain M. Van Nieuwenborgh défendant un Hergé raciste, « comme tant d’auteurs avant lui ». On sourira devant la naïveté de l’ami Jean-Marie Apostolidès, professeur d’art dramatique à Stamford et auteur d’un passionnant Tintin et le mythe du surenfant (Moulinsart), qui prétend que le patronyme du professeur Kalys (L’Étoile mystérieuse) proviendrait du mot « Calice » en raison de la proximité d’Hergé avec son mentor l’abbé Wallez. Or, tout Bruxellois aussi bien né qu’Hergé sait que l’allusion est faite aux célèbres bonbons noirs au goût de réglisse que les écoliers belges achetaient en prévision des récrés.
Mais ne gâchons pas notre plaisir de voir Tintin retrouver le chemin de l’actualité heureuse lui quin ces derniers temps, se trouvait davantage illustré dans la chronique judiciaire, les anecdotes scandaleuses et autres rubriques des Milou écrasés.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
L’Express, Hors Série N°5, en kiosques, 6,50 euros
Le Monde, Hors Série N°17, 8 euros.
[1] Sans doute l’un de ceux signés Nat Neujean.
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