Dans la forêt du Rocher du Dragon, le Peuple des brumes vit en harmonie avec les insectes et les fleurs, tous à leur taille. C’est ici que vivent la jeune fée Ailina et le lutin Amandil, qui adorent batifoler ensemble.
Dans cet environnement où les plaisirs de tous les sens sont en éveil, les petites créatures ont néanmoins une mission : permettre au printemps d’éclore en allant chercher au sortir de l’hiver des pierres de Cornaline qui permettent de faire pousser leurs ailes. Grâce à elles, les fées qui sont ainsi passées à l’âge adulte pourront alors butiner plus haut pendant tout le printemps et, par-là, féconder la forêt tout en contribuant au cycle de la vie.
Mais voilà, Ailina n’a pas envie de voir ses ailes pousser et elle refuse d’aller voir le Dragon pour recevoir sa Cornaline. En interrompant le cycle, elle porte désormais une malédiction. Non seulement elle rend malade son lutin Amandil mais en plus, elle a envie de butiner tous ceux qu’elle croise. Elle entreprend alors un voyage avec la sorcière de son peuple et elle apprend que celle-ci aussi avait refusé d’aller chercher sa cornaline en son temps, et qu’une période de glaciation s’en était suivie...
Après Rome et ses complots, la scénariste Katia Even change radicalement de registre et de rythme de narration. Cette fable Fantasy utilise la métaphore du refus du passage à l’âge adulte pour suivre les débats intérieurs d’une jeune femme, la fée Ailina, et d’un jeune homme lutin Rhîw qui refuse également ses responsabilités d’homme mûr. Des débats, accompagnés d’ébats, car la punition de ce choix du plaisir est d’être affecté d’une soif extinguible jusqu’aux possibles conclusions funestes : qui vit par le plaisir, meurt par le plaisir.
En dépit de cette idée de base assez attirante, le premier tome de cette série présente des séquences parfois un peu décousues : il nous faut attendre le deuxième opus de cette trilogie pour bien en comprendre les différents enjeux. Déjà nous comprenons que ce qui se présentait comme un simple caprice aux conséquences toutes personnelles prend des dimensions beaucoup plus importantes, mettant en péril toute la civilisation des fées.
Ce Fairy Tale est porté par le beau dessin de Styloïde, découvert en 2015 avec No M(e)n’s land et l’adéquate mise en couleur de Marina Duclos. Dès les premières pages, le lecteur est emporté par cet univers doux et voluptueux, aux couleurs pastels, et aux grands plans sensuels. Rien de scabreux d’ailleurs : que les amateurs de turgescences explicites passent leur chemin, ce premier tome se limite à un érotisme de bon aloi.
En revanche, changement de ton dès les premières cases du tome 2, où les rapports féériques deviennent plus tangibles : plus de feuilles en camouflage adroit, auteur et éditeur assument un registre plus osé... Sans pour autant en faire une constante sur tout l’album ! Comme dans les scénarios précédents de Katia Even, le sexe reste au service de l’histoire, et non le contraire.
Après un premier tome mitigé, Le Peuple des brumes prend son envol dans ce second opus, où les motivations des personnages et le corps du récit prennent davantage de consistance. En dépit d’une petite baisse de régime en milieu d’album, dans une scène muette moyennement réussie, cette nouveauté plaira aux amateurs de récits féériques qui ont toujours souhaité que les nymphes s’emportent dans quelques élans nymphomanes.
(par Charles-Louis Detournay)
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