Etre adolescent au XVIIe siècle n’est pas chose aisée : entre une mère autoritaire, et un pédagogue moralisateur, Jean ne trouve le réconfort que dans le dessin. C’est grâce à ce talent qu’il approche enfin son père, et qu’il collabore à sa passion, la taxidermie. Malheureusement, ce dernier succombe aux vapeurs toxiques de ses procédés, et, pour éviter le pensionnat, Jean se refugie chez le marquis de Dunan. Celui-ci, bien introduit à la cour, arme un navire pour ramener les nouveaux animaux qui peupleraient les colonies africaines. Jean l’accompagne pour décrire au mieux ces nombreuses espèces, mais les bêtes ne sont pas toujours celles qu’on croit.
Didier Tronchet largue les amarres. Adaptant un roman de Frédéric Richaud, il choisit d’aller explorer de nouveaux rivages. Les Jean-Claude Tergal [1], et autre Raymond Calbuth [2] semblent bien loin, on se rapproche par contre de la série Violine, dans un registe plus adulte. En effet, Tronchet choisit un roman historique pour l’adapter en deux tomes au sein de la série Aire Libre. Ses dernières publications dans cette collection ont d’ailleurs été couronnées de succès : Houppeland et Là-bas.
Sur base d’un découpage très classique, Tronchet nous guide dans les méandres de son récit. D’un enfant pétri de convictions assénées à coups de morale, il fait un explorateur à l’œil peu enjoué, mais admiratif du monde qui l’entoure. Il aborde en effet un ensemble de thèmes assez disparate : l’esclavage, la noblesse décadente, l’éducation, le libertinage, etc. Le tout est dessiné à grand renfort de gros plans. Ce choix évident nous place d’emblée dans la peau du narrateur. C’est bien notre œil qui juge, qui s’offusque ! Et comme le jeune Jean, nous nous demandons bien où ces péripéties vont nous mener, comment et où distinguer le bien du mal. On prendra beaucoup de plaisir à se balader au gré des aventures de cet adolescent, même si on peut regretter que de grandes cases ne nous fassent pas apprécier les beautés de la mer et du Sénégal.
Ce premier tome nous donne peu de clés pour comprendre qui est Le peuple des endormis. Parle-t-on des esclaves, des colonies, ou d’une couche sociale de la France ? Qu’importe, car derrière ce titre nébuleux, Tronchet nous fait voyager entre les scènes baroques d’un quotidien fait d’aventures, certes parfois peu glorieuses, mais en tout cas, le dépaysement est garanti.
(par Charles-Louis Detournay)
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