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Le Photographe T2 - Guibert et Lefèvre - Aire Libre, Dupuis

Par Maingoval le 15 octobre 2004                      Lien  
Fin juillet 1986. Didier Lefèvre quitte Paris pour sa première grande mission photographique : accompagner une équipe de Médecins Sans Frontières au coeur de l'Afghanistan, en pleine guerre entre Soviétiques et Moudjahidin. Cette mission va marquer sa vie comme cette guerre marquera l'histoire contemporaine. Au croisement des destins individuels et de la géopolitique, à l'intersection du dessin et de la photographie, ce livre raconte la longue marche des hommes et des femmes qui tentent de réparer ce que d'autres détruisent.

De temps en temps, un auteur se dit en lisant l’œuvre d’un confrère : bon sang, j’aurais moi aussi voulu écrire cela. Ce n’est ni de la jalousie ni de la flatterie. Juste une admiration, une reconnaissance, un respect. Je n’avais pas lu le tome un du Photographe à sa parution. Je ne sais pas pourquoi. J’ai mangé à la table de Guibert et Lefèvre au dernier festival de Saint-Malo sans avoir pu leur parler de cet album, comme un con. Je n’ai pas mesuré à l’époque le talent (et le courage) de ce fabuleux photographe, la maîtrise parfaite et l’efficacité de ce dessinateur et scénariste étonnant. Je m’en veux. Lorsque j’ai reçu le tome deux, j’ai évidemment commencé par lire le premier. Ce fut un choc. Un choc artistique, un choc intellectuel, un choc humain. Je me suis plongé dans le deuxième. Allait-il être aussi bien ? Non ! Il est encore meilleur. Incroyable ! Si le tome un racontait le voyage long, pénible et périlleux pour arriver au fin fond de l’Afghanistan, le tome deux présente la mission proprement dite de médecins au courage et à l’abnégation proprement inouïs.

Ce n’est ni du roman-photo ni de la BD classique ! Mais un mélange harmonieux de dessins et de photos qui racontent de manière magistrale un parcours personnel poignant. Le dessin est d’ailleurs remarquable : loin des effets spéciaux, des cadrages (trop) travaillés, il se fait tellement discret qu’on l’oublie presque. Serait-cela l’efficacité ? Ici pas d’esbroufe : Guibert sait dessiner, il n’a pas besoin de le prouver à chaque case. Il se met au service du récit, avec un cadrage et un découpage parfait. Les photos, dont certaines sont insoutenables par l’horreur qu’elles décrivent mais restent pourtant tellement sobres, sont à l’avenant. Pas besoin de faire des gros plans sanguinolents sur des blessures d’enfants pour montrer l’indicible mal que le genre humain se fait à lui-même. La guerre est indécente, obscène, elle provoque la répulsion et l’indignation. De tels récits ne feront pas changer l’histoire, hélas ! Mais le message d’espoir est grand : malgré tout, des hommes et des femmes sacrifient leur petit confort et risquent leur vie à tout instant, pour soigner des enfants innocents et des guerriers inconscients. Et d’autres les suivent, avec le même inconfort et un risque peut-être plus grand, pour témoigner par leurs récits et leurs photos que l’humanité oscillera toujours entre le mal absolu et la grandeur d’âme.

Et quand c’est une bande dessinée qui parvient à transmettre ce message et ces émotions, tout en restant un récit étonnamment plaisant à lire où chaque page est tournée avec fébrilité pour découvrir la suite, c’est un événement à marquer d’une pierre blanche. Messieurs Guibert et Lefèvre, je vous en remercie.

(par Maingoval)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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