Le dessinateur nous a confié dans une interview que le triptyque du Photographe contenait la substance d’un documentaire et que le vécu de Didier Lefèvre était un vecteur de compréhension pour le lecteur. Ces deux éléments résument parfaitement la richesse d’un récit qui n’omet aucun détail, des plus flatteurs aux plus fâcheux.
Dans ce troisième album, le photographe quitte la mission pour rejoindre la frontière, et retourner en France. Il apprend à s’assumer, avec hésitation, malgré la fatigue et la maladie, dans ce pays si différent du sien.
Il s’en va accompagné par des guides peu fiables, qui n’hésiteront d’ailleurs pas à le racketter, puis l’abandonneront. Le photographe franchira seul un col. Il restera bloqué dans cette ascension, réalisée en solitaire, par la neige et la perte constante de ses bagages [1]. Il y restera immobilisé, la nuit, abandonné de tous. Le photographe pensera voir ses dernières heures arrivées. N’hésitant pas à photographier, en contre-plongée, son cheval ou la montagne. Histoire de donner un ultime témoignage sur ses conditions s’il venait à trépasser.
Cette scène, sans doute la plus forte de l’album, est judicieusement mise en images, en ombres chinoises, par Emmanuel Guibert. Les couleurs grisâtres et simples de Frédéric Lemercier sont en parfaite osmose avec le style du dessinateur et permettent d’amener avec finesse et intensité les photographies de Didier Lefèvre.
Ce témoignage est bien plus qu’une simple bande dessinée, tellement le sujet est traitée avec subtilité, simplicité et élégance. Ce livre, qui doit faire partie des bibliothèques idéales, est à conseiller à tous ceux qui n’ont pas encore pris conscience que la BD peut parfois fournir autant d’émotions, de sensibilités, d’apports culturels et d’invitations à la réflexion que des romans ou des films réussis. Une œuvre majeure que l’on regrette de quitter en refermant l’album.
(par Nicolas Anspach)
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[1] On n’apprend pas en un tour de main à fixer correctement ses bagages sur des mules ou des chevaux.
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