Les éditions IMHO avaient déjà fait découvrir au lectorat français les charmantes horreurs sorties de l’imagination de Junko Mizuno.
Cette fois-ci, changement assez radical, avec un premier album d’une autre mangaka, Shizuka Nakano. L’élégance du style de Nakano saute aux yeux : un trait sobre, allié à une utilisation poussée de trames découpées qui créent des effets de volumes et apportent une densité à l’image qui ne nuit pas à la lecture mais renforce l’ambiance douce-amère des histoires de l’auteure.
Si celles-ci tournent en grande partie autour du thème des amours (ou plutôt, des attirances) masculines, elles n’ont strictement rien à voir avec le yaoi tel que des séries comme Kizuna (Kasuma Kodaka, Tonkam) ou New York New York (Marimo Ragawa, Génération Comics) ont pu nous le faire découvrir. Par exemple, dans Le Garçon au parfum de pluie, un écrivain découvre un jeune homme dans un noyau de pêche alors que le parfum du fruit emplit sa maison et que son assistant lui parle avec insistance de l’odeur du prunier du jardin. En quelques pages, l’auteure campe des personnages qui se découvrent à travers, pour cette histoire-ci, une odeur qui envahit tout.
Car les sens semblent jouer un rôle important dans les histoires de Nakano : dans la première, un dentiste se trouve obsédé par le danger que le chocolat qu’aiment tant les enfants fait peser sur leurs dents ; dans une autre, un jeune homme est intrigué par un tatoueur qui rend visite à son grand frère et passe de longs moments à piquer une mystérieuse scène sur le dos de celui-ci.
Dans l’une des plus jolies histoires du volume, Résidence Consonance, un groupe de garçons et de filles aux noms de notes de musique forment une maisonnée au début harmonieuse, mais les amours des uns, des unes et des autres menacent la paix ambiante. Raconté comme une partition qui se déliterait, ce conte de l’abandon amoureux semble à la fois moderne et intemporel.
Shizuka Nakano a un talent certain pour raconter des histoires qui ne soient ni mélos, ni prévisibles. Sans refuser la puissance des sentiments, elle les dépeint de façon subtile, et ses personnages deviennent vite attachants par leur tendance à se laisser entraîner par leurs obsessions et leurs envies. Un bel album qui ne devrait pas laisser indifférents les lecteurs sensibles à l’étrangeté poétique qui se dégage de ces récits.
(par François Peneaud)
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