Le Quatrième Monde T2 - Par Jack Kirby - Urban Comics

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La guerre entre Neo-Genesis et Apokolips se poursuit avec toujours comme terrain de jeu la Terre. Les agents de Darkseid rivalisent d’idées toutes plus folles et machiavéliques pour répandre la terreur et le King of Comics ne semble plus avoir de limite ! Incontournable.

À peu près un an après la sortie du premier tome, voici donc le second (sur quatre au total) de ce que beaucoup considère comme l’œuvre maîtresse de l’éternel Jack Kirby. Nous retrouvons Orion, Lightray, Métron, les Forever People, Mister Miracle, Jimmy Olsen, les Petits Rapporteurs et Superman, auxquels s’ajoutent désormais l’immense Big Barda et l’énigmatique Sonny Sumo !

Rappelons brièvement ce qu’est Le Quatrième Monde : un univers original créé par Jack Kirby en 1970 chez DC Comics après avoir quitté Marvel Comics (qu’il réintégrera néanmoins dès 1975). Le King y narre les exploits d’une nouvelle génération de dieux, les développant à travers quatre séries publiées simultanément.


Un parc d’attraction diabolique !: © Jack Kirby / DC Comics / Urban Comics

Grâce à son incomparable vitalité Jack Kirby réalisait chaque mois deux épisodes, un par série, ce qui permettaient aux lecteurs de lire sur deux mois un épisode de chacune des séries du Quatrième Monde : Superman’s Pal Jimmy Olsen, reprise d’une série existante, et trois originales : The New Gods, The Forever People et Mister Miracle.

Rappelons le contexte : des ruines de Ragnarok au cours duquel les anciens dieux s’entretuèrent, deux nouveaux mondes naquirent : Neo-Genesis et Apokolips, habités par des Neo-Dieux que tout oppose. Ainsi Neo-Genesis, dirigé par le Haut-Père, est une planète verte et paradisiaque, tandis qu’Apokolips, dirigé par Darkseid, se révèle infernale et aliénante.

Le lecteur suit la guerre entre ces deux mondes qui a pour enjeu la mystique équation d’anti-vie que convoite le sombre Darkseid et qui se trouverait à l’intérieur de l’esprit d’un habitant de la Terre. C’est ainsi que les agents de Darkseid débarquent discrètement sur notre planète, suivis des guerriers de Neo-Genesis.

Dans ce second tome [1], Jack Kirby se montre une nouvelle fois extrêmement généreux. Pas de temps mort pour ses personnages qui enchaînent ainsi les situations extraordinaires et les menaces hors-normes. Une accumulation d’idées fortes et de moments de bravoure qui ne cessent de bousculer le lecteur des années 1970 qui se trouvait face à un véritable phénomène, avec son univers partagé, un Métron voguant ici et là, et un Darkseid omniprésent dans l’ombre.

Il y a de nombreuses façons d’aborder ces différents récits, et celle proposée par Walter Simonson dans la préface de ce tome-ci nous semble fort pertinente pour la reprendre. Il s’agit d’une simple et puissante analogie aux différents types d’acteurs d’une guerre, à leur rapport à cette violence « légitime » que Jack Kirby a bien connue, ayant été appelé lors de la Seconde Guerre mondiale.

Dans The New Gods, il s’agit de la guerre des soldats. Nous suivons principalement Orion et Lightray, guerriers de Neo-Genesis, qui se battent en première ligne contre les troupes qu’Apokolips. En particulier dans ces épisodes où ils affrontent six monstrueuses créatures sous-marines. Il y est question de devoir jusqu’au-boutiste et de sacrifices.


Jimmy face à la science sans éthique et sans scrupule !: © Jack Kirby / DC Comics / Urban Comics

Dans The Forever People, ce sont des jeunes, de Neo-Genesis, pour qui la guerre est encore une aventure et où les simulacres sont puissants. C’est ainsi qu’ils se retrouvent cette fois-ci prisonniers dans un camp qui revêt les traits d’un parc d’attraction… et dans lequel les visiteurs se baladent sans se douter que ce qui les amuse cache des horreurs bien réelles !

Mister Miracle met en scène un objecteur de conscience, Scott Free, qui s’est enfui d’Apokolips, ne désirant pas participer à une guerre qu’il trouve absurde. Dans ces épisodes, il est rejoint par Big Barda, elle-aussi éduquée uniquement pour la guerre. Ensemble ils doivent faire face à leur passé pour s’en libérer définitivement.

Enfin dans Superman’s Pal Jimmy Olsen nous avons le point de vue des mortels, c’est-à-dire des civils (et des journalistes, leurs porte-voix). Si Jimmy et ses compagnons, les Petits Rapporteurs, se retrouvent d’abord face à des merveilles de la technologie, promesse d’un avenir fabuleux (le fameux projet A.D.N.), ils doivent aussi se rendre à l’évidence que ces découvertes peuvent être détournées par les marchands de mort (d’Apokolips évidemment)... sans oublier que la contre-information et la propagande n’est jamais bien loin.

Sans doute parce qu’il a combattu le nazisme, il n’y a chez Jack Kirby ni antimilitarisme ni manichéisme. Même le terrible Darkseid, chef d’orchestre de cette guerre, qui rêve à contrôler tous les êtres vivants, ne s’enthousiasme pas face aux actes d’horreur de ses agents, et semble par moment étonnamment lucide sur ses actes et ses conséquences.

Pour le tyran au visage de pierre, les agissements de ses lieutenants demeurent en fin de compte de simples moyens pour atteindre son objectif. Et c’est peut-être là que se situe la véritable horreur du personnage imaginé par le King : cette société déshumanisante entièrement consacrée à la réalisation de l’objectif du maître, considérant les individus comme de simples outils, à l’esprit et au corps corvéables à merci.

Une œuvre décidément profonde, universelle et intemporelle.