Guetté par une mort certaine, Louis est un tueur qu’on devine sans pitié et sans remords. Sur son lit d’hôpital, il réussit à soudoyer une infirmière pour obtenir de la morphine, histoire de tenir debout, et un bon de sortie. Commence alors une dernière expédition, à la fois punitive et familiale, dans des lieux sordides et isolés, où la nuit est toujours plus noire.
Louis s’applique à éliminer un à un plusieurs individus avec qui il a eu affaire, ces voyous qui donnent son titre à l’album. Mais le moribond va aussi rendre visite à la seule femme qu’il ait aimée, une ex-prostituée, mère de sa fille. La retrouver constituera sa dernière mission, montrant alors un soupçon de morale chez cet assassin de sang-froid.
On savait que Paringaux et Loustal maîtrisaient à merveille les codes du roman noir. Cet album étincelant ajoute une pépite de plus à leur bibliographie. Les textes, comme à l’habitude, ne décrivent pas l’action ou le décor, ils plongent dans les pensées, les états d’âme du héros. Paringaux est parvenu dans Le Sang des voyous à une qualité littéraire éclatante. Elle réduit au minimum les dialogues. Ils gagnent ainsi en efficacité pour le lecteur, déjà imprégné d’une atmosphère lourde et malsaine.
La dureté du trait de Loustal rend particulièrement crédible ce tueur qui, jusqu’à son dernier souffle, maintient une énergie carnassière pour accomplir son nettoyage. On suit sa laborieuse survie, ses épouvantables moments de faiblesse, ses accès de désespoir dans des ruelles sombres et des décors abîmés. Loustal joue des couleurs avec une totale maestria, usant de teintes surréalistes pour mieux coller à l’atmosphère de l’album.
La dernière image, cernée par une lumière blafarde, marquera l’esprit des lecteurs pour longtemps.
Une grande réussite.
(par David TAUGIS)
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