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"Le Schtroumpfissime" - Par Peyo, édition commentée par Hugues Dayez - Dupuis

Par Damien Boone le 17 août 2011                      Lien  
Pré-publié dans Spirou à partir de septembre 1964 à une période où le succès des Schtroumpfs monopolise progressivement le temps de son auteur, {le Schtroumpfissime} demeure le chef d'œuvre de Peyo, tant au niveau humoristique que de la parabole politique que propose l'album dont une édition commentée sort ces jours-ci.

On attendait donc beaucoup de cette nouvelle édition, commentée qui plus est par Hugues Dayez -auteur d’une remarquable biographie de Peyo en 2003, à propos d’une œuvre qui a encore connu récemment des appropriations politiques, montrant que le message de Peyo traverse les époques.

Cependant, on apprend peu d’éléments qui n’aient déjà été mentionnés par ailleurs, ce qui est grandement décevant quand l’occasion est enfin donnée de commenter un album complet. La présente édition offre davantage une chronique de la vie de Peyo et du Journal de Spirou au moment de la prépublication de l’épisode dans l’hebdomadaire, de septembre 1964 à mai 1965, qu’un véritable commentaire "planche par planche" comme l’indique le quatrième de couverture. Au lieu de ça, quelques (demi-) pages se perdent en anecdotes qui n’ont pas grand chose à voir avec l’histoire, comme l’origine du bleu des Schtroumpfs ou la publicité pour les chocolateries belges Kwatta...

Dans un album aussi riche, il y avait pourtant beaucoup à dire sur la façon dont la politique est représentée en BD, notamment lors des campagnes électorales. Lucky Luke contre Joss Jamon est à plusieurs reprises mobilisé en guise de comparaison, mais on aurait aimé la référence à Ruée sur l’Oklahoma, dans lequel la description de la campagne municipale, avec les utilisations absurdes du mot « inique », que personne ne comprend, est un grand moment de finesse davantage comparable à la fameuse allocution du Schtroumpfissime-candidat, usant et abusant du langage « schtroumpf » pour prononcer un discours que chacun peut comprendre à sa convenance. À travers la futilité et l’hypocrisie du programme électoral, c’est en fait la versatilité des électeurs que Peyo brocarde : le maintien du Schtroumpfissime dépend de la capacité à détourner les contestations et à chercher leur alliance : le Schtroumpf Costaud se révolte et met en péril l’autorité du Schtroumpfissime ? Qu’à cela ne tienne, il devient «  grand capitaine en chef des services de protection de la légalité Schtroumpf » ! Pas besoin d’aller chercher bien loin pour illustrer la contemporanéité des retournements de veste...

En revanche, on appréciera les éclairantes remarques sur le graphique et les effets que produit le style de Peyo tels que la perspective « ras du sol », les « chutes de pages » pour entretenir le suspens chez les lecteurs de Spirou d’une semaine sur l’autre, et le découpage du scénario sur cinq bandes au moment de l’abandon du format du mini-récit, créant des planches très denses dans lesquelles les gags abondent, notamment lors de l’hilarante expédition punitive organisée en forêt par le Schtroumpfissime pour combattre les insoumis.

Au final, les amateurs lointains des Schtroumpfs et de la bande dessinée y trouveront de quoi satisfaire leur curiosité ; les autres resteront sur leur faim.

(par Damien Boone)

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7 Messages :
  • À qui s’adresse cette édition commentée ? À un public de vieux pécialistes ou au grand public et aux enfants ? Ça m’étonnerait qu’Hugues Dayez soit passé à côté de sa cible. Une analyse sémiologique page par page, ce serait bien... mais plutôt dans une édition limitée, non ?

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  • Je pense qu’il s’agit plus d’un album destiné au grand public pour permettre aux (nouveaux) lecteurs d’avoir une (nouvelle) lecture "plus intelligente" de cet album et pourquoi pas pour leurs autres lectures...!

    Il est clair que la biographie par Hugues Dayez de 2003 contient déjà la quasi totalité des commentaires ; mais après tout c’est le même auteur !

    Quant à en faire un tirage limité, le contenu (limité lui aussi) ne le justifie justement pas vis-à-vis des amateurs chevronnés de Peyo

    Achetez plutot le catalogue de l’exposition !

    EXPOSITION À PARIS – HÔTEL MARCEL DASSAULT
    7 ROND-POINT DES CHAMPS-ELYSÉES – 75008 PARIS
    DU 7 JUILLET AU 30 AOÛT 2011 DU LUNDI AU DIMANCHE 11H À 19H http://www.artcurial.com/pdf/presse/2011/expo-peyo.pdf

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    • Répondu le 17 août 2011 à  14:21 :

      "Je pense qu’il s’agit plus d’un album destiné au grand public pour permettre aux (nouveaux) lecteurs d’avoir une (nouvelle) lecture "plus intelligente" de cet album et pourquoi pas pour leurs autres lectures... ! "

      Je le crois aussi et Hugues Dayez est assez fin pour savoir à qui il s’adresse. Il sait très bien vulgariser son savoir pour toucher le grand public. D’ailleurs, la vocation de Dupuis est de publier de la BD populaire, pas de faire des livres pour universitaires spécialistes. C’est pour cela que je parlais d’édition limitée. Une étude sur Le Schtroumpfissime n’a aucun intérêt à être publié à 50 ou 100 000 exemplaires... à moins qu’on enseigne un jour cette œuvre dans les écoles primaires... ce qui serait très bien.

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  • Pour les autres, je conseillerai plutôt le catalogue de l’expo qui se tient actuellement à Paris ; là les spécialistes y trouveront leur compte, les reproductions (innombrables) sont superbes, les raretés et inédits aussi et le texte est tout à fait intéressant. En fait, il s’agit au moins autant d’une monographie que d’un catalogue d’expo !

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    • Répondu par Oncle Francois le 18 août 2011 à  20:27 :

      Livre bien imprimé (papier mat un peu jaune) et commentaires intéressants, malheureusement plus sur ce qui se passait dans le Spirou de l’époque que sur les sous-entendus politiques. Je ne crois pas avoir trouvé d’allusion directe à Charles de Gaulle

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      • Répondu le 19 août 2011 à  09:23 :

        Charles de Gaulle n’était pas tellement belge... Le Schtroumpfissime est une œuvre intemporelle. Ses allusions sont valables à toutes les époques. La politique, ce n’est jamais autre chose que la comédie humaine avec des démagos égocentriques qui cherchent à séduire des gens qu’ils méprisent. Et ses dupes dupés se rendent toujours compte qu’une fois leur monarque élu, il n’applique pas son programme. Généralement, il y a tout un tas de facteurs indépendants du monarque qui font que le programme ne peut pas être appliqué dans son entité. Le seul démago élu à avoir appliqué son programme au XXème siècle, c’est Hitler. Pas génial comme exemple. Les dupés de l’époque on dû croire qu’il disait ça pour faire peur.
        Et c’est pour ça que j’aime bien Le Schtroumpfissime, c’est un album pour enfants politiquement responsable puisqu’anarchisant. Delporte y est pour beaucoup...

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      • Répondu par Damien Boone le 19 août 2011 à  19:02 :

        Pas de référence à De Gaulle, d’autant moins qu’au moment de la prépublication de l’épisode dans Spirou (1964), De Gaulle n’en est qu’à son premier mandat, lequel n’était pas encore octroyé par le suffrage universel (réforme de 1962 mise en application pour la première fois en 1965). Il semble donc que la campagne électorale du Schtroumpfissime-candidat ne vise pas le cas français, ni d’ailleurs aucun régime en particulier.
        On peut en revanche trouver une référence à De Gaulle dans l’épisode Schtroumpf vert et vert Schtroumpf : lors du conflit entre les Schtroumpfs du Nord et les Schtroumpfs du Sud, le Schtroumpf Poète (du Sud) récite le texte suivant :
        Ô vous, les Schtroumpfs du Nord, iniques bataillons ;
        Vous dont le schtroumpf impur abreuve nos sillons ;
        Vous, tyrans oppresseurs ; vous, tribu fratricide,
        Craignez des Schtroumpfs du Sud le courroux intrépide !
        Oui, je viens vous clamer l’horreur et le mépris !
        Honteuse trahison ! Oui, je vous ai compris !

        Outre la tonalité vindicative qui rappelle La Marseillaise, Le dernier vers est une évidente référence à la célèbre phrase du général De Gaulle du 4 juin 1958 à Alger,
        considérée a posteriori comme une trahison par les français d’Algérie. On interprète ensuite le poème à sa convenance, mais nous pourrions ici avoir la lecture suivante : le Sud du village se rallierait à la France en laissant son indépendance au Nord, de la même manière que l’on considère parfois la Belgique francophone comme une entité
        quasiment française.

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