1920, l’Amérique ne connait pas encore la crise économique mais la misère et la violence n’épargnent pas les quartiers pauvres de New-York. Orphelins ou abandonnés par leurs parents, plusieurs centaines d’enfants sont livrés à eux-mêmes, en proie à toutes les tentations et à toutes les débrouilles. Afin d’échapper à cette misère, ils sont emmenés vers l’ouest, à la campagne. Ces laissés-pour-compte sont placés chez des fermiers isolés et un peu rustres, des familles « en mal d’enfants » ou à la recherche de main d’œuvre bon marché !
Jim et Joey sont de ceux là, ils participent bien involontairement à ce programme organisé par des organisations religieuses et caritatives, destiné à permettre à ces enfants pauvres d’échapper à la délinquance et la violence des villes. Séparés de leur famille contre leur gré, coupés définitivement de leur milieu d’origine, les deux gamins participent à cette étrange aventure en compagnie d’autres orphelins dont Harvey un garçon débrouillard avec lequel ils vont se lier d’amitié. Une amitié qui se prolongera bien au-delà, puisque Jim entreprendra de retrouver son compagnon d’infortune et les traces de son enfance à la fin des années 1980.
C’est une histoire incroyable que nous racontent Philippe Charlot et Xavier Fourquemin. L’Orphan Train Riders, né de l’imagination d’un pasteur du milieu du XIXe siècle [1] a concerné plusieurs milliers d’enfants de 1850 à 1929, exilés dans « des familles d’accueil » qui voyaient là d’abord une aide gratuite et docile pour les travaux des champs.
Aujourd’hui c’est près de deux millions d’Américains qui descendent de ces orphelins et dont certains sont encore à la recherche de leurs origines. En nous entrainant à la suite de Jim, soixante plus tard c’est tout un pan inconnu, presque tabou de l’histoire américaine que nous dévoilent les deux auteurs.
Philippe Charlot n’est pas un inconnu, ce « nouveau scénariste » a déjà fait une entrée remarquée dans l’équipe de Grand Angle (label réaliste des éditions Bamboo) avec Bourbon Street, premier tome d’une autre histoire américaine, mais aussi avec Harmonijka - A Backstage Story (avec Miras & Greg Zlap, chez Glénat), mais aussi Karma Salsa (avec Campoy & Callède, chez Dargaud), ce qui en fait une des révélations de l’année 2012 .
Avec ce nouvel album, il confirme sa belle maîtrise narrative au service d’un récit bien mené. Tout en évitant le pathos ou le parti pris militant, il déroule un récit plein d’humanité et parfaitement crédible. Un démarrage impressionnant pour "ce jeune scénariste " dont l’arrivée dans le registre réaliste est loin de passer inaperçue !
Xavier Fourquemin, révélé entre autre par la série La Légende de Changeling publiée chez Lombard, réussit lui aussi à rendre ce récit vivant et vraisemblable, tout en usant d’un graphisme soigné et lumineux. La qualité du trait apporte une touche de légèreté bienvenue dans une histoire sensible et noire sans en altérer le propos.
Prévu à l’origine en deux tomes le Train des orphelins pourrait se prolonger avec un deuxième cycle si le succès est au rendez-vous. C’est tout le mal que l’on peut souhaiter à cette prometteuse série.
(par Patrice Gentilhomme)
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Le Train des orphelins T1 - Par Philippe Charlot & Xavier Fourquemin - Bamboo
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© Bamboo Edition - Illustrations X.Fourquemin -Philippe Charlot
[1] La première édition contient un dossier documentaire dense et complet qui vient fort opportunément éclairer le contexte de cette histoire.