L’imagerie, l’imaginaire et le folklore du Japon imprègnent manifestement ce Voleur d’estampes qui raconte, nous sommes à la fin du XIXe siècle, la rencontre - et la romance - entre un jeune Robin des bois nippon et la fille du gouverneur de la province, jeune femme ayant découvert par hasard l’identité du voleur.
Par un dessin qui imite - et modernise bien évidemment - l’estampe japonaise Camile Moulin-Dupré monte ainsi en parallèle les histoires de deux jeunes gens en quête de liberté dans un monde en crise économique et morale, et oscillant entre tradition et modernité. Sur cette base, si le héros demeure lui un peu terne, l’héroïne, opiomane pleine d’initiative, séduit aisément.
Formellement original, souvent inventif et plein de détails saisissants ou malins, Le Voleur d’estampes s’impose d’abord comme un bel objet de bande dessinée. Mais il laisse aussi une impression bizarre, celle d’une sorte d’exercice de style mené avec brio mais dont on ressort un peu perplexe, s’interrogeant sur ce qui nous est, au final, raconté. Précisons toutefois que nous n’en sommes pour l’heure, avec ce premier tome d’un diptyque annoncé, qu’à la moitié du récit.
Assurément maîtrisé et intelligent, cela nous a cependant paru manquer de sensibilité, ou plutôt de sensitivité, aussi bien au niveau des émotions que de l’action. Le dessin, par ses choix esthétiques, dégage un caractère statique qui rayonne sur l’ensemble d’un récit dont le déroulement apparaît du coup un peu figé, un peu artificiel.
Et il faut toute la sensualité de l’héroïne, les volutes de l’opium ou encore les interventions de la mascotte de l’histoire - un fascinant chien blanc - pour briser par moments - et par moments seulement - cette étrange sensation qui nous fait globalement demeurer comme en retrait de cette aventure, simple spectateur distant d’une expérience qu’on nous offre à contempler, à défaut de pouvoir pleinement nous y immerger.
(par Aurélien Pigeat)
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