Nous avons appris l’affaire par nos confrères italiens d’AfNews, le quotidien The Australian s’en étranglant presque. « Ce qu’un Premier Ministre n’a pas pu faire, des Belges l’ont fait ! », titrait-t-il dans son édition du 31 mai 2007, soulignant l’incongruité de la démarche : menacer d’attaquer en justice ce qui n’est rien d’autre qu’une parodie, puisque le dessinateur Bill Leak, une sorte de Plantu australien, a représenté le leader de l’opposition Kevin Ruud sous les traits de… Tintin ! Faisant valoir l’exclusivité de l’exploitation mondiale des droits de Tintin et Milou, le représentant de Moulinsart a réclamé un « royalty approprié » pour cette utilisation selon lui délictueuse.
Cette demande a surpris les Australiens pour lesquels le droit de parodie et de critique est sacré. Mais elle se situe dans un contexte particulier : celui de l’usage anglo-saxon du copyright, qui oblige son propriétaire à poursuivre les infractions au risque de se voir déchu de ses droits devant un tribunal ; celui aussi de l’annonce par Steven Spielberg de la mise en chantier de trois films de Tintin, dont l’un serait réalisé par Peter Jackson, la méga-star du cinéma, réalisateur néo-zélandais du Seigneur des Anneaux et de King Kong. Elle a aussi (un peu moins) surpris les observateurs européens, qui sont depuis toujours familiers de cette proximité entre les personnages de BD et la politique. De Gaulle ne confiait-il pas à Malraux (qui rapporte cela dans Les Chênes qu’on abat) : « Après tout, mon seul rival international, c’est Tintin ». Récemment, Plantu avait dessiné Sarkozy en Iznougoud, en Schtroumpf. Kouchner et Bayrou ont été comparés à Tintin.
On comprend donc difficilement cette action, à moins que dans le contexte actuellement très médiatisé du personnage dans le monde anglo-saxon, Moulinsart ait voulu faire là une travail de pédagogie, en marquant de façon forte et médiatique qu’il était le seul détenteur des droits du personnage. C’est une stratégie. Encore faut-il que cellle-ci ne dégrade pas son image, avec ce qui peut apparaître comme d’injustes manœuvres d’intimidation. Si la défense des intérêts de l’ayant-droit d’Hergé est en effet inattaquable, on ne peut pas dire, en revanche, que sa communication corporate soit une réussite.
L’affaire Bill Leak / Moulinsart, la suite
Le lendemain, le 1er juin, le même quotidien s’interrogeait sur les conséquences juridiques d’une telle demande, l’exception de parodie et de satire figurant clairement au code de la propriété artistique du droit australien.
Sollicités, les juristes évoquent le cas Bill Leak/Moulinsart, en soulignant la faiblesse juridique des arguments de la société belge.
En clair, que si celle-ci voulait mener jusqu’au bout cette bataille juridique sur un cas qui n’a jamais encore été jugé dans toute l’histoire de la jurisprudence australienne, il lui souhaitait, un peu narquoisement... bonne chance.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Source : AfNews et News .com
En médaillon et ci-dessus : Photo DR
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