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Le dernier rapport Ratier

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 16 janvier 2017                      Lien  
« Cette année, ce sera le dernier… » C’est en ces mots que Gilles Ratier, l’homme qui fait depuis 18 ans la comptabilité de la production de la bande dessinée dans l’espace francophone, un rapport abondemment commenté et cité par tous les chroniqueurs et les acteurs de la BD chaque année depuis, a annoncé à l’ACBD (Association des journalistes et des critiques de BD) qu’il n’assurerait plus la suite. L’information suscite quelques émois dans la communauté de la bande dessinée : qui donc prendra la suite ?
Le dernier rapport Ratier

C’était un rituel : vers le 30 décembre de chaque année, Gilles Ratier remettait son « rapport » : un inventaire de la production de la bande dessinée dans l’espace francophone.

Abondamment commenté et même critiqué, il a marqué les imaginations en soulignant, année après année, le phénomène qui frappe la bande dessinée francophone : une augmentation exponentielle du nombre de titres publiés. C’était à la fois la preuve de la bonne santé d’un métier qui se distinguait par son dynamisme et sa diversité, et une source d’inquiétude, sinon de colère de la part d’auteurs, de plus en plus nombreux eux aussi, dont la situation s’avérait chaque année plus précaire.

Publié bénévolement chaque année juste avant Angoulême, le rapport Ratier publié par l’ACBD dont l’auteur a été pendant longtemps le secrétaire général, là encore bénévole, était largement diffusé auprès d’un millier de médias de par le monde : une vitrine essentielle pour la BD francophone. Bibliothécaire de son métier, Ratier compilait comme un bénédictin les publications de l’année.

« Le premier à avoir comptabilisé les publications, c’est Stan Barets, le créateur de L’Année de la BD qui a réalisé ce premier décompte avec Jean-Luc Fromental et José-Louis Bocquet (81-82 et 82-83), se souvient l’historien Patrick Gaumer, l’auteur du Larousse de la BD, puis je m’y suis collé à partir de Janvier 1983 avec Stan et Sophie Barets. Ensuite, il y a eu Thierry Groensteen pour les "Cahiers de la BD" jusqu’à ce qu’en 1999, ce soit Gilles qui s’en occupe. »

Gilles Ratier en janvier 2017.

Précaire

Avec dévouement et générosité car il offrait chaque année le fruit de son travail à l’ACBD qui trouvait là une bien opportune fenêtre pour apparaître dans la lumière une fois par an, Gilles égrenait ses chiffres récoltés auprès des professionnels et des nouveautés, souvent acquises par la Bibliothèque de Limoges, l’une des plus riches collections de BD de France. Ces dernières années, quelques membres de l’ACBD lui ont prêté main forte, mais il était le seul principalement à supporter cet énorme boulot. Car si à la fin des années 1990, la production était d’environ 1000 titres, elle a été multipliée par cinq depuis !

Un peu usé par ce travail de bénédictin, et sans vraiment une perspective de support pérenne, le généreux Ratier envisage d’arrêter. Fin 2017, l’ACBD se débrouillera comme elle le pourra, mais elle ne disposera plus de ses chiffres.

On ne peut pas dire que l’on n’avait pas vu la chose venir. C’est un peu le propre de ce milieu que de laisser ses acteurs dans leur jus, que ce soient les auteurs ou les organisateurs de festivals, d’expositions et autres animations culturelles, tout en profitant du travail accompli –on pense en particulier aux politiques- sans parfois même qu’une once de subside ne soit donnée en contrepartie, alors que des sommes conséquentes sont gaspillées par ailleurs.

Ainsi, depuis le temps que Gilles Ratier fait ce travail, on se demande pourquoi aucun organisme public, que ce soit le Ministère de la culture, le Centre National du Livre, la section BD du Syndicat National de l’Edition, ou encore la Cité de la BD d’Angoulême n’a pas essayé de soutenir ce travail à travers une structure pérenne, un « Observatoire économique de la bande dessinée » qui permettrait d’évaluer la situation économique de la profession pour mieux en dégager les objectifs.

La faiblesse culturelle de l’Europe apparaît de jour en jour. Pendant ce temps-là, les Comics US, les mangas et les autres créations asiatiques continuent à envahir consciencieusement le monde…

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Rapport Ratier ACBD 2016

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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Photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)

 
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10 Messages :
  • Le dernier rapport Ratier
    16 janvier 2017 17:07, par Kkrist MIRROR

    Beau texte, juste et triste constat !

    Répondre à ce message

  • Le dernier rapport Ratier
    16 janvier 2017 19:00

    Je pensais qu’il était payé pour ça !

    Répondre à ce message

  • Le dernier rapport Ratier
    17 janvier 2017 17:48, par M. Haga

    Mille mercis Gilles pour votre magnifique travail et votre dévouement durant toutes ces années !

    Vous avez raison de laisser la place, maintenant que celle-ci est vacante voyons voir si quelques institutions ou autres ministères prendront le relais...

    Votre travail était un véritable et indispensable baromètre, vous nous manquez déjà !

    Répondre à ce message

    • Répondu par philippe wurm le 18 janvier 2017 à  00:14 :

      Bien dit ! Je suis d’accord.

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    • Répondu le 18 janvier 2017 à  08:33 :

      Pourquoi une institution prendrait le relai ?
      Les éditeurs ont-ils intérêt à ce que ce rapport continue d’être publié ?
      Ils sont abonnés à GFK et le SNE est efficace pour leur permettre d’obtenir toutes les informations dont ils ont besoin.
      Donc, le rapport de Gilles est surtout indispensable pour qui ? Les auteurs, les journalistes spécialisés BD, peut-être les libraires et les bibliothécaires voire les bédéphiles.
      Quel intérêt aurait une institution à financer un tel rapport ?
      Est-ce que cette transparence servirait les intérêts des principaux décideurs économiques que sont les éditeurs ?
      Il me semble, et ce n’est qu’une opinion, que seule une association comme l’ACBD et un passionné courageux comme Gilles Ratier pouvaient et pourraient encore réunir ces informations et en proposer une synthèse.
      Peut-être que le financement d’un tel rapport doit être participatif et indépendant et non pas financé par une institution.

      Le dernier rapport du Ministère de la Culture sur la bande dessinée date de 2011 et Actua BD s’en était fait l’écho ici :

      http://www.actuabd.com/Une-etude-sur-la-BD-dans-La

      À titre personnel, j’ai lu tous les rapports de Gilles et je trouve très dommage qu’il soit contraint d’arrêter faute de moyens.

      Encore merci Gilles !

      Répondre à ce message

  • Le dernier rapport Ratier
    19 janvier 2017 12:51, par patydoc

    Qu’on n’attende pas de soutien de la part de l’Etat ... Comme c’est naif d’attendre quoique ce soit des fonctionnaires !
    Bravo à G.Ratier, dont il faut aussi saluer je crois la probité intellectuelle !

    Répondre à ce message

    • Répondu par Patrick le 20 janvier 2017 à  10:42 :

      euh... Gilles est fonctionnaire...

      Répondre à ce message

      • Répondu par patydoc le 21 janvier 2017 à  16:50 :

        Lire : attendre quelque chose de ... L’Etat

        en effet je me suis un peu emporté ; merci pour la précision

        Répondre à ce message

  • Le dernier rapport Ratier
    21 janvier 2017 10:16

    Un sondage BVA. C’est nettement moins intéressant que le rapport de Gilles, non ?

    http://www.bva.fr/fr/sondages/observatoire_de_la_vie_quotidienne_-_les_francais_et_la_bande_dessinee.html

    Répondre à ce message

    • Répondu par Geraud le 22 janvier 2017 à  16:03 :

      Et quelle précision :
      « Hergé est connu par 83% des répondants, les créateurs de Tintin René Goscinny et Albert Uderzo de 78% et 74% »

      Bien vu, BVA !!!

      Répondre à ce message

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