Il ressemble beaucoup à l’auteur, Bernard Cosandey alias Cosey, ce héros, : cheveux noirs et yeux bleus, contemplatif et réservé mais au regard vif, peu causant... Il a le visage bronzé d’un habitué de la montagne. Il est suisse.
Et c’est pénétré de psychanalyse jungienne et de la lecture de Jonathan Livingston le Goéland de Richard Bach qu’il va introduire la spiritualité dans les pages dans le journal d’Hergé tout en sillonnant les routes du Tibet, de l’Inde, du Népal, de la Chine, mais aussi du Myanmar, du Japon et plus tard des États-Unis, grâce à une ravissante jeune femme, Kate qui vaut à son auteur et à cette série l’Alfred du meilleur album en 1982.
Entretemps, Cosey crée à côté des romans graphiques magnifiques -un genre dont il est un des précurseurs en Europe- avec notamment À la Recherche de Peter Pan pour le Lombard et quelques titres mémorables pour la collection Aire Libre chez Dupuis. Enfin, il reçoit le Grand Prix d’Angoulême en 2017.
Mais au bout de 46 ans et 17 albums, il faut bien que l’histoire ait une fin. Jonathan, on l’a très vite compris, c’est le double de l’auteur, même si, par habillage fictionnel, le héros entretient une correspondance avec un certain C. qui serait celui qui raconte ses aventures. On est à la fin du règne du Dalaï Lama et, dans cet épisode, Jonathan a rendez-vous avec une jeune femme à Yéshé, qu’il va mettre du temps à retrouver. En attendant, on jouit des paysages, de l’apaisement, des espaces infinis où l’humain -fut-il un représentant de l’empire chinois- est écrasé par l’immensité des montagnes et de leurs neiges éternelles.
Le lecteur comprend que l’aventure est davantage spirituelle que temporelle et qu’elle passe par l’art : ce trait de Cosey, à l’encrage vibrant de vie, qui s’attarde sur le détail, là un visage buriné, ici une vieille bécane dont le moteur tourne par miracle. Un regard fait de tendresse et d’empathie.
Ce périple qui est donc le dernier de Jonathan, aventurier fourbu, est une dernière initiation, une leçon de vie. « Dans quelle mesure comprenons-nous la vie des autres ? » s’interroge l’auteur dans un questionnement très kantien. Il donne sans le dire la réponse : en faisant avec eux une partie du voyage, quitte à le faire par procuration.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Jonathan T. 17 : La Piste de Yeshé - Par Cosey – Ed. Le Lombard
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