Chaque matin, la même routine : le renard s’immisce dans le poulailler pour terroriser poules et cochons, et il n’impressionne personne. Au mieux, on le salue amicalement, au pire, on le congédie avec mépris. Il doit se résoudre à la triste vérité : il ne fait peur à personne. Prenant conseil auprès de son camarade le loup, il tente de s’aguerrir, teste de nouvelles techniques. En vain. Finalement, le renard vole des œufs dans l’idée de manger les poussins après qu’ils aient suffisamment grandis. Mais à la naissance, les oisillons qui cassent les coquilles reconnaissent le prédateur roux comme leur mère. Il va devoir composer avec cette nouvelle réalité.
Il y a du Reiser dans les mines dépitées et les formes à tendance molles des personnages de Benjamin Renner. Mais il y a surtout une magnifique idée de scénario qui redistribue les rôles dans le monde animal. Les poules sont toniques et organisées, le cochon est bête mais brave, le lapin crétin et serviable, et le loup malin mais pas si mauvais bougre.
La petite famille des trois poussins et du renard/maman malgré lui apporte un lot de cocasserie d’une redoutable efficacité. On sent bien la rédemption hésitante de notre chasseur au museau pointu, mais aussi le poids de la fatalité qui l’écrase un peu plus à chaque scène. Renner touche à l’universalité tout en raccrochant systématiquement son récit à des réalités humaines très contemporaines. L’arrivée des poussins à l’école, par exemple, est implacablement irrésistible. Maîtrisé jusque dans sa conclusion sarcastique, Le grand méchant renard fait partie de ces belles surprises de la BD qui apportent à l’auteur un crédit massif. Et surtout de quoi persévérer dans le neuvième art.
(par David TAUGIS)
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