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Le grand retour de "Vermines" de Marc Pichelin et Guillaume Guerse [PODCAST]

Par Hugues FRANCOIS le 3 février 2023                      Lien  
S’il est une BD que l’on n’attendait plus, c’est bien celle-ci ! Près de 10 ans après la sortie du premier volume de la série, le retour aux commandes des fondateurs des éditions les Requins marteaux pour un nouvel épisode de "Vermines", annoncé il y a quasiment deux ans, est un véritable événement dans le monde de bande dessinée indépendante. Loin de n’être “même pas morts” comme l’affirmaient les éditions associatives pour leur 30 ans, les Requins marteaux sont bien vivants et ont trouvé les ressources pour se renouveler à l’image de ce deuxième volume de Vermines grouillant de vie. Avant la sortie de l'album le 20 janvier 2023, nous avons eu la chance d’échanger avec ses auteurs et nous vous proposons ici une chronique 2.0, version “augmentée”, agrémentée des propos de M. Pichelin et G. Guerse.

Mais avant tout, un petit retour aux origines de la série s’impose. Après quelques apparitions dans Ferraille Illustré, le premier album rappelle dès la couverture la filiation avec la bande des Losers et leurs aventures albigeoises, dans le bar qui leur sert de quartier général, le Jour de fête. En s’endormant, Gégé se représente sous la forme d’une mouche et nous invite à le suivre derrière la machine à café du bar pour découvrir ce qui se passe dans les coulisses.

Vermines, c’est bien l’opportunité d’utiliser la représentation animalière pour élargir le regard et donner de la profondeur aux (non-)aventures d’un groupe de potes. Si le principe n’est pas nouveau, en choisissant les insectes pour traduire leur regard sur leur monde, les auteurs donnent d’emblée le ton. Et comme si le type d’animal ne suffisait pas, la qualification de “vermines” ne laisse aucun doute.

L’univers de Vermines n’est pas celui des étoiles qui brillent sous les feux de la rampe dans un univers aseptisé. Avec un propos chargé d’ironie, les auteurs nous content une société faite de bassesses individuelles, de faiblesses personnelles, des espoirs naïfs des uns trahis par les ambitions des autres. Une atmosphère unique, tirant sur le glauque, reflet de la noirceur des âmes et des pulsions se dégage de l’univers de Vermines dans lequel rien n’est noir ou blanc mais tire plutôt du gris au gris foncé. Comme le rappelle Gino, même l’eau qui a coulé sous les ponts depuis Le Retour de Pénélope est trouble. Il s’en dégage une vision critique, sans être moralisatrice et sans jugement de valeur sur le monde de la culture, qui, comme pour le premier opus, est au cœur des intrigues entre les protagonistes.

Le grand retour de "Vermines" de Marc Pichelin et Guillaume Guerse [PODCAST]

Avec Vermines 2, nous entrons directement dans le vif du sujet. La couverture reprend le principe du volume précédent en commençant directement l’histoire par une planche agrémentée d’un bandeau-titre, l’ensemble réalisé, comme précédemment, sous la houlette de Cizo.

Ici, néanmoins, nous ouvrons directement sur le petit monde culturel de Blattaville plantant d’emblée le décor. Petit à petit, on retrouve tous les protagonistes croisés précédemment alors que s’installent tous les éléments du drame qui se joue dans ce nouveau volume. Vermines 2 s’inscrit ainsi dans une filiation directe et nous raconte de nouveau comment chacun tente d’exister, entre ambitions, renoncements et jalouseries à peine dissimulés sous le vernis artistique justifiant les petites mesquineries des actes sous couvert de grandeur des idées.

Ce regard caustique et sarcastique sur la société n’épargne personne, ni les responsables locaux, ni les roitelets de la culture, ni les alter-égos entomologiques des auteurs. Dès le début, le second degré s’invite dans les échanges entre le pédant Jean-Louis Carton, auteur à succès, reçu dans l’émission littéraire du non moins pédant Bernard Pivote qui présente l’usage, dans son nouveau roman, de la fable animalière pour “dénoncer”. Dans Vermines 2 néanmoins, les auteurs ne dénoncent pas à proprement parlé mais dressent un tableau (noir) qui n’épargne personne. Ici, même les anges se laissent corrompre par les petits plaisirs coupables ! Dans le monde de Vermines, Gégé et Marcoz ne valent guère mieux… entre convictions artistiques à contre-courant et renoncement individuel permanent.

Le parallèle avec la réalité s’arrête là. Loin d’être des artistes isolés, G. Guerse et M. Pichelin construisent leur parcours comme une aventure portée collectivement.

Le retour de Vermines s’il est toujours porté par les Requins marteaux s’inscrit également dans la dynamique de la Compagnie Ouïe/Dire. La résidence d’artistes pluriannuelle Vagabondage 932 a déjà donné lieu à plusieurs éditions croisées avec les Requins (Le Promeneur du Morvan, Passe Misère ou Cuisine centrale). C’est ainsi qu’on retrouve Louise Collet, également passée par Vagabondage 932, à la colorisation de Vermines 2 et qu’une nouvelle production collective va voir le jour début février.

Après y avoir expérimenté la mise en scène de pigeons en publiant des planches dans le journal de la résidence, Le Voltigeur (voir également #2, #3), Guillaume Guerse et Marc Pichelin reviennent aussi avec Ratiches (ouvrage collectif).

Dans un cas comme dans l’autre, l’inspiration se fonde sur les espèces commensales de l’espèce humaine (comme le pluvier avec le crocodile par exemple), la plupart du temps méprisées par elle et qui nous renvoient le reflet obscur de nos modes de vie en se nourrissant de nos ordures. Sur cette base, le dessin soutient un propos incisif donnant à l’ensemble une tonalité incomparable. Les traits des personnages comme les détails de décors donnent un univers loin d’être lisse et limpide. Les attitudes des protagonistes sont rendues d’autant plus expressives par le travail de Guillaume Guerse sur l’usage des membres additionnels des individus insectoïdes.

Mais la narration graphique ne s’arrête pas là et les décors, quand ils ne sont pas épurés, jouent pleinement pour montrer les ambiguïtés des protagonistes, comme le parquet “pointe de Hongrie” qui habille à la fois les bureaux du Maire et de Bégon, le truand local, et contrastent avec les taudis des quartiers populaires, face cachée par le vernis culturel.

Le propos et les dessins parfois crus et malaisants sont sans doute à réserver à un public averti mais ils contribuent aussi à l’atmosphère de l’album et ne doivent en aucun cas vous empêcher de vous ruer sur cette bande dessinée qui constitue à n’en point douter un temps fort du monde de l’édition.

Voir en ligne : Description sur le site des Requins marteaux

(par Hugues FRANCOIS)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782849613153

Vermines Tome 2 - Par Guillaume Guerse et Marc Pichelin - Les Requins Marteaux

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Les Requins Marteaux ✍ Marc Pichelin ✏️ Guillaume Guerse à partir de 17 ans
 
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