Les auteurs de ce nouveau Pieds Nickelés ont au moins intégré deux choses : c’est que l’image que nous renvoie la politique d’aujourd’hui est celle d’un spectacle pathétique qui montre le plus souvent la petitesse des grands de ce monde : Ici le grand argentier de la planète, promis à la présidence de la République, qui tombe pour un excès de testostérone ; là un Mussolini des médias confondu par ses propres mensonges ; là encore, un agité cynique en train de composer la potion magique de sa réélection.
L’habileté de Malka, Ptitluc et Luz est de filer, dans cet album, la métaphore sur des choses que nous comprenons très bien, au quart de tour, tout en gardant le quant à soi qui fera que cette histoire sera lisible avec la même saveur dans dix ans car, foncièrement, rien n’est plus inusable que le spectacle politique.
L’autre réussite de cet album est la dynamique que ses auteurs ont su y installer et qui est l’essence même des Pieds Nickelés : Fauchés en début d’épisode, nos héros se retrouvent irrémédiablement fauchés à la fin, mais libres de nous offrir d’autres drolatiques filouteries.
Le renouveau des Pieds Nickelés
Le duo de scénariste Malka-Ptiluc est une réussite éditoriale : les auteurs s’étaient trouvés sur La Pire Espèce (Ptiluc au dessin, Agathe André et Malka au scénario, Vents d’Ouest), un album de qualité mais trop riche au point d’en devenir cryptique. Les intrigues farces imaginées par l’avocat de Charlie Hebdo et de Clearstream, tiennent debout parce que la réalité est plus invraisemblable que jamais et que le cynisme politique est aujourd’hui élevé au rang des Beaux-arts.
Ces idées-là ne seraient rien sans la saveur, le punch et sans doute la petite réflexion philosophique que Ptitluc insuffle à ses dialogues. Le duo est étonnant de vigueur. On n’a pas fini de rire.
Cette fois Ptiluc a cédé le dessin à Luz : autre grande trouvaille. D’abord par que le dessinateur-star de Charlie Hebdo renoue avec le dynamisme d’un trait tout au pinceau qui était celui de Pellos. Considéré avec son créateur Louis Forton comme le meilleur animateur graphique d’une série qu’il a assurée plus soixante ans durant. Pellos, né avec le siècle en 1900, est mort à 98 ans dans une forme remarquable : à quatre-vingt-ans passés, il pratiquait encore le karaté.
Pellos et Luz ont en commun de savoir porter les coups car ce sont d’excellents caricaturistes. L’album profite de ce talent pas seulement parce qu’on reconnaît en sous-texte les hommes politiques qui y sont dessinés (l’ancien secrétaire général de l’Élysée Claude Guéant et actuel ministre de l’intérieur y est croqué avec férocité) mais parce que les caractères, les « tronches » à tout dire, y sont traduits avec une vérité sans équivalent.
Même si Luz confesse que l’expérience de la bande dessinée lui a été bien plus dure que la pratique quotidienne de la caricature, qu’il a difficilement vécu le passage du trait à la séquence narrative, son dessin déborde d’un dynamisme rare, d’autant qu’il a le chic pour ajouter dans un coin d’une case le petit détail qui tue, à la manière du grand Franquin.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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