Le nouveau one shot de Jeff Lemire raconte l’histoire d’un père, Will, brisé par la mort de sa fille, Wendy, et qui, dix ans après sa mort, suite à un appel téléphonique de cette dernière, part à sa recherche. D’elle, des traits de son visage, il déplore n’avoir plus de souvenirs.
En revanche, lui restent en mémoire son pull rouge et tout particulièrement les fils qu’elle en tirait. Dès lors s’engage une course pour tenter de retrouver sa fille, à l’aide d’un labyrinthe (passion de sa fille) inachevé.
Disons le d’emblée, cet ouvrage nous prend aux tripes. Il nous conte une véritable quête, entre réalité (celle de sa fille décédée) et rêve (celui de la retrouver). Cette quête éperdue se joue dans les rues de Toronto, dans lesquelles William, inspecteur en architecture urbaine, essaie de suivre son fil d’Ariane, pour se retrouver dans ce dédale, comme dans le mythe grec, rappelé d’ailleurs dans la BD. Dans des pages prodigieuses et virtuoses, Lemire nous gratifie d’un véritable labyrinthe sur plusieurs pages dans lequel est lâché son héros à la poursuite de son fil rouge, celui du pull de sa fille.
« - Si vous y croyez, n’est-ce pas tout ce qui compte », lui dit une voisine, qui travaille aussi dans le bâtiment, non pour la construction mais pour la préservation. Telle est sans doute la clé du livre, située entre chien et loup, à la façon d’un Murakami tressant ses histoires entre réalité et sur-réalité, ce dont Lemire parle d’ailleurs fort bien dans le précieux cahier de notes et de croquis qui accompagne le récit.
Le dessin nerveux et rapide, rehaussé d’aquarelles, est au diapason de cette splendide histoire. L’ouvrage, de plus de 250 pages, se lit d’une traite et plutôt rapidement, Lemire ne se perdant pas dans de trop nombreux dialogues. On aura ainsi tout le loisir de replonger dans l’ouvrage à volonté. [1] Dans une bibliographie déjà si riche, pour un auteur encore relativement jeune, Lemire nous gratifie donc d’une pépite, qui aura toute sa place auprès de Essex County, Winter Road, ou bien Sweet tooth, entre autres.
(par Philippe LEBAS)
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[1] Ce dont certains ouvrages parfois inutilement longs nous dissuadent parfois.