Le livre et la presse jeunesse face aux crapauds de la crise

Était-ce le froid qui avait anesthésié le salon ? Les conversations avaient le ton paisible des maquignons ayant conclu leurs affaires : raisonnable, tranquille… Peut-être y avait-il moins de monde que d’habitude : la neige venait de faire son apparition sur la capitale.

Le marché du livre jeunesse est au diapason de ce sentiment : avec ses 400 millions d’euros de chiffre d’affaire pour 2009 et 127 millions d’ouvrages imprimés, la jeunesse représente 14,6% du marché du livre en France et contribue à 40% à sa croissance en valeur. [1] Tranquille…

On parle de « surproduction » dans le monde de la bande dessinée, ce vocable que les commerciaux utilisent pour parler de la « concurrence ». Si c’est une réalité qui a des conséquences économiques lourdes (nous vous en reparlerons bientôt), que penser de celle du livre jeunesse ? : 12.965 titres produits en 2009 (4863 pour la BD [2]) contre 8350, il y a 10 ans (1563 pour la BD), soit une progression de 155% (311% pour la BD).

La marché du livre jeunesse, lui aussi en croissance depuis 15 ans, ne semble pas affecté par la crise qui rôde.

Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Mais quand on regarde de près la répartition de cette activité, on s’aperçoit que c’est la fiction (romans jeunesse, albums où les « sorciers » et les « vampires » figurent en haut de la pile ) et la petite enfance (livres de première lecture, coloriages,…) qui se taillent la part du lion avec respectivement 209 millions et 150 millions d’euros de chiffre d’affaire. La BD, quant à elle, pèse 8,7% du CA de l’édition en France avec 44,7 millions d’exemplaires vendus dont 17,5 millions de mangas. Des secteurs, selon le SNE, en progression en valeur.

Princes et princesses

Le thème du Salon sont cette année "les princes et les princesses", des figures bien classiques, et ce n’est pas un hasard.

Auteurs comme éditeurs réfléchissent chaque jour à des idées nouvelles qui sortent du formatage mondial de la grande consommation d’univers produits par le cinéma et la télévision. Avec son économie de basse intensité, le livre permet ce genre de miracle mais il y a loin de la coupe aux lèvres et la règle des 20/80 (20% de la production générant 80% de l’activité) reste plus que jamais d’actualité.

C’était visible hier dans les stands des éditeurs BD où l’on mettait en avant les valeurs sûres : La toute nouvelle collection Disney chez Glénat était en bonne place, de même que L’élève Ducobu au Lombard (le film sort en juin prochain) ou encore Les Blagues de Toto chez Delcourt.

On investit dans des valeurs sûres et reconnues : Disney chez Glénat...

Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Gallimard mettait en avant la sortie du nouveau Aya de Yopougon, le label Jungle la publication prochaine de Tara Duncan, une série de romans fantastiques dont l’adaptation en dessins animés fait tous les records d’audience à la télé, et Sarbacane, la série Ana & Froga d’Anouk Ricard dont ils montrent au Salon les premières images de l’adaptation en dessins animés.

Tara Duncan chez Jungle qui fait un carton avec Les Simpson. (Au centre, Moïse Kissous, son PDG).

Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

C’est une créativité qui va de pair avec un pragmatisme commercial sans état d’âme qui caractérise les éditeurs aujourd’hui. Dans son domaine, l’édition jeunesse, et la bande dessinée avec elle, semble être quelquefois une princesse embrassant le crapaud de la crise pour le transformer en un prince charmant de la croissance…