C’était en 1962. Hara Kiri venait d’essuyer l’une de ses premières interdiction de paraître et, comme il fallait bien bouffer, Gébé, Reiser et Cabu étaient allé voir Goscinny, directeur d’une revue que Georges Dargaud venait de racheter pour un franc symbolique : Pilote. L’auteur d’Astérix confie au jeune Cabu l’illustration de sa Potachologie, une série de textes évoquant les années lycée, sorte de pendant ado du Petit Nicolas. Le trait croquis de Cabu convient parfaitement à cette galerie de personnages lymphatiques et chevelus. Sentant l’effet générationnel, Goscinny le pousse a faire sortir du rang un grand blond qui végète au fond de la classe. Ce sera le Grand Duduche.
Le proviseur vieille France, habillé d’un nœud papillon, d’un complet-veston et d’une mine sévère , profs d’un autre âge, le cantinier beauf et surtout la blonde jeune fille (du proviseur) aux robes à fleur sont l’univers de cette grande perche qui a grandi trop vite. Fleur bleue, amoureux, écologiste, pacifiste, démocrate quoique légèrement libertaire, il est l’incarnation de la jeunesse d’après-guerre qui s’émancipera avec le Rock ‘n Roll, le mouvement hippie et oui, l’amour !
Entre-temps, le Grand Duduche est revenu au bercail avec Reiser, Gébé et Cabu qui est toujours directeur artistique de Charlie Hebdo. La grande bringue porte des Converse, a un peu perdu sa candeur, mais pas la vigueur de son propos, grâce à un Cabu que l’on retrouve avec plaisir chaque semaine dans Le Canard enchaîné et dans Charlie Hebdo.
Dans le même mouvement patrimonial qui le poussa à rééditer les œuvres de Reiser, Glénat, sous le label Vents d’Ouest, réunit pour la première fois l’intégrale des aventures du Grand Duduche dans un fort volume de 640 pages en noir et blanc et en couleurs. Un incontournable.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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