Légion d’honneur pour Quino et Mafalda au Salon du Livre de Paris 2014

Quino, né en 1932, de son vrai nom Joaquim Salvador Lavado Tejon, était un des grands invités du Salon du Livre cette année où l’Argentine est l’invitée d’honneur. Il y fêtait conjointement ses 60 ans de carrière et les 50 ans de Mafalda, son héroïne anticonformiste connue dans le monde entier.

Dans la rencontre précédant la remise de médaille, où était présent Zep, l’auteur de Titeuf, on lui demanda comment il regardait rétrospectivement sa carrière, après 60 ans. "J’aurais voulu être Picasso, répondit-il en français avec son humour d’une grande finesse. Alors, Mafalda, ce n’est pas mal, mais ce n’est pas tout à fait ça !."

Quand on lui demande ce qu’il y a d’argentin dans Mafalda, il répond simplement : "Moi !" À quelques exceptions près (Felipe, par exemple), Mafalda ne représente personne dans son entourage, "c’est une fabrication tirée de plein de choses", précise-t-il, reconnaissant l’influence des Peanuts de Charles Schultz. "Les publicitaires qui m’ont demandé de créer ce personnage au début m’ont demandé de faire quelque chose comme les Peanuts".

Interrogé par des auditeurs qui protestaient contre les exactions faites actuellement par la police à l’encontre les manifestants anti-gouvernementaux au Venezuela, Quino répondit qu’il était solidaire du combat contre ces injustices, comme de tous les autres, et que si Mafalda devait s’exprimer aujourd’hui, ce serait pour combattre "avant tout la stupidité humaine".

C’était la foule des grands jours pour assister à la rencontre entre Quino et Zep au Salon du Livre

La presse internationale couvrant la remise de médaille, l’un des événements-phare du Salon du Livre 2014

Le silence de Mafalda

On sait que Quino arrêta Mafalda dix ans après sa création (1964), au moment où la dictature s’installa en Argentine. Menacé par les escadrons de la mort, il vécut trois ans d’exil, comme son éditeur Daniel Divinsky par ailleurs, puis revint en Argentine. Entre-temps, Mafalda l’impertinente, celle qui ridiculisait les pouvoirs, brocardait les politiciens, qui, jusqu’à l’arrivée de la dictature, pouvait égrener ses vérités "parce que ce n’était qu’une enfant", devait se taire. Quino se cantonna à faire du dessin d’humour, toujours intelligent et pertinent, mais en évitant soigneusement les sujets "délicats". "C’est trop bête de perdre la vie pour un dessin" se justifie-t-il avec une lucidité implacable. Le public du Salon du Livre lui fit une ardente ovation.

Mafalda -c’est une première pour un personnage de bande dessinée- a précédé son créateur dans la remise de la décoration de la Légion d’Honneur. Elle l’a en effet reçue symboliquement le 7 mars dernier à Buenos Aires, mais Quino n’avait pu être présent.

Recevant les insignes d’officier de la Légion d’honneur des mains de l’ambassadeur de France en Argentine, il rappela combien, culturellement, la France était importante pour les Argentins : " Quand j’étais petit, en Argentine, et que je voyais dans Paris-Match des artistes recevoir la Légion d’honneur, j’étais très jaloux. Je me disais, un jour si je suis assez sage, on me la donnera peut-être aussi !"

C’est maintenant chose faite.

Jean-Michel Casa, Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de France en Argentine remet la Légion d’honneur à Quino. Parmi les personnes présentes, on reconnaît (de g. à dr.) les éditeurs argentins de Quino, Daniel Divinsky et Kuki Miler des Ediciones de la Flor, le secrétaire d’état de la culture argentin, M. Jorge Coscia, Bertrand Morisset, commissaire général du Salon du Livre, le dessinateur suisse Zep et Jean Pacciuli, directeur général des éditions Glénat.

Le 7 mars dernier, Mafalda recevait la Légion d’Honneur, une première pour un personnage de bande dessinée.

(c) Quino