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« Leporello » ou Joost Swarte chez Glénat

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 19 février 2010                      Lien  
Depuis le 22 janvier dernier jusqu’au 16 avril 2010, le Couvent Sainte-Cécile à Grenoble réunit près de 40 ans de travaux du graphiste, auteur de BD et designer hollandais Joost Swarte. C’est l’occasion pour Jacques Glénat de publier « Leporello », un beau livre consacré à l’œuvre du théoricien de la Ligne Claire.
« Leporello » ou Joost Swarte chez Glénat
Le catalogue Leporello
Editions Glénat

Joost Swarte publié par Glénat ? Étienne Robial, fondateur de Futuropolis-« Canal-Historique » et éditeur de Swarte 30x40 a dû en avoir des hauts-le-cœur. On aura tout vu ! Jean-Luc Fromental, le patron de Denoël Graphic, s’en épongeait le front quand il apprit la nouvelle. Lui qui s’apprêtait à publier L’Art moderne, pour l’automne 2010 et, dans la foulée, la plupart des autres chefs d’œuvre du génie de Haarlem, se verrait-il faire un enfant dans le dos ? Et chez Glénat, l’éditeur abhorré de la Nouvelle BD encore bien ! Le vent mauvais de la trahison soufflerait-il sur la rue du Cherche-Midi ?

Il est très vite rassuré : cette exposition concrétise simplement l’admiration que porte, de longue date, l’éditeur grenoblois pour le créateur d’Anton Makassar. Visitant une rétrospective que lui avait consacrée le Mois du Graphisme à Échirolles (une commune située à quelques kilomètres de Grenoble), Glénat a simplement demandé à Swarte de réaliser les vitraux du Couvent Sainte-Cécile où il venait d’emménager son siège social. Le Hollandais accepta. Il était donc normal que la première exposition du lieu accueille dans ce bel espace celui qui l’avait habillé de lumière. L’éditeur publie pour la première fois en français un catalogue édité en néerlandais en 1994 par MSW Medien Service à Wuppertal. On y retrouve quelques-uns de ses travaux graphiques : affiches, couvertures de livres et plusieurs bandes dessinées.

Le saint-livre

Un vitrail du Couvent Sainte-Cécile
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Joost raconte : « J’ai fait l’objet d’une exposition rétrospective lors du Mois du Graphisme à Échirolles en 2004 [l’une des principales villes de la banlieue de Grenoble. NDLR]. J’y exposais les cartons des vitraux que j’avais réalisés pour le Palais de Justice de Haarlem. Jacques Glénat qui visitait l’exposition m’a demandé si je pouvais réaliser ceux du Couvent Sainte-Cécile, où il voulait installer la bibliothèque de son entreprise. J’ai pensé que ce serait bien de montrer quelles étaient les premières étapes de la conception d’un livre, du point de vue de l’éditeur. Le premier vitrail évoque la naissance du livre, encore très jeune, le deuxième est la phase d’apprentissage où le livre est à l’école, ouvert aux influences qui marquent l’écrivain et le dessinateur ; dans le troisième vitrail, il est chez le coiffeur, ce qui évoque la phase de la maquette avec, sur les murs, les différents modèles suggérés, ici des typographies, comme les brushings dans un salon de coiffure ; sur l’œil de bœuf, on s’arrête sur un portrait de la famille « livre » : là un jeune homme lit une BD, le grand-père lit des œuvres complètes, les parents sont aussi là, pour montrer que le livre traverse tous les âges. Les autres vitraux parlent de la multiplication du livre sur la machine de l’imprimeur, c’est l’âge de la reproduction, puis la diffusion-distribution, où le livre progresse comme sur un fil d’équilibriste au-dessus du vide, car c’est la partie la plus délicate du travail de l’éditeur. Dans le dernier vitrail, il a trouvé sa bibliothèque : une grande maison, qui est une femme et qui dit au livre : « Viens vivre chez moi. » Mais elle a déjà beaucoup de maris… C’est en réalisant ce vitrail que Glénat et moi avons commencé à travailler ensemble..

Les cartons des vitraux de Sainte-Cécile
(c) Joost Swarte - Ed. Glénat

Ligne Claire

Avec son serti de plomb ceignant des couleurs unies, le vitrail, c’est un peu une Ligne Claire : « Tout à fait, approuve Joost Swarte. Je ne fais pas de vitraux en grisaille, comme on le voit souvent dans les vitraux anciens où la matière est peinte sur les vitres colorées. La lumière est entravée par ces effets de volume. J’ai préféré dessiner le trait dans une ligne de plomb, ce qui résolvait en passant les problèmes techniques, et ménager les couleurs en à-plats dans les surfaces colorées, comme dans la Ligne Claire d’Hergé et… la mienne. »

Joost Swarte à Grenoble dans le Couvent Sainte-Cécile, siège des éditions Glénat
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

La catalogue qui accompagne l’expo reprend ces travaux d’une rigueur impeccable. On y découvre également son univers, véritable symphonie de poésie visuelle où l’on retrouve certes les influences de George McManus et d’Hergé, mais aussi celles du Surréalisme de Chirico, de l’Expressionnisme propre à l’Art nègre, des architectures et du design du Bauhaus, mais aussi les perspectives rectilignes du groupe De Stijl théorisées par Théo Van Doesburg, sans oublier l’absurdité un peu farce du Groupe Fluxus. Un avant-goût d’une autre grande exposition rétrospective que le designer du Musée Hergé s’apprête à faire à Nérac, lors des Rencontres Chaland en octobre prochain.

Je me souviens de moments passés avec Swarte dans les années 1980 (il avait dessiné un logo pour Magic Strip). À l’époque, il vivait à Bruxelles, dans un magnifique appartement 1930 de l’avenue Brugmann. Il était en pleine phase de compagnonnage avec le Belge Ever Meulen. Toujours très pédagogique, il m’expliqua pourquoi Piet Mondriaan avait ôté un « a » à son patronyme : Pour que lettres de son nom : « PIET MONDRIAN », se recomposent parfaitement dans la sentence « I PAINT MODERN ». Un instant Swarte s’était transformé en Makassar, toujours fascinant, facétieux et brillant.

Les vitraux du Couvent Sainte-Cécile
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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Exposition jusqu’au 16 avril 2010 – Couvent Sainte Cécile – 37 Rue Servan - Grenoble

Glénat
 
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