Quarante ans, c’est un cap. Le premier festival d’Europe y prendra-t-il un coup de vieux ou, suivant les prescriptions du capitaine Hendrik Brouwer en 1610, prendra-t-il avantage des quarantièmes rugissants qui se présentent à lui en ce moment pour rebondir plus vite encore vers le 50e parallèle ?
Car aujourd’hui, autant le dire, les questions vont bon train. Pas seulement à cause d’une SNCF qui ne soutient plus le festival comme avant, mais à cause de la FNAC qui a officialisé l’abandon de son statut de sponsor, tandis que la Caisse d’Epargne en est à la portion congrue, avant un arrêt de son côté également ? À moins d’une capacité à sortir un mécène de son chapeau (le Qatar, qui sait ?), on imagine qu’à l’instar de tous les Français que la crise déprime, la fête ne fera pas de feu d’artifice.
2012 a été une année Albert Uderzo, à n’en pas douter. Cet immense auteur porte bien des symboles : c’est lui qui, avec René Goscinny, a véritablement révolutionné le statut de la bande dessinée dans notre pays.
Sans le phénomène Astérix, la bande dessinée ne serait pas devenue en France un "neuvième art", elle serait restée dans "l’antichambre de la culture" avec ses auteurs anonymes, cantonnés à une production infantile, stigmatisée, censurée...
Longtemps snobé par l’académie des grands prix et la programmation angoumoisine, il a fallu l’activisme de la famille Goscinny et le soutien des auteurs de la jeune génération pour qu’Albert Uderzo reçoivent en 2000 un "Prix du Millénaire" bien tardif et que ses travaux se retrouvent sur les cimaises. Cette fois, c’est le nouveau Musée national de la bande dessinée et la Cité de la BD et de l’Image qui accueillera une expo "Uderzo in Extenso" dont le directeur artistique du Festival, Benoit Mouchart, assurera lui-même le commissariat.
Le moment est symbolique puisqu’en 2013, il passera la main (dessin et scénario) sur Astérix, accentuant la tendance de fond de l’édition francophone d’exploiter des personnages et des marques qui deviennent la propriété des éditeurs, Hachette prolongeant ici une stratégie initiée par Média-Participations.
L’autre grande expo tournera évidemment autour de Jean-Claude Denis élevé par ses pairs de l’Académie des Grands Prix à la dignité de président de la 40e édition. N’attendons pas de ce grand timide des coups d’éclat vociférants à la Trondheim : son œuvre est toute en humanité et en subtilité et si les détracteurs ne manquent pas de signaler le côté "star des années 1980" de cet auteur issu des générations (A Suivre) et Métal Hurlant, on fera remarquer que l’on se trouve avec lui dans la quintessence de la "bande dessinée" que l’on met aujourd’hui en balance avec la narration télénovélisée des mangas et le spectacle testostéroné des super-héros américains. La French Touch de la bande dessinée, c’est Jean-Claude Denis et rien d’autre.
Le reste de la programmation reste dans la droite ligne impulsée ces dernières années : une ligne qui tient à montrer toute sa branchitude en mettant en avant le Flamand Brecht Evens ou encore le groupe d’artistes du label alternatif Hoochie Coochie et qui, en même temps, favorise une exposition sur Mickey et Donald, histoire de montrer que, quand même, le festival n’oublie pas le "grand public" familial...
Les amateurs de bande dessinée que nous sommes seront contents de revoir les travaux de Didier Comès, maître du noir et blanc et auteur cultissime de Silence, réédition d’une exposition présentée à Liège il y a quelques mois, et surtout Andreas, un auteur cher à notre cœur, que nous ne manquerons pas de vous faire découvrir plus avant dans nos pages dans les prochains jours.
La partie internationale est incarnée par une Corée invitée et les habituelles rencontres internationales où l’on annonce Chester Brown, Anders Nilsen, Siuhak, et d’autres, mais avec un coup d’éclat quand même : la venue annoncée du célèbre mangaka Leiji Matsumoto, le créateur de "Capitaine Albator" et de "Galaxy Express 999" qui vient fêter à Angoulême ses 50 ans de carrière.et qui a reçu le 23 octobre dernier la distinction de Chevalier des Arts et des Lettres des mains de l’ambassadeur de France à Tôkyô.
Du côté du Musée de la BD, c’est la grande exposition "Quelques Instants plus tard..." confrontant 40 auteurs de BD et 40 créateurs d’art contemporain, qui animera les cimaises. 40 est décidément le chiffre symbolique de cette année 2013.
Le pré-programme d’Angoulême 2013 (en PDF)
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Festival International de la BD d’Angoulême 2013
Du 31 janvier au 3 février 2013
En médaillon : JC Denis. Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)
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