Les Arcanes du "Midi-Minuit" dévoilent leurs origines

Jim Mc Kalan est un des meilleurs éléments des services secrets du Roi. Sa cousine Jenna, qui tient officiellement une horlogerie de grande renommée, baptisée « le Midi-Minuit », lui apporte une aide précieuse dans chacune de ses enquêtes. Entre meurtres et disparitions, ils déjouent les plans les plus machiavéliques ! Une question subsiste néanmoins à leur sujet : ils n’ont jamais été vus ensemble ne serait-ce qu’une seule fois… Quel est leur secret ?

Gaudin & Trichet ont bâti un univers à la fois mystérieux et très facilement abordable. La Steam Fantasy y règne en maître. Certes, les voitures sont déjà présentes, mais elles ressemblent davantage aux fiers ancêtres de l’entre-deux Guerres. Sinon, la vapeur est reine, que cela soit pour les locomotives, mais également les engins de destruction imaginés par les machiavéliques ennemis du royaume.

Mais où se situent ce royaume et cette ville de York City ? Encore une fois, la réponse reste vague. D’ailleurs, on n’y rencontre pas uniquement que des humains. Ces autres races sont-elles fantaisistes ou extra-terrestres ? Peu importe, car tous les personnages cohabitent sans y prendre garde. Il faut dire que chaque album ressemble un one-shot pouvant être lu indépendamment des autres, et le récit mené tambour battant ne laisse pas souvent de place aux autres considérations.

Efficacité et diversité des genres

Le marché ne plébiscite actuellement pas les longues séries : le lecteur craint de ne jamais obtenir la fin de l’histoire, et l’éditeur rechigne à investir dans un projet au long cours qui ne rencontrerait peut-être pas ses lecteurs dès sa mise en place. Nous voyons alors fleurir ça et là des séries de one-shots, qui développent une thématique illustrée parfois par un collectif d’auteurs : Jour J, 7, Elfes et, plus proche de nous : Complots. Des séries-concepts qui rallongent les tomes, en fonction du retour positif du public.

La seconde intégrale sort en même temps que le tome 11.

À sa façon, la série Les Arcanes du "Midi-Minuit" a parfaitement intégré ce processus dès le début des années 2000 : chaque tome ne présente qu’une enquête, et ses titres commencent tous par L’Affaire de.... Certes, des liens se font entre les récits, et l’univers s’est développé, mais il est toujours possible de prendre la série en cours de route.

Une autre ficelle des Arcanes du "Midi-Minuit" réside dans la variation des genres : leurs missions, toutes aussi mystérieuses les unes que les autres, multiplient les points de vue afin d’éviter toute lassitude. Si on reprend les derniers tomes parus, le T8 peut être considéré comme un récit d’espionnage, dans lequel le "couple" de héros aidé de leurs amis tentent de renverser un dictateur afin d’éviter que toute la région ne sombre dans la guerre civile.

Le neuvième opus est plus caractéristique de la série : une série d’attentats ébranlent York City, et L’Affaire mentaliste entraîne nos enquêteurs spéciaux au service du roi à la poursuite d’un mystérieux personnages aux talents particuliers. Quant au tome 10, il renoue avec le "méchant" de la série, mais aucun sentiment de lassitude n’apparaît car, dès la première page, on assiste médusé à un mariage où l’un des personnages phares de la série en abat une autre, en la personne de sa propre fiancée !

Si Jean-Charles Gaudin fignole avec brio chacun de ces one-shots, il a effectivement pu laisser la place à une galerie de second rôles, amenés de plus en plus à monter à l’avant-plan. Il faut dire que Jim et Jenna, les héros de la série, n’apparaissent jamais ensemble, car ils changent de rôle via un contact avec un miroir. Ce mystérieux secret qui a les rendus attirants a également créé une petite frontière avec le lecteur, qui s’est naturellement attaché au couple de jeunes assistants, plus naturel. Il fallait bien à un moment ou à un autre que les auteurs lèvent le voile sur ce mystère, et c’est ce qui est proposé sans le premier double volume de la série, les tomes 11 et 12 destinés à paraître à six mois d’intervalle.

Les origines du duo

Après avoir donné une réception pour l’inauguration de la nouvelle horlogerie (on s’en souvient, une façade pour leurs activités secrètes), le tome 11 débute avec l’enlèvement de Jim (et donc de Jenna) par des mystérieux hommes masqués. Leurs amis vont donc se mettre à leur recherche, en tentant de suivre les indices, comme le duo mystérieux qui rivalise de déduction pour déjouer les intrigues les plus tortueuses. Mais Jim leur avait également laissé un carnet à ne lire qu’en cas de disparition. Celui-ci révèle les origines de leur malédiction, et leurs amis ne découvrent ce secret qu’en espérant qu’ils les mènera au commanditaire de l’enlèvement.

Pour fêter ces dix tomes parus, c’est donc un double-opus qui vient récompenser auteurs et lecteurs. L’intrigue se dévoile effectivement sur deux plans : le mystère actuel (l’enlèvement des héros) et le récit de leurs origines. Ce retour est en arrière est d’ailleurs double lui aussi, car nous ne retrouvons dans ce tome 11 que la vision de Jim, alors que les explications de Jenna seront dévoilées dans le tome 12, qui paraîtra au second semestre.

Si ces origines étaient impatiemment attendues, Gaudin prend un risque en l’élaborant sur deux tomes : la densité et les rebondissements des récits précédents avaient habitué les lecteurs à un très haut niveau scénaristique. Destinée à se conclure dans le tome 12, cette nouveauté monte donc plus doucement en puissance, et il faut attendre les révélations des dernières pages pour ressentir le frisson familier de la surprise.

Quant à lui, Cyril Trichet réalise un bel album consacrant la série : on ressent d’ailleurs qu’il prend plus de plaisir à dessiner la multitude de jolies filles qui égaient cet album que des éléments d’architectures. Il faut avouer qu’avec un scénario un peu moins dense que d’habitude, le découpage s’en trouve plus aéré, ce qui donne l’occasion de réaliser quelques belles scènes d’actions, prémices au développement attendu dans le prochain tome.