Au sortir d’un hold-up particulièrement fructueux d’un bureau de poste en Italie du Sud, trois malfrats attendent, pour se partager le butin, la levée du jour et l’arrivée d’un certain Cirù avec une voiture neuve et des vêtements propres. Cannemo, le leader, en allant chercher une bouteille pour célébrer leur réussite, retrouve un tableau d’un certain Fausto Musso, dit le peintre fou, qui n’a jamais quitté son immeuble proche de la mer, l’ONPI (qui fait l’objet du tableau) et ce, jusqu’à l’assaut final lancé par la police.
Dès lors, l’histoire s’élabore en flashbacks. En dire plus serait en dire trop. Sur les 124 pages que compte ce récit, pas le temps de s’ennuyer, pas de temps mort, sans qu’il y ait pour autant de rebondissements à chaque page. Le récit, centré sur les rapports entre le peintre et le jeune Cirù, est particulièrement bien ficelé et tous les fils nous amènent à un final aussi réussi qu’inattendu.
On a plaisir à retrouver l’Italie du Sud déjà dépeinte dans La Cité des Trois Saints et ses héros un peu paumés, la violence liée à une pauvreté certaine et à une présence mafieuse non moins certaine. Les habitants se raccrochent à cet immeuble pourtant promis à l’évacuation vingt années durant.
On se débrouille comme on peut dans cette Italie du Sud un peu reléguée. Mais, au-delà de cet aspect social, très bien traité lui aussi, c’est surtout la mécanique scénaristique qui nous prend, sans nous lâcher. Un prologue, quatre chapitres, commençant toujours par un des tableaux du peintre fou, un épilogue, tout est réglé au millimètre par un scénariste inspiré, Stefano Nardella. L’histoire est traitée en flashbacks contenant eux-mêmes d’autres flashbacks, sans jamais nous perdre pour autant, le dessinateur, Vincenzo Bizzarri, ayant eu le soin de différencier les époques en jouant sur les couleurs, comme on peut le voir ci-dessous.
Une dominante verte pour la scène la plus ancienne (la jeunesse du peintre et la genèse de toute l’histoire), du rouge pour la période intermédiaire (l’assaut de l’immeuble par la police). On notera bien sûr la proximité des deux images, à la différence près que celui qui tient le pistolet dans la première devient la personne menacée dans la seconde. Du grand art, on vous dit et le dessinateur, Bizzarri, est au diapason du scénariste, contribuant à rendre particulièrement prenante cette histoire, par l’intermédiaire d’une mise en page dynamique, par la savante utilisation du champ-contre-champ, de la plongée et de la contre-plongée, du plan large au gros plan, par le jeu des couleurs, sombres pour l’essentiel.
On a hâte de lire d’autres ouvrages de ce duo italien particulièrement prometteur.
(par Philippe LEBAS)
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