Le titre des éditions spéciales des journaux est éloquent : un climat de terreur pèse sur le Yorkshire. Des soldats ont été tués par une bête monstrueuse, inconnue des scientifiques et naturalistes. Elle a été heureusement abattue.
La révolte des ouvriers du chemin de fer, qui se sentaient menacés par la bête, s’apaise. La reprise du travail est même votée. Charles Darwin tente de percer le mystère des origines du monstre sauvage, en se rendant la forêt. Il attend également beaucoup de l’autopsie de la créature transportée au plus vite à Londres. Un biologiste pourra l’y étudier.
Ce climat de calme relatif s’effrite quand un fermier amène sa jeune fille dans la ville. Il l’a retrouvée inconsciente, couverte de morsures. On demande à Darwin d’analyser les blessures. Contre toute évidence, il conclut qu’il s’agit de morsures de chien. Il ment, c’est certain, mais pourquoi ?
Il est difficile d’évoquer ce livre sans déflorer le contenu de ses dernières pages, qui en font toute l’originalité. Sylvain Runberg a transformé Charles Darwin en un personnage de bande dessinée, tout en le réinterprétant : « Darwin était un homme curieux, sensible aux idées nouvelles et qui n’hésitait pas à les défendre malgré l’adversité et les conservatismes de l’époque qui lui ont valu de nombreuses attaques, constantes. En cela, le personnage du récit se rapproche du véritable Darwin », nous explique le scénariste.
Mais la véritable originalité du récit est de cerner peu à peu le chercheur au travers des interrogations sur sa propre nature. Celle-ci est en passe de basculer vers un côté sauvage, horrifique et bestial ; « Toute sa démarche scientifique découlait d’une réalité qui le touchait personnellement et à laquelle il voulait trouver des réponses, nous confie le scénariste. Tout le récit résulte de cette optique, du mythe de l’homme sauvage, de ce double imaginaire qui fascine et terrorise depuis des siècles nombres de cultures. C’est pour moi une des explications de la fascination qu’exerce la lycanthropie. Un mythe qui renvoie a cette part de sauvagerie, d’animalité que nous sommes pourtant censé maitriser en tant qu’être humain. Du coup, pour moi, Darwin n’est en rien un monstre. Juste un homme en quête de réponses pour tenter d’apaiser les tourments qui le rongent, et ces réponses, c’est au travers de la science qu’il les cherche ». Darwin, l’homme qui aime les solutions rationnelles, va devoir apprivoiser sa face cachée et surnaturelle.
Le troisième tome de ce cycle devrait se conclure sur des réponses à ces interrogations. Le dessinateur espagnol Eduardo Ocaña ombre délicatement les ambiances oppressantes du récit, mises en couleurs par Tariq Bellaoui.
(par Nicolas Anspach)
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