Qu’est ce qui peut bien réunir un policier américain et un dangereux tueur en série ? ; une comtesse héroïnomane et une séduisante journaliste ? ; une prostituée et deux détectives de l’agence Pinkerton, un matin d’avril 1912 ?
Une coïncidence, une dramatique coïncidence rassemble ces personnages et plusieurs centaines d’autres sur le paquebot le plus gros de l’époque : le Titanic ! Tout le monde connaît la tragédie du célèbre transatlantique et ce n’est bien sûr pas l’issue du récit qui suscitera l’intérêt de cette histoire. Si certains, comme la comtesse Emily Bridgeman, ont choisi de partir en croisière, beaucoup des protagonistes, sans être là totalement par hasard, ne sont pas là pour la plaisance. Le vieux policier Frederick Abberline compte conclure une enquête qui lui colle à la peau. Gracie Anderson n’a qu’un but : aider son amant, le redoutable tueur Vanhounde, transféré à New York pour y être jugé, à s’évader. Que cherche donc la journaliste Alice Launceston-graves ? Séduire Mac Coy l’inspecteur américain ou profiter de l’occasion de ce voyage inaugural pour faire un scoop ?
Dans le plus grand paquebot du monde, policiers, tueurs et aventuriers vont s’affronter, tandis que les premières disparitions mystérieuses transforment déjà la croisière en une descente aux enfers (ou aux abysses). Tout est en place, il faudra beaucoup de patience pour attendre le second tome qui devrait voir se dénouer une énigme à la conclusion forcément inéluctable.
Unité de lieu et de temps, suspense distillé au fur et à mesure dès l’entrée dans le récit : tous les ingrédients sont réunis pour maintenir le lecteur en haleine au cours d’une histoire dont chacun connaît la fin ! Un tour de force particulièrement réussi par Roger Steiner, historien de formation qui, avec une écriture efficace, réalise ici un thriller haletant. Après Fog avec Cyril Bonnin, ce scénariste réaffirme son talent de narrateur efficace.
Le dessin fluide et précis de Luc Brahy sert admirablement le récit par un recours à un classicisme d’une redoutable efficacité qui fait pénétrer le lecteur dans l’univers délicieusement kitsch de ce glaçant, c’est le cas de le dire, thriller maritime. Après Climax avec Corbeyran, Les Champs d’Azur avec Franck Giroud et plus récemment Insiders avec Bartoll, Brahy confirme encore un peu plus sa grande maîtrise graphique associant esthétisme et efficacité. Des qualités auxquelles on associera Marine Tumelaire pour sa mise en couleurs particulièrement soignée.
Avec cette histoire qui tombe à pic (la métaphore est facile en cette année du centenaire du célèbre naufrage...), présentée sous une maquette de fort belle qualité, avec couverture et pelliculage de jolie facture, les éditions Emmanuel Proust commencent l’année avec brio. Bravo !
(par Patrice Gentilhomme)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.