Ainsi, découvre-t-on que, derrière le 9e art, il y a une multitude de petits métiers laissés dans l’ombre et qui ne sont jamais crédités. Qu’ils soient Hergé ou de Bastien Vivès, il y a une armée de collaborateurs qui travaillent dans l’ombre à bâtir leur gloire.
On citera le collège des dénoueurs de situation inextricable qui intervient lorsque l’auteur, cet imbécile, a mis sans héros dans une situation impossible. Il y a les placeurs de bulle qui « masquent l’effrayant silence du dessin sans paroles » ; le reproducteur de lecteurs qui multiplie à l’envi ses descendants pour assurer que son ADN de passionné de bande dessinée se transmette d’âge en âge ; le dopeur de célébrité qui évite aux génies de rester méconnus, notice qui se conclut par cet adage : « l’auteur pressé qui refuse l’aide du dopeur de célébrité, pour d’étroites raisons narcissiques, sera livré sans défense à l’injustice du jugement contemporain. » Voire du forum d’ActuaBD ? L’ouvrage ne le dit pas…
La deuxième partie de l’ouvrage s’intitule « Les anatomies cachées des héros de bande dessinée » et révèle qu’Adèle Blanc-sec est en réalité une momie, que Bécassine est une baudruche, que Gai-Luron n’est qu’un chien empaillé actionné en marionnette par Gotlib, que le Schtroumpf est la métaphore de spermatozoïdes qui convergent tous vers la Schtroumpfette, et qu’enfin la fusée Tintin est pourvue d’un squelette… Audace suprême de cet étrange inventaire, il nous est donné à voir l’homme invisible… nu !
Dans le chapitre sur « Les métiers de la bande dessinée que l’on croit connaître », on découvre que le travail de l’éditeur consiste à déguiser le manuscrit pour que le lecteur puisse l’apprécier… Que le libraire bataille pour garder les classiques dans ses rayonnages : « la proximité de Balzac et d’Hergé valorise le roman prétentieux ou la bande dessiné de série. » Il y a enfin une étude psychopathologique du lecteur qui vaque de livre en livre comme un lépidoptère étourdi…
Cet album vaut surtout pour l’invention et la sagacité des textes de Jean-Luc Coudray, un fin bretteur de mots et d’idées au pouvoir hautement réflexif. Pour une fois, l’idée que "la vérité est ailleurs" fait sourire.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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