Décalée en permanence. Voilà le résultat de ce travail : barmaid de nuit. Un monde à part, épuisant, étouffant. Pauline Perrolet a exercé ce métier durant deux ans et en raconte les détails saisissants, n’oubliant ni les poncifs -souvent vrais !- ni les moments réconfortants entre collègues.
En choisissant une illustration à la fois symboliste et animalière, l’auteure cherche à donner du recul à son témoignage. Il n’est pas évident, au départ, d’accepter ce postulat pour un amateur de chroniques sociales plus subtilement dessinées. Mais sachez qu’on s’y fait. D’autant que les animaux ici présents correspondent assez bien aux personnages qu’ils incarnent.
Ne cachant rien des véritables pathologies crées par ce métier, Pauline Perrolet dresse un autoportrait sévère : boisson, drogues, solitude, sommeil difficile. Un milieu sans cesse paradoxal : d’un côté la pression des clients, le bruit, les tensions, de l’autre la solidarité professionnelle et quelques instants euphorisants. Sans concession pour raconter un quotidien en montagnes russes, la dessinatrice se montre plus bienveillante avec ses compagnons de comptoir (du bon côté s’entend), avec même une tendresse relative pour les videurs. Quant aux clients, rares sont ceux qui sortent indemnes de la chronique, hormis l’élu de son cœur...
Au bout de ce voyage dans la nuit raconté sur fond blanc (encore un contraste assumé ?) on aura à la fois appris beaucoup sur une institution de la vie urbaine et rencontré une chouette fille aussi fragile qu’émouvante, partie depuis vers d’autres zincs.
(par David TAUGIS)
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