Albums

Les Petits Soldats – Tome 2/2 : D’amour et d’eau fraîche – Par Jean-Paul Krassinsky et Julien Delval – Vents d’Ouest

Par Vincent GAUTHIER le 14 septembre 2012                      Lien  
Franz a de la compagnie, mais les geôles d'un pays ennemi ne sont pas forcément le meilleur endroit pour déclamer des vers... Il devra se résoudre pour en sortir à accepter les rôles ardus qui vont lui être imposés.

Les geôles de l’empire de Dalmaszie ont recueilli le jeune Franz. Au cœur d’une guerre à laquelle il n’a aucune envie de prendre part, il doit délivrer l’aberrant message de son maître au guide suprême de la Dalmaszie. Cette machine étrange et destructrice qu’est la guerre est en marche et ce n’est pas le sacrifice de l’héroïque Friedrich qui aura une chance de l’arrêter.

Retenu à la cour de Benedikt de Dalmaszie, Franz, véritable bouffon, va s’attirer la pitié (la sympathie ?) de son nouveau despote. Enrôlé de force dans ce jeu chaotique et meurtrier, il va s’avérer être une pièce maîtresse de la résolution du conflit et en tirer des bénéfices inespérés.

Le scénario du second tome de cet étrange diptyque se focalise sur l’apprenti poète, radieux naïf, Candide surjoué qui, d’un caractère léger, embrasse la carrière de baladin et connaît une apogée en forme d’accomplissement fallacieux et providentiel. Dans un univers en guerre entre deux empires dirigés par des figures de maîtres farfelus au pouvoir absolu, le jeune homme va tirer son épingle d’un jeu fantaisiste et loufoque.

Les décors ciselés de Julien Delval façonnent une myriade de détails qui éclaircissent l’environnement du récit. L’attention particulière portée aux éléments architecturaux permet une plongée rapide dans l’ambiance.

La présence forte de tous les personnages, même les secondaires, à travers des faciès marqués, les rend attachants ou antipathiques mais ne laisse en aucun cas indifférent. Les corps des protagonistes semblent parfois figer dans une posture qui convient aux conseillers du despote en culotte courte mais assez peu à Franz, personnification de la désinvolture et de la frivolité. Ce manque de mouvement est particulièrement visible sur les visages qui en deviennent comme congestionnés.

En développant sa vision baroque, le trait du dessinateur revigore une esthétique somme toute assez classique. Les formes sont maitrisées mais ne sortent pas totalement des sentiers battus, même si cet univers est tout de même bien rendu.

L’ensemble se fond dans une tragi-comédie au dessin virant entre réalisme et imaginaire. Une réalisation qui permet à ce qui se joue sous nos yeux de ne rester qu’un divertissement sans s’appesantir sur la noirceur de l’ensemble.

Les Petits Soldats – Tome 2/2 : D'amour et d'eau fraîche – Par Jean-Paul Krassinsky et Julien Delval – Vents d'Ouest
Les Petits Soldats – Tome 2/2 : D’amour et d’eau fraîche
Jean-Paul Krassinsky et Julien Delval – Vents d’Ouest ©

Cette atmosphère de palais enchanté et de guerre atroce s’articule dans l’intrication de trois thèmes principaux et essentiels que sont l’amour, la guerre et la mort.

Ils s’inscrivent en filigrane au sein de cette déambulation à travers la folie du pouvoir et de l’ambition. Figure de ce désir de domination et d’honneurs, les conseillers du minuscule empereur, engoncés dans leur costume de cérémonie, sont de véritables caricatures et portent la dénonciation d’une absurdité : la guerre comme un jeu d’enfants gâtés envoyant à la boucherie, sans aucune commisération, ses paisibles sujets tel que l’ami Friedrich.

Cela vaut pour ce « mioche » tyrannique et ses conseillers, vieilles figures ridées et affligeantes, mais aussi pour Franz qui, peut-être malgré lui, trouve le succès sans avoir l’air de réellement s’inquiéter de ce qu’il advint de ceux qu’il a aimés.

L’onirisme affleurant de Jean-Paul Krassinsky (Les Cœurs boudinés, Fables de la Poubelle, ...) vire entre une naïveté qui semble vaine et un réalisme amer. Malgré la pureté des sentiments qui se dégagent du jeune inconscient, il n’en reste pas moins qu’il se salit également les mains en acceptant ces compromissions. Fondamentalement pessimiste, cette chute brutale des illusions s’inscrit en négatif avec les figures représentées par le couple Friedrich et Héloïse. Leur présence semble faite pour marquer l’ironie fangeuse de la réussite de Franz. La légèreté de l’artiste s’avère contrebalancer une lâcheté qui lui fait fermer les yeux, tout à sa quête de reconnaissance. La réussite de Franz est une façon empirique de démontrer la perte des rêves et la fin de l’espoir.

Même si le scénario ne souffre d’aucune fragilité et s’exonère d’une quelconque radicalité, il aurait gagné à ne pas être aussi linéaire. Malgré ses multiples entrées et les divers reversements de situations, il finit par perdre le lecteur. Il devrait néanmoins, grâce à ses qualités indéniables, trouver son public.

(par Vincent GAUTHIER)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

🛒 Acheter


Code EAN :

Commander cet ouvrage sur Amazon ou à la FNAC

 
CONTENUS SPONSORISÉS  
PAR Vincent GAUTHIER  
A LIRE AUSSI  
Albums  
Derniers commentaires  
Abonnement ne pouvait pas être enregistré. Essayez à nouveau.
Abonnement newsletter confirmé.

Newsletter ActuaBD