Les Bijoux de la Begum voient la naissance du trio de l’Atom Agency : le fringuant Atom Vercorian, fils d’un commissaire parigot-arménien, sa sémillante assistante Mimi Pinçon, et Joseph Villain, alias Jojo-La-Toupie, catcheur rangé des rings, mais toujours affûté sous ses costumes trois pièces.
Leur première grosse affaire les amène à confondre les malfrats responsables du vol des bijoux de la femme du richissime Aga Khan, dans une France à l’aube des années 1950.
Emmenés à un train d’enfer par le duo Yann / Schwartz dans le plus pur style franco-belge, ce tome inaugural est un vrai bonheur : rebondissements spectaculaires, bons mots à tous les étages, personnages impecs… le tout truffé de références et d’hommages dont le moindre n’est pas celui à Tillieux et à son trio Jourdan / Queue-de-cerise / Libellule, évidemment. Et l’autre évidence est celle de voir Olivier Schwartz aux pinceaux sur cette série, en digne héritier de Chaland : qui d’autre que lui pour cette nouvelle plongée nostalgique, érudite et humoristique signée Yann ?
Autre ambiance pour le Polar one-shot : Charogne de Borris & Vidal est beaucoup plus sombre… et nettement moins urbain, comme un rappel à qui l’ignorerait encore, que les récits noirs ont aussi droit de cité à la campagne.
C’est presque même depuis quelques années une branche qui a tendance à se développer dans le roman noir : des auteurs comme Nicolas Matthieu (Aux animaux la guerre), Franck Bouysse (Grossir le ciel, Glaise) Marin Ledun (Ils ont voulu nous civiliser)… emboîtent avec talent le pas aux auteurs américains du Nature writing dont Gallmeister est l’éditeur-phare actuel.
Charogne pourrait aisément entrer dans la catégorie, avec cette intrigue mettant en scène, en 1864, deux familles rivales au cœur des Pyrénées, contraintes à un périple aussi original qu’éprouvant : transporter un cercueil à dos d’homme à flanc de montagne. Un cercueil avec son occupant, bien sûr… Une entreprise d’autant plus périlleuse pour les quatre protagonistes de ce voyage improbable qu’elle est agrémentée d’anciennes rancœurs villageoises qui ne mettent pas longtemps à éclater, comme l’orage au-dessus de leurs têtes. Si même la nature se déchaîne, le chemin risque de tourner court…
Il règne une vraie atmosphère de tension dans ce récit : elle découle à la fois des dialogues, vecteurs de querelles inextinguibles, et du dessin de Borris aussi à l’aise dans le détail des trognes souvent contrariées des personnages que dans l’hostilité grandissante de la nature parfaitement rendue, avec un choix du noir et blanc à plusieurs nuances (oui ça existe). On en sort un peu rincé…
Deux récompenses méritées pour deux manières bien distinctes de voir le polar...
Voir en ligne : Le site du 23ème salon du Polar de Cognac
(par Fred PRILLEUX)
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