Le jeune Freddie rencontre sur sa route des hobos, des SDF dirait-on dans la zorglangue politiquement correcte actuelle, des laissés pour compte de la crise, âmes errantes des campagnes, ombres blafardes et puantes, qui sont d’autant plus brûlantes pour la conscience qu’elles constituent un hiatus criant dans une société qui affiche son puritanisme d’origine religieuse en même temps qu’une férocité économique sans égale.
C’est un récit initiatique dans la tradition de Jack London ou de Jack Kerouac, chantant la triste mélopée d’une Amérique en guenilles, rendant sa dignité et même sa noblesse aux inconnus qui peuplent la route de l’aventure. Le duo entre Freddie et le personnage de Sam, dit « le roi d’Espagne » est exemplaire qui incarne si bien l’énergie inextinguible de ces blessés de l’histoire. On n’est pas étonné par le sens dramatique du scénario car le scénariste Jack Vance est un homme de théâtre dont c’est jusqu’ici la seule et magistrale incursion dans la BD. Quant au dessinateur Dan Burr, connu pour ses récits historiques, il a cette expressivité virtuose et juste qui est le propre de ces créateurs qui se révèlent face à une grande oeuvre.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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