Les Salines sont tout d’abord un lieu exceptionnel pour les amoureux d’architecture. Construite suivant un plan en demi-cercle, cette manufacture de la fin du XVIIIème siècle, chef d’oeuvre de Claude-Nicolas Ledoux, abritait à la fois les lieux de production du sel et les habitations de tous les intervenants. Elle est aujourd’hui classée au Patrimoine Mondial de l’UNESCO et accueille des expositions, des concerts, un festival des jardins et d’autres activités culturelles ou de recherche.
Le Neuvième Art côté jardin
Depuis 2000 s’y déroule le Festival des jardins, présidé par Alain Baraton, qui fait un lien original avec le Neuvième Art. A l’été 2016, la thématique du festival des jardins était “Univers de bande dessinée” avec une affiche réalisée par Jacques Ferrandez. Le défi consistait à adapter des bandes dessinées sous forme de jardin. Parmi les auteurs choisis on retrouve Léo, Régis Loisel, Enki Bilal, Arleston et Tarquin, François Schuiten et Benoït Peeters et Luc Schuiten.
En 2017, c’est Hergé qui fut mis à l’honneur. Pour le festival “Hergé et Tintin côté jardin”, chaque parcelle présentait un personnage clé des albums de Tintin (Rastapopoulos, la Castafiore, le Capitaine Haddock,...). En parallèle du festival, une exposition consacrée à Hergé déclinait l’univers de l’auteur avec des planches originales, des photos et des documents d’archive. Cinquante voitures figurant dans les albums de Tintin participèrent également à un rallye se terminant dans les Salines. Une immersion sans égale dans l’oeuvre du maître de la ligne claire !
Cette année, un autre Belge a été accueilli aux Salines pour “Les panoramas de 2100”. L’architecte utopiste Luc Schuiten y présente sa vision de plusieurs villes d’Europe, devenues des cités végétales écologiques. Pour le festival des jardins 2018, il a également conçu des jardins à l’image de ses cités idéales, abritant des structures faites de végétaux et inspirées des formes de la nature.
Luc Schuiten et la bande dessinée
Luc Schuiten n’est pas étranger à la bande dessinée. Il est le frère de François Schuiten, auteur avec Benoît Peeters du cycles des Cités Obscures ou de Revoir Paris. Ses premiers oeuvres furent des récits courts, publiés dans Métal Hurlant entre 1977 et 1980, sur un scénario de... son frère aîné Luc ! Ils collaborèrent sur trois albums qui constituent le cycle des Terre Creuses, publié dans les années 80 chez les Humanoïdes Associés : Carapaces, Zara et Nogegon. Les deux frères partagent des références communes et leur trait s’en ressent. Tous deux sont fascinés par les villes et ce qu’elles reflètent de la société qui y habite. Coïncidence intéressante, la ville de Semur-en-Auxois expose cet été et jusqu’au 31 octobre 2018 des dessins de François Schuiten.
Les panoramas de 2100
Dans le cadre on ne peut plus approprié des Salines Royales, Luc Schuiten présente sa vision de villes utopiques, idéales, inspirées du biomimétisme. En observant les techniques utilisées par les animaux et les végétaux et perfectionnées au fil des millénaires, l’architecte invente des villes visionnaires, où les modes de transport doux ont remplacé les véhicules à énergies fossiles.
Le visiteur se promène devant des reproductions immenses des dessins de Luc Schuiten .Des prototypes de ses véhicules imaginaires sont exposés, tels qu’un planeur en forme de raie manta, une sorte de vélo amélioré ou le superbe “sauteraile” qui évoque immédiatement les personnages de Nogegon.
En imaginant les villes du siècle prochain, Luc Schuiten prend en compte les contraintes structurelles de la ville et les enjeux économiques et écologiques. Afin de développer l’auto-suffisance des villes, les arbres fruitiers et les potagers s’épanouissent sur les toits et les balcons. Pour chaque projet utopiste, Luc Schuiten redessine sur un plan actuel la ville telle qu’elle pourrait se développer, avec les spécificités de chaque cité.
Pour préserver les ruelles et les canaux de la ville de Venise, Luc Schuiten imagine un développement sous-marin de la ville, les places et les canaux devenant des puits de lumière pour les constructions en contrebas.
Une superbe fresque montre un développement chronologique de Shangai. De gauche à droite, la ville actuelle en l’an 2000 évolue jusqu’à l’an 2100. Les tours se multiplient, imitant les structures des arbres, des champignons, d’ailes d’insectes.
L’espace jour/nuit propose une expérience enchanteresse. Sur une musique douce, mixée avec des cris d’oiseau et composée par Michel Redolfi, les dessins panoramiques de Luc Schuiten sont éclairés selon un cycle qui imite le parcours du soleil. Magique.
Les Salines Royales accueilleront également une exposition consacrée à Jacques Ferrandez : “L’oeuvre d’Albert Camus en bande dessinée”. Jacques Ferrandez a reçu le prix spécial du jury Historia pour ses Carnets d’Orient (Ed. Casterman) en 2012. Il a adapté trois romans d’Albert Camus : L’Hôte, L’Etranger et Le Premier homme, qui seront présentés du 18 septembre au 14 octobre 2018.
Ce site exceptionnel aux riches expositions mérite plus qu’un détour !
Voir en ligne : Découvrir les projets de Luc Schuiten
(par Lise LAMARCHE)
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Retrouvez l’exposition sur le site des Salines Royales d’Arc-et-Senans.