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Les Shelley, pionniers du romantisme

Par Charles-Louis Detournay le 8 juin 2012                      Lien  
C'est dans un diptyque louvoyant entre le biopic et la transcription imaginaire d'un roman, que Vandermeulen & Casanave subliment le romantisme européen, en mettant en scène les Shelley, Byron et leurs proches. Intense et passionnant !

Autant son Ric Remix nous avait laissé froid, autant on ne peut que s’enflammer pour le diptyque écrit par David Vandermeulen et superbement mis en scène par Daniel Casanave : Mary & Percy Shelley.

Tout le monde connaît Mary Shelley grâce à son célèbre roman Frankenstein. Mais qui se rappelle des frasques de sa jeunesse ? De la vie débridée du poète Percy Bysshe Shelley, qui lui offrit son nom et qui demeure pour les Anglais beaucoup plus célèbre qu’elle ? Ou encore de la vie incroyablement intense que mena leur ami Lord Byron, le plus grand poète que l’Angleterre ait jamais connu ? Si ces trois-là ont donné leurs lettres de noblesse à la littérature romantique anglaise du début du XIXe siècle, il ne faut pas oublier que les destinées de ces trois immenses poètes furent encore plus exaltées que leurs écrits.

Un personnage connu... mais qui doit être présenté

Les Shelley, pionniers du romantismeTout au long des 150 pages du récit, le lecteur traverse une série de sentiments aussi fort que divers. En effet, si l’écrivaine Mary Shelley donc est connue du grand public pour son fantastique monstre, le poète Percy Shelley n’est pour autant pas toujours logé à la même enseigne en dehors d’Albion. C’est pourtant lui qui conduit la première partie du récit, et passé le moment de surprise, on profite avec plaisir du ton à la fois badin et subtilement provocateur que Vandermeulen glisse dans les frasques de son héros.

Dans le dossier qui vient clôturer le récit, il s’en ouvre avec intelligence : "Daniel [Casanave] et moi avons pris des libertés quant aux caractères de Percy et Mary que nous avons largement forcés. S’ils étaient bien un couple de jeunes personnes jugées inconséquentes en leur temps, les décades qui nous séparent de l’Angleterre romantique ne nous ont pas aidés à rendre avec simplicité le scandale que ces jeunes auteurs ont réussi à occasionner chez leurs contemporains. Il aurait fallu bien des pages pour arriver à rendre l’esprit de cette époque, avec ses mœurs et son contexte politique et culturel. Parce que Daniel et moi pensons que l’on est toujours meilleur passeur lorsqu’on le fait sur un ton léger et badin, nous avons préféré nous emparer de la vie dramatique de ces grands poètes pour nous en amuser."

On rit donc de ce héros presque dadais de Percy Shelley, on s’émeut de son romantisme volontairement forcé , on s’apitoie sur les rigueurs de la société anglaise, ou sur les drames traversées par leurs familles. Après avoir rencontré le philosophe sulfureux Godwin, on s’extasie au passage de Byron, comme les Shelley, et on partage leur désir de forcer une rencontre qui deviendra une amitié forte. Bien entendu, le fameux moment de l’écriture de Frankenstein retrace à merveille les connivences entre ces ’acteurs’, mais on profite également des personnages secondaires, dont on ne connaissait pas l’existence, et dont l’implication (ou le désarroi) nous marque durablement.

Même si les auteurs se concentrent globalement plus sur Percy Shelley, moins connu en Europe que sa compagne, le récit ne s’en trouve que plus réussi, car on demeure aussi amusé qu’intéressé par la personnalité de ce poète qui se veut maudit et qui se trace, au grand dam de ses proches, un destin inconvenant.

Une conclusion plus originale

La fin du récit se détache progressivement de la biographie romancée pour rejoindre la romance biographique. Ce décalage certain peut d’ailleurs décontenancer le lecteur après un passage plus historique, mais quelle meilleure fin romantique pour un récit qui porte aux nues ceux qui ont lancé et immortalisé ce courant en Angleterre ! Puis le dossier passionnant des auteurs en fin de second ouvrage permet de mieux comprendre cette digression volontaire pour appuyer l’hommage à Mary shelley, dont la bibliographie est souvent cantonnée à Frankenstein.

Et que dire de Casanave qui transmet avec brio cette palette d’émotions au lecteur ? Après être entré directement dans la douce folie de Percy, il parvient à rendre ses sentiments avec une grande justesse pénétrée d’un profond romantisme en lien avec la personnalité des héros. L’identification aux personnages est certaine grâce à un dessin totalement investi.

La première couverture, un peu sombre, n’a peut-être pas directement attiré le lecteur, mais c’était justement pour symboliser les deux grands traits d’un récit aussi drôle que tragique. La seconde couverture est colorée et les colonnes du temple de Poséidon évoquent l’omniprésence de Lord Byron.

Pour la petite histoire, rappelons que cet amoureux de la Grèce grava son nom sur ses monuments au temps où bien peu s’intéressaient à ces ruines qui prenaient le vent. C’est avec le même souci du détail que Vandermeulen glisse ça et là quelques petites touches d’humour personnelle parfaitement décalées comme il en a le secret.

En livrant, en l’espace de trois mois, les deux tomes de ce récit merveilleusement givré et romantique sont une des réussites de cette année où l’on se délasse tout en s’instruisant.

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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