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Les Univers fascinants de Jean-Luc Istin

Par Charles-Louis Detournay le 1er août 2015                      Lien  
Après "Elfes", Istin exploite ce même univers en développant "Nains" sous la plume unique de Nicolas Jarry. Mais notre attention se focalise sur "Les Maîtres Inquisiteurs", une série de one-shots à la croisée entre les romans et la bande dessinée !

Si, dans le catalogue Soleil, Lanfeust, Trolls de Troy et les autres héros de tout poil créés par Arleston ont été plébiscités par le public, les amateurs d’Heroic-Fantasy et surtout d’épopées celtiques connaissent également très bien Jean-Luc Istin. Les différentes séries de Merlin, Les Druides, Sang de Dragon, Les Brumes d’Asceltis et les autres ont marqué le label de leur sceau.

Les Univers fascinants de Jean-Luc IstinC’est 2013 qu’Istin réussit un des ses paris les plus audacieux : une série multi-dessinateurs et multi-scénaristes qui conte le destin des cinq races d’Elfes. Après des premiers récits sans lien apparent, le second volet des différents duos comportait des accroches plus ou moins prononcées à un fil rouge commun : une invasion impressionnante de zombies !

Les elfes sous toutes les coutures

Le neuvième tome intitulé Le Siège de Cadanla exploite intelligemment ce concept. 0n y fait la connaissance de deux fiancés, Fah-Laën et Mei-Hood, qui vivent dans le ghetto des semi-elfes de Cadanla, comme tous ceux de leur race. Leur vie bascule alors qu’une épidémie se déclare dans l’immense abattoir où Fah-Laën est équarrisseur. Pour contenir la contagion, il s’y retrouve enfermé, condamné à une mort certaine. Mais la cité doit également faire face à une invasion de goules, et cette zone de quarantaine devient vite un refuge prisé. La force de Fah-Laën et l’intelligence de sa fiancée Mei-Hood parviendront-il à sauver les habitants d’une mort atroce ?

Il faut faire vraiment la fine-bouche pour ne pas succomber à ce nouveau récit de Corbeyran. Certes, il ne regorge pas de surprises scénaristiques, mais son récit est très efficacement construit, et le destin de ces deux parias amoureux tient le lecteur en haleine jusqu’à sa conclusion. Le dessin de Gwendal Lemercier contribue largement à cette réussite : plus sombre que dans leur précédente collaboration, le découpage impose un tempo impitoyable, alternant les genres et les pleines-pages pour déployer un grand spectacle. Passionnant !

Elfes T9, par Corbeyran & Gwendal Lemercier

Quant au tome 10 d’Elfes, rappelons que le premier récit des Elfes noirs était à nos yeux le meilleur album de la série en devenir. Ce nouvel opus reprend les aventures du jeune Gaw’yn qui a quitté la forteresse de Slurce où il a reçu l’enseignement destiné à faire de lui un vrai tueur implacable et sans pitié.

Sa première mission est d’assassiner l’ensemble de la famille héritière du trône de Scarande. Il s’infiltre donc comme précepteur afin de mieux observer sa cible, et il trouve un moyen ingénieux de mener sa mission à bien. Pourtant, malgré sa détermination, la présence de la jolie Dyfelyne le trouble plus qu’il ne l’aurait imaginé, et il est confronté aux contradictions de sa nature. Est-il si noir que ça ?

Paradoxalement, ce jeune anti-héros est sans doute l’un des plus attachants de la série-concept, car il focalise les attentions de ses récits sans partager l’affiche, et parce que l’évolution d’un jeune héros entraîne toujours une certaine empathie de la part du lecteur. Certes moins sombre que son précédent récit, Hadrien compose cet opus tel un drame antique : Gaw’yn doit accomplir sa mission, mais les charmes d’une belle le troublent. Malgré son apparent détachement, chaque séquence nous rapproche d’une inéluctable conclusion... moins convenue qu’on n’aurait pu le craindre.

Elfes T10 par Ma Yi & Marc Hadrien

À l’unisson avec son scénariste, Ma Yi joue avec les bords perdus pour donner de la profondeur à sa cité prospère. Tel est d’ailleurs le défi de chaque récit : proposer une histoire complète dans un nouveau cadre dans un "simple" 46 planches. Ce que beaucoup d’auteurs ont parfois du mal à réaliser, l’équipe d’Elfes le réussit presque à chaque fois. Et c’est d’ailleurs cette prouesse renouvelée qui a permis d’atteindre ce succès en librairie. Elfes est devenu en deux ans une des valeurs sûres de Soleil, et le tome 11 est déjà prêt pour s’imposer à la rentrée !

Nains, un concept proche d’Elfes !

Fort de cette réussite, Jean-Luc Istin a lancé une seconde série qui se rapproche d’Elfes. Comment ne pas penser au peuple plus haut en couleur qu’en taille, fidèle antagonistes des Elfes racés ?! A la différence des précédents, tous les albums de Nains sont écrits par le même scénariste : Nicolas Jarry qui collabore avec Istin depuis de nombreuses années. Ce dernier a donc imaginé cinq races de nains, séparées après un grand schisme. Ces peuples vivent dans le même monde que les Elfes et on pourra donc s’attendre à de savoureux cross-overs entre les deux séries.

Pour dessiner le premier tome de Nains, il était compliqué de ne pas penser à Pierre-Denis Goux, artisan de l’excellent diptyque Mjöllnir qui nous avait tant séduit ! Goux ne se limite d’ailleurs pas à ce premier tome car il a réalisé une véritable charte graphique afin que Nains s’assure d’une réelle cohérence lorsque d’autres dessinateurs vont se succéder dans la collection. Le cahier graphique en fin de ce premier volume permet d’ailleurs d’en avoir un aperçu, présentant plus globalement les différentes races que l’on va rencontrer dans les prochains mois !

Nains T1 par Pierre-Denis Goux & Nicolas Jarry

Quant au récit, Jarry fait une nouvelle fois preuve d’un efficace classicisme : un jeune nain, Redwin, n’a qu’une ambition : devenir un seigneur des runes. Malgré l’opposition de son père, Redwin rejoint son oncle, un vénérable de l’Ordre. S’ensuit une longue et terrible initiation au cours de laquelle le jeune nain découvre l’art de la forge runique et le maniement des armes. Pour atteindre son objectif, Redwin est prêt à perdre son âme et... son père.

Sans bouleverser les codes, ce récit entame donc la série avec force et conviction. Réservé actuellement à un public adulescent, il faudra attendre les prochains récits pour vérifier si le ton de cette introduction va se modifier. Le graphisme de Goux permet d’attendre impatiemment l’utilisation que les autres dessinateurs font donner de sa charte graphique.

Les Maîtres Inquisiteurs : des romans dessinés

Les lecteurs à la recherche de récits plus denses devront se tourner préférentiellement vers la nouvelle série des Maîtres Inquisiteurs. Le premier tome sorti en mars dernier est d’ailleurs également dessiné par Pierre-Denis Goux qui est actuellement sur tous les fronts ! Et l’on ne pourra pas s’en plaindre, à la lecture d’une des réussites du moment !

Le cahier d’introduction présente toutes les facettes de ce nouvel univers : la guerre de mille ans qui a ravagé ce monde d’Heroic Fantasy, la paix toute relative qui s’est installée et qui repose sur cet ordre chargé de faire régner le calme et le bon droit. Difficile de ne pas faire un parallèle avec Judge Dredd en faisant connaissance avec ces forces de la nature, qui jugent et appliquent la loi dans un monde toujours prêt au débordement. Mais cette comparaison s’arrête rapidement lorsqu’on pénétre progressivement dans cet univers ultra-construit.

Une fois de plus, la justesse de ton du scénario d’Oliver Peru fait merveille. Au lieu de rester en surface pour introduire cette nouvelle série qui va se composer en six récits, il entraîne directement le lecteur dans son sillage, en lui proposant de suivre le Maître Inquisiteur Obéron, qui enquête sur sa propre mort !

En effet, s’il est une chose qu’a réussi le mage dans la grande guerre, c’est provoquer la haine, la méfiance, la peur, le mépris, la discorde et beaucoup d’autre nobles sentiments. Devenu Maître-Inquisiteur après le conflit afin de lutter contre le crime, Obeyron n’a obéi qu’à une seule maîtresse : la justice, jusqu’à en oublier certaines convenances. Cela lui a valu bien des ennemis jusqu’à sa dernière mission dans la lointaine forêt des Soupirs, où on l’a piégé et laissé pour mort. Seulement voilà, on ne tue pas un Inquisiteur si aisément. Et Obeyron revient des années plus tard, bien décidé à faire payer le crime.

Les Maîtres-Inquisiteurs T1 par Pierre-Denis Goux & Olivier Péru
Les Maîtres Inquisiteurs, dotés de 54 pages sont écrits tels de véritables romans : les dialogues sont riches et ciselés. Le récit multiplie les séquences et les ambiances, de quoi permettre une longue mais intense lecture dans ce univers qui joue autant sur les références que sur les innovations. Ce premier tome des Maitres Inquisiteurs est le récit incontournable du moment. Les lecteurs désireux de dévorer un album en moins de trente minutes passeront leur chemin, mais les autres profiteront d’une puissance narrative trop rarement développée à ce niveau..

Et la série ne s’arrête pas en si bon chemin, car le second tome est déjà dans les bacs. Plus proche d’Assassin’s Creed, l’ambiance de ce nouveau one-shot se déroule dans une ville qui pourrait ressembler à Venise. Un fou-furieux y a massacré tous les occupants d’un palais appartenant à la puissante famille de Tyr. Pour le Maître inquisiteur Sasmaël, il pourrait s’agir d’une enquête parmi tant d’autres qui ont émaillé sa longue vie... Pourtant l’assassin n’est autre que son ancien mentor, le vénérable et très intègre Maître inquisiteur Fendraël. Pour Sasmaël le temps est compté s’il veut innocenter son vieux compagnon et ainsi sauver l’avenir politique de l’Inquisition. Lors de l’autopsie, il découvre que Fendraël a été drogué, que son esprit a été corrompu. Avec l’aide de son elfe Lotweën, il remonte la piste des véritables coupables jusqu’à Vieilles-Forges, une cité industrielle au coeur d’un trafic d’armes avec les clans Mannlander du Sud du Gottland. Une guerre semble se préparer... Et l’Ordre des Maîtres inquisiteurs pourrait bien y être impliqué...

Les Maîtres-Inquisiteurs T2, par Paolo Deplano & Nicolas Jarry

Mêlant habilement polar, Heroic Fantasy, politique et thriller, Jarry réussit un tour de force en prolongeant l’entame de Peru. Son récit met aussi bien en avant les protagonistes principaux que les éléments qui tissent l’univers des Maîtres Inquisiteurs. Après la croisade du précédent tome, le duo formé avec l’elfe qui suit le Maitre Inquisiteur est très bien exploité. Et le suspense monte en puissance avec les éléments d’une machination qui devrait encore nous promettre de savoureux moments dans les récits à venir.

Moins sombre que Goux, Paolo Deplano parvient à multiplier les cases pour tenir la densité de son scénariste-romancier sans perdre le lecteur. Ombre et lumière se mêlent pour composer un superbe tableau : à n’en pas douter, Les Maîtres Inquisiteurs tient la dragée haute à Elfes & Nains, une réussite qui impose une fois de plus Jean-Luc Istin comme un éditeur incontournable sur l’échiquier actuel.

(par Charles-Louis Detournay)

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Concernant Elfes, lire également notre présentation du début de la série avec les trois premiers tomes "Elfes", la série-concept de Soleil, aligne son deuxième atout, "Elfes" poursuit sa chevauchée avec cinq nouveaux albums, ainsi que les chroniques des tomes 7 & 8 et l’interview du scénariste-éditeur, Jean-Luc Istin : « Elfes, la nouvelle série-concept de soleil devait s’appuyer sur un thème fort, résonnant comme une évidence ! »

Lire notre article sur la remise des prix jeunesse au FIBD d’Angoulême 2014, dont le Prix des lycéens de Poitoux-Charente pour Elfes T3 d’Olivier Peru & Stéphane Bileau.

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