Actualité

Les auteurs africains de bande dessinée au Panthéon

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 8 décembre 2010                      Lien  
C’est face au Panthéon, dans la Mairie du 5e, place des Grands Hommes, qu’a eu lieu le week-end dernier le premier Salon des auteurs africains de BD initié par Laurent Turpin, Christophe Cassiau-Haurie et les éditions de L’Harmattan. Une occasion de rencontres et de découvertes avec des créateurs chaleureux qui ont plein d’histoires à nous raconter.

On a rarement vu cela sous les ors de la magnifique salle des mariages de la Mairie du 5e Arrondissement de Paris : une concentration exceptionnelle de caricaturistes et d’auteurs de bande dessinée venus d’Afrique, surtout subsaharienne [1]. La circonstance ? Les 50 ans des indépendances de la plupart des pays africains.

Les auteurs africains de bande dessinée au Panthéon
Le 1er Salon des auteurs africains de BD. Un joli petit succès pour une première.
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Biennale

Le lieu ? Mis à disposition par le maire du 5e Arrondissement de Paris, Jean Tiberi : « J’ai des liens importants et amicaux avec les éditons de l’Harmattan qui est une maison remarquable [2] nous dit le maire. Quand a été lancé l’idée de faire un salon des auteurs africains, j’ai tout de suite dit oui. »

Le maire est de longue date intéressé par les bandes dessinées : c’est dans sa commune qu’ont eu lieu, au début des années 1970, les fameuses Convention de la Mutualité à Paris et pour cause : «  Claude Moliterni, qui était un parent et un ami, a fait beaucoup pour la bande dessinée et nous avons fait beaucoup de choses ensemble. C’est un souvenir émouvant et ce salon a été un peu fait en souvenir de lui. Je vois que l’exposition est bien organisée, c’est un grand succès. J’ai souhaité, et on m’a dit que cela se ferait, que cette manifestation se répète tous les deux ans. Je suis heureux d’accueillir ces auteurs et ces personnages qui ont de la qualité et de l’humour. Ils font honneur à notre arrondissement.  »

Jean Tiberi, le maire du Ve arrondissement de Paris, lors de l’inauguration. Il souhaite que cette manifestation devienne une biennale.
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

L’exposition en question s’intitulait « 50 ans de bande dessinée en Afrique francophone ». Son commissaire Christophe Cassiau-Haurie, colaborateur du chapitre sur la bande dessinée africaine dans la dernière édition du Larousse de la BD a vécu plus de vingt-six ans en Afrique et est un passionné de bande dessinée spécialisé dans la BD de l’Afrique francophone. Il retrace le parcours de cette bande dessinée qui est importée par les colons et dont certaines représentations sont vraiment affligeantes et qui, petit à petit, est passée, comme il l’écrit, au « soleil des indépendances. »

Cette éclosion est possible grâce à quelques individualités que nous avons rencontrées lors de cette manifestation :

-  TT Fons du Sénégal, créateur en 1987 du Cafard libéré après avoir passé un stage au Canard enchaîné. Il y crée le très populaire personnage de Gourgourlou dont les exploits furent adaptés en dessins animés.

-  Pat Masioni de la République du Congo, connu chez nous pour avoir publié Rwanda 94 (Sc. Alain Ausini, Vent des Savanes) et qui publie égaleement Unkown Soldier chez DC Comics. [3]

-  Hector Sonon du Bénin qui vit actuellement à Copenhague et qui a appris le métier au travers de divers ateliers notamment avec Barly Baruti, Loustal et Ptiluc et qui prépare un album pour la collection Rivages Noir chez Casterman. [4]

-  L’inénarrable Pahé dont nous vous avons déjà parlé longuement dans ces pages. [5]

Il y en avait bien d’autres comme Didier Kasaï de la République Centrafricaine ou le caricaturiste malgache Pov installé à l’Ile Maurice [6]

Sous le regard de Marianne : Pahé, Pov, Hector Sonon et Plantu
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Tintin au Congo

Parmi les débats avec de nombreux invités dont Jean Dufaux, mais aussi Plantu venu faire la présentation de Cartooning For Peace, il y avait celui, fort attendu, sur la Colonisation, la Décolonisation et la Bande Dessinée où était notamment présent l’homme qui a porté plainte contre Tintin au Congo, Bienvenu Mbutu Mondondo.

Pas facile, comme animateur de ce débat, de naviguer entre les différents concepts très complexes auxquels il faisait appel : car si Patrick Lozès, le président du CRAN représentant quelque 120 associations noires de France, en politicien chevronné, se faisait assez consensuel, se contentant d’exiger qu’un avertissement contextualise l’album, Bienvenu Mbutu Mondondo considérait qu’il fallait l’interdire puisqu’il ne faisait aucun doute que cet album était raciste et que la loi en Belgique était « claire comme de l’eau de source » sur ces questions, l’interdiction étant inévitable.

De son côté, la spécialiste de l’histoire de la colonisation Rosa Amelia Plumelle-Uribe refusa de laisser le débat s’enfermer dans cette seule question de l’interdiction ou non de cet album. Elle souligna que la colonisation n’avait jamais été qualifiée juridiquement comme un crime comme l’humanité, ce qui laisse entendre que l’interdiction de l’album d’Hergé est une action qui commencerait à lui donner la qualification juridique qui lui manque, une sorte de « boite de Pandore » juridique… Elle martela que tous les problèmes de l’Afrique aujourd’hui, y compris le déficit des libertés publiques, est la résultante de la colonisation dont les conséquences ne sont pas encore éteintes.

Jean-Philippe Stassen s’insurgea contre cette vision essentialiste de l’histoire, un peu trop simple à son goût, et objecta que les clichés colonialistes sont remplacés par d’autres aujourd’hui, venus de chaque camp, et tout aussi néfastes.

Il y eut enfin Pahé qui, un peu interdit devant ce débat aux tournures politiques et juridiques (il dit s’être carrément « emmerdé ») répondit assez directement à la question : « Faut-il interdire Tintin au Congo ? » : « Au Congo, peut-être, mais pas au Gabon ! » soulignant qu’en ce qui le concerne, il dessinait les noirs « comme Hergé » ! Allez d’ailleurs voir sur son blog comment il a vécu ce débat.

De g. à dr. : Jean-Philippe Stassen, Pahé, D. Pasamonik, Rosa Amelia Plumelle-Uribe, Bienvenu Mbutu-Mondondo et Patrick Lozès.

Bref, ce fut une bien passionnante journée. Je regrettais que Marguerite Abouet et Clément Oubrerie, absorbés par l’adaptation télévisée de Aya de Yopougon, n’aient pas pu venir. Mais je retrouvais, en forme de clin d’oeil sans doute, une énorme pub pour leur dernier album sur un kiosque à journaux du Boulevard Saint-Michel en sortant du salon.

Aya sur les murs de la capitale
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)
Toujours sarcastique, Pahé remercie l’accueil du maire par un dessin personnalisé
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

🛒 Acheter


Code EAN :

L’exposition est malheureusement terminée mais un catalogue sera bientôt disponible aux éditions de L’Harmattan. Elle est en outre conçue pour tourner dans les bibliothèques et autres lieux culturels.

[1Les prochaines éditions devraient être consacrée à d’autres régions de l’Afrique.

[2NDLR : Dont le siège social est dans le 5e Arrondissement de Paris.

[5Voir Le blog de Pahé.

[6Voir le blog de Pov.

✏️ Pahé
 
Participez à la discussion
4 Messages :
  • Les auteurs africains de bande dessinée au Panthéon
    8 décembre 2010 10:39, par Julien

    Mbutu et Lozès ?!!! Ces deux personnes réputés pour une hostilité au dialogue, et même en lisant le blog de Patrick Lozès, des exigences datées de 1950 concernant le contrôle sur les publications du 9ième art. Patrick Lozès ne fait rien de positif pour son mouvement.

    Répondre à ce message

    • Répondu le 8 décembre 2010 à  13:03 :

      Petite précision : Pov est un auteur malgache (mais il est effectivement installé à l’île Maurice).

      Répondre à ce message

      • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 8 décembre 2010 à  23:35 :

        Vous avez raison. J’ai modifié l’article en conséquence. Merci.

        Répondre à ce message

  • Les auteurs africains de bande dessinée au Panthéon
    8 décembre 2010 21:50, par Oncle Francois

    Voila un compte-rendu intéressant qui me fait regretter d’être si éloigné de la capitale. Merci aussi pour les liens vers les blogs des auteurs invités, je n’ai pu m’empècher d’y laisser un petit message amical à l’attention de Pahé !

    Répondre à ce message

CONTENUS SPONSORISÉS  
PAR Didier Pasamonik (L’Agence BD)  
A LIRE AUSSI  
Actualité  
Derniers commentaires  
Agenda BD  
Abonnement ne pouvait pas être enregistré. Essayez à nouveau.
Abonnement newsletter confirmé.

Newsletter ActuaBD