Actualité

Les auteurs québécois profitent de la reconnaissance et de l’expansion de la BD

Par Marianne St-Jacques le 7 mars 2010                      Lien  
Avec Montréal et Québec, la ville de Gatineau est un centre important dans le milieu québécois de la bande dessinée. En plus d’offrir l’unique programme de formation universitaire en bande dessinée au Canada (Université du Québec en Outaouais), la ville tient à chaque automne un Rendez-vous international parrainé par le Salon du livre de l’Outaouais qui, pour sa part, a eu lieu du 25 au 28 février dernier. Comme à l’habitude, le Neuvième art avait sa place et ActuaBD.com y était présent.

Parmi les auteurs présents cette année, on pouvait compter : Michel Rabagliati, invité d’honneur du salon (catégorie bande dessinée) et lauréat du « Prix du public » d’Angoulême 2010 pour son album Paul à Québec (La Pastèque), de même que Tristan Demers (Gargouille, Boomerang), Stéphane Dompierre (Jeunauteur, Québec Amérique), Michèle Laframboise (Le Jardin du général, Fichtre), Stéphanie Leduc (Titi Krapouti, Glénat Québec), Christian Quesnel (La Machine du Bonhomme Sept-heures, Premières lignes), Eva Rollin (Mademoiselle, Glénat Québec), Jocelyn Jalette (La République assassinée des Patriotes, Soleil de minuit) et Christ Oliver (Imagination contre les pigeons sp@mmeurs, Vermillon). Les caricaturistes Bado et Robert Lafontaine étaient également présents lors de l’évènement « Caricature et BD, même folie », au cours duquel ils étaient invités à se mesurer à l’illustrateur Éric Péladeau (Léo Lalune, Vermillon). À ces auteurs vient bien sûr s’ajouter Paul Roux (Ariane et Nicolas, BD Mille-Îles), coordonnateur de la programmation BD du salon et responsable du Rendez-vous international de la BD de Gatineau.

Les 1001 visages de l’humour

Le 31e Salon du livre de l’Outaouais a également permis de tenir l’exposition « 1001Visages : exposition de dessins d’humour et de caricatures », une exposition internationale présentée par l’Espacémi (École multidisciplinaire de l’image) de l’Université du Québec en Outaouais (UQO) et par les 1001Visages, un regroupement de dessinateurs québécois.

Les auteurs québécois profitent de la reconnaissance et de l'expansion de la BD
Exposition de caricatures et de dessins d’humour « 1001Visages »
(Photo : Marianne St-Jacques)

Des œuvres de 32 caricaturistes de 10 pays différents étaient à l’honneur. Du Canada : Patrick Dea, Ray Lengelé, Hervé Philippe, Dominique Philibert, Aislin, Simon Dupuis, Frefon, Lar deSouza, Bado, Yayo, Fleg, Yves Labonté, Bizier, Benoît Laverdière, Michel Grant et Beaudet, dont le dessin « Génération Y » lui a valu une mention honorable au World Press Cartoon 2009 (Portugal) ; de France : Moine, Mofrey et Alain Roche ; de Grande-Bretagne : Ross Thomson, Noel Ford et John Roberts ; de Russie : Aleksei Kivokourtsev et Vasiliy Alexandrov ; de République tchèque : Jiri Kostyr, Miroslav Bartak et Jan Pillvein ; du Brésil : Paulo Emmanuel ; du Monténégro : Darko Drljevic ; d’Azerbaïdjan : Seyran Caferli ; de Serbie : Mileno Kosanovic ; et de Roumanie : Mateo Matei.

Exposition de caricatures et de dessins d’humour « 1001Visages »
(Photo : Marianne St-Jacques)

L’exposition a également été présentée à l’Espacémi et fera une courte escale à Montréal le 14 mars prochain, dans le cadre de l’évènement « La caricature en spectacle ».

État des lieux de la BD québécoise

Enfin, le salon a donné l’occasion de tenir une discussion sur l’État de la BDQ. La table ronde intitulée « La formidable ascension de la BD québécoise » et animée par Paul Roux cherchait à faire le point du marché de la BDQ qui, depuis les années 1990, a été marqué par de nombreuses transformations. Les acteurs du milieu ont vu l’arrivée de plusieurs nouvelles maisons d’édition (Glénat Québec, Soleil de minuit, Bayard, etc.) tandis que des éditeurs comme La Pastèque et Les 400 coups ont augmenté leur production et ont considérablement accru leur visibilité auprès du public.

Trois artistes étaient invités à parler de leur expérience dans le milieu de la BDQ : Stéphanie Leduc (diplômée du programme de BD de l’UQO en 2005 venant tout juste de publier son premier album) à titre de jeune auteure, Jocelyn Jalette à titre d’auteur chevronné et enfin, Michel Rabagliati à titre d’auteur primé (prix Bédéis Causa et Bédélys, Harvey Award, Shuster Award et Doug Wright Award).

Leduc fait partie de cette nouvelle génération d’auteurs bénéficiant des changements institutionnels et de la forte croissance qui caractérisent la BDQ : dès la fin de ses études, celle-ci a pu se lancer directement dans la BD, sans avoir à passer par l’illustration commerciale (comme ce fut le cas pour Rabagliati, qui a fait ses premières armes dans le milieu du graphisme et de la typographique) et sans nécessairement avoir à tenir plusieurs petits boulots pour subsister financièrement. C’est tout le contraire de Rabagliati, qui, en se lançant dans la BD avec Paul, a attendu onze ans avant de pouvoir se permettre de quitter son emploi et de vivre convenablement de son art : «  On ne peut pas, au Québec, travailler exclusivement de la BD comme en Europe. »

De même, comme Jocelyn Jalette le note, en parlant de Titi Krapouti (Glénat Québec), premier album de Leduc : « C’est remarquable de commencer avec un album couleurs en cartonné dur. Ça m’a pris vingt ans pour en arriver là. »

Si l’arrivée de nouvelles maisons d’édition et les nouvelles possibilités de publication ont leurs avantages, Rabagliati et Jalette reconnaissent que le milieu de la BD a également connu certaines pertes, notamment au niveau des journaux et périodiques.

Jalette : « Il y a vingt ans, il y avait des supports journaux et magazines. Aujourd’hui, ils ont tous disparu (sauf Spirou). C’est difficile de faire connaître un nouveau personnage. Mais d’un autre côté, il y a Glénat Québec qui publie des albums. On en a donc perdu, mais le Québec en a sans doute plus gagné que perdu. »

Rabagliati exprime des propos semblables : « Il n’y a plus de plateforme de prépublication. Il faut donc aller directement au livre. C’est deux ans de travail. On peut solliciter plus facilement les éditeurs, mais c’est plus difficile de faire connaître un personnage. »

Paul Roux, Michel Rabagliati, Stéphanie Leduc et Jocelyn Jalette
(Photo : Marianne St-Jacques)

Interrogée sur la persistance de certaines idées préconçues au sujet de la BD, Leduc note un changement d’attitude : « Je donne des ateliers de BD aux jeunes. De plus en plus d’adultes veulent participer. Les adultes sont discriminés à cause de l’idée qu’on s’en fait. Ils veulent de plus en plus prendre des cours de BD. »

De même, Paul Roux fait remarquer que les auteurs, surtout les visiteurs européens, sont parfois surpris d’être accueillis dans les écoles lorsqu’ils sont de passage au Canada : «  Il y a trente ans, personne n’allait dans les écoles. »

Sur ce point, Michel Rabagliati, qui va parfois même dans les universités et les cégeps, où la bande dessinée fait partie du corpus, est très optimiste : « La BD a sa place, c’est médium unique, une lecture par séquence avec ellipses entre les cases. »

Enfin, en guise de conclusion, les auteurs nous révèlent le titre de l’album de BDQ qu’ils recommandent absolument à leurs lecteurs. Pour Stéphanie Leduc, il s’agit de Le point B (Monet), de Zviane, album gagnant du « Premier Concours québécois de bande dessinée », organisé par la Librairie Monet, en 2006. Pour Rabagliati, il s’agit de Résine de synthèse de Jimmy Beaulieu (Mécanique générale). Enfin, pour Jalette, il s’agit de l’œuvre complète du pionnier de la BDQ Albert Chartier, dont certains strips inédits ont récemment fait l’objet d’un recueil posthume, Une piquante petite brunette (Les 400 coups). Michel Rabagliati est d’accord : « Il faudrait rééditer l’intégrale d’Onésime [1] ». Avec sa suggestion de lecture, Jocelyn Jalette soulève d’ailleurs un point important. Car, comme celui-ci le fait remarquer, si la BDQ est en pleine ascension, « ce qui manque, au Québec, c’est une mémoire de la BD. Il faut la redécouvrir ».

(par Marianne St-Jacques)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

🛒 Acheter


Code EAN :

Consultez la programmation sur le site officiel du Salon du livre de l’Outaouais

Obtenez les détails de l’exposition sur le site officiel de 1001Visages

[1Onésime est l’un des strips les mieux connu d’Albert Chartier, pionnier de la BDQ. La série paraît dès 1943 dans le Bulletin des agriculteurs.

 
CONTENUS SPONSORISÉS  
PAR Marianne St-Jacques  
A LIRE AUSSI  
Actualité  
Derniers commentaires  
Abonnement ne pouvait pas être enregistré. Essayez à nouveau.
Abonnement newsletter confirmé.

Newsletter ActuaBD