On connaît Muneyuki Kaneshiro pour une série qui rencontra un réel succès au Japon, moins en France : Jeux d’enfants, déjà chez Pika. Une série en 5 volumes, qui eut une suite ou refonte, inédite chez nous et qui constitue pourtant un jalon des survival fantastiques en milieu scolaire. Sa dimension parfois franchement malsaine lui a probablement coûté son destin éditorial français.
Le scénariste revient avec son dessinateur d’alors, Akeji Fujimura, pour une nouvelle série, achevée en 5 tomes, cette fois inscrite dans un cadre préhistorique : Akû, le chasseur maudit. L’intrigue se situe voilà 30000 ans, en pleine préhistoire, et narre le destin d’un enfant, considéré comme maudit par sa tribu car né par une nuit de lune rouge.
Et de fait, la vie d’Akû tourne rapidement au cauchemar. Les chasseurs de sa tribu attiren au village un véritable monstre, le "Grash", surnommé la "montagne de désespoir", une sorte de mammouth version XXL dont la vindicte est proportionnelle à sa taille. Autant dire qu’après le passage du monstre, il ne reste plus grand chose du village hormis quelques survivants enfants.
Akû débute alors son périple qui va le conduire de communauté en communauté. Au fil de ses pérégrinations, notre héros grandit physiquement et développe une puissance phénoménale lui permettant de rivaliser avec les plus grosses créatures de cette ère. Toutefois, une idée fixe ne le quitte pas et reste ancrée dans son esprit : retrouver la bête qui annihila sa famille.
Car le cadre préhistorique initial se trouve rapidement revisité pour devenir un mélange de Mad Max, de récit de "furyo", ces gangs japonais, et de bestiaire fantastique, le Grash annonçant une déclinaison de bestiaux tous plus énormes les uns que les autres.
Cette tonalité que l’on qualifierait volontiers de "WTF" va crescendo au fil des 5 tomes que compte la série. Et si le début apparaît de prime abord presque "normal", la caricature et l’excès s’affirment peu à peu. Cela passe par des personnages féminins réduits explicitement à de purs objets sexuels, par des sidekicks au potentiel comique essentiellement graveleux et par des adversaires dont la violence le dispute le plus souvent à l’ignominie. Le tout culminera avec un tabassage de pachyderme à coups de pénis, tout un concept.
Il y a donc quelque chose de l’ovni dans Akû, mais une étrangeté qui ne se laisse pas immédiatement entrevoir. Les amateurs de délires, de héros badass et de bimbos prises sur des fourrures près d’un feu de camp devraient y trouver leur compte. Ceux qui sont un peu plus regardant sur le traitement des personnages féminins un peu moins.
Demeure toutefois la volonté de mettre en scène un récit récréatif qui s’assume comme tel sans se soucier de réelles limites, avec une forme de dérision constante qui évite de sombrer dans le (trop) malsain malgré la démesure des situations et des caractérisations des personnages. Et qui est admirablement servi par le dessin d’Akeji Fujimura, net, précis et intense.
(par Aurélien Pigeat)
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Akû, le chasseur maudit. Par Muneyuki Kaneshiro et Akeji Fujimura. Traduction Djamel Rabahi. Pika, collection seinen. Sorties : tome 1 le 6 février 2019, tome 2 le 9 mai 2019. 228 pages. 8,20 euros.