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Les éditeurs participatifs ont le vent en poupe

Par Charles-Louis Detournay Christophe de Walque le 5 avril 2012                      Lien  
Sandawe avait innové en lançant le concept des édinautes qui financent les albums qui leur plaisent. Normal que My Major Company, un des fleurons du genre au niveau musical, se place également sur le marché, en profitant de l’association avec Média-Participations. Mais derrière le concept alléchant, se profilent également d’excellents albums !

Près d’un an après la publication du premier album financé par les lecteurs eux-mêmes, le concept lancé par Sandawe a fait ses preuves ! Comme nous le détaillions dans notre chronique du précédent album, Le Chevalier mécanique, Sandawe (créé en 2009) a maintenant trouvé son rythme de croisière avec une excellente alternance de titres proposés, édités et publiés. Il a bien entendu les titres qui ne trouvent pas leur public, comme le dit la formule consacrée, sauf qu’au contraire des éditeurs classiques, les auteurs n’ont pas toujours dû aller au bout du projet, tout autant que l’éditeur n’a pas dû sortir l’album en librairie, pour que leur soit révélé ce constat.

Patrick Pinchart, l’éditeur de Sandawe, nous confirme la réussite du concept qu’il a lancé en bande dessinée : « [Nous avons] réussi à démontrer que le concept du financement participatif était adaptable à la bande dessinée. Neuf tomes financés en deux ans, malgré tous les soucis techniques que nous avons connus et que nous connaissons encore (le site va être complètement refait), c’est un résultat plus que positif ! Il nous manque encore ce qui permet à tout éditeur de démarrer réellement : un best-seller. Le “Grégoire” de la BD sera-t-il “Hell West” ou l’un des autres projets que nous avons financés ? On ne le saura que plus tard... »

Les éditeurs participatifs ont le vent en poupe
La page d’introduction nous plonge d’emblée dans un univers atypique

Hell West : un western tonitruant

Le dernier sorti des éditions Sandawe est un effectivement un petit bijou. Mais comme dans tout bon western, plantons tout d’abord le cadre de cette uchronie fantastique : nous sommes effectivement dans une autre Amérique, au cœur d’un autre XIXe siècle... En 1875, Les White States of America regardent avec avidité les contrées mystérieuses, le « Hell West » qui s’étend au-delà du Mississippi. L’ouest est constitué de terres hostiles inconnues, habitées par des tribus indiennes, mais aussi par une mosaïque de peuples monstrueux...

La première édition reprend divers bonus offerts aux édinautes par le biais de concours

La frontière entre ces deux mondes est protégée à la fois par la cavalerie régulière mais aussi par un nouveau corps d’élite : le Frontier Force, fer de lance de l’ambition colonisatrice des WSA. L’influence maléfique des peuples Hell West est également contrée par le pouvoir des shamans d’origine indienne vendant leurs services pour assurer la sécurité des WSA. Tout ce petit monde vit dans un équilibre émaillé par de petites escarmouches occasionnelles aux frontières. Lors de l’une de ces équipées, la grande prêtresse des Winnocks, peuple d’ombres volantes pratiquant la nécromancie, est tuée.

Tandis que les WSA projettent de conquérir l’Ouest par les armes du Frontier Force, la mort de la prêtresse provoque une alliance inédite entre les peuples du Hell West. La guerre se prépare, et au centre de celle-ci, nous retrouvons deux hommes : le sergent Outburst, tête brûlée réfractaire aux règles et à la hiérarchie mais juste, recherchant la paix entre tous ; et Little, shaman d’origine indienne faisant appel à son esprit protecteur (le loup) pour tirer des mauvais pas dans lesquels se sont mis ses proches.

Entre les comploteurs désirant assassiner le Président Jefferson, les trafiquants de victimes humaines pour une mystérieuse peuplade monstrueuse, le colonel Custer qui pousse la mégalomanie à son paroxysme, et l’alliance des races fantastiques voulant exterminer la race blanche, il ne fait pas toujours bon vivre au cœur du Hell West !

Une double page de cet univers qui mêle habilement western et fantastique

Un scénario inventif et délirant, doublé d’un graphisme implacable

Premier tome d’une série qui en comptera trois, Frontier Force nous installe dans un univers entre western et fantastique imaginé par Lamy et dessiné par Vervisch. Au fil des 108 planches, dans un rythme soutenu teinté d’humour, nous prenons connaissance avec ce monde et ses deux dominances principales, le Hell West et le « monde civilisé ». Libre à vous de déterminer laquelle de ces forces est la plus inquiétante…

Le dessin en noir et blanc de Vervisch s’impose comme une évidence, en totale cohérence avec les mots et l’univers de Lamy. Vif, tout en mouvement le dessin rend toute l’intensité des scènes d’action, les divers monstres inquiétants imaginés par Lamy prennent vie sous nos yeux, et l’on prend toutefois quelques moments de répits mérités en profitant de superbes cases pleine page.

Si Hell West salue la première collaboration entre Lamy et Vervisch, les deux auteurs n’en sont pas pourtant à leur galop d’essai. Thierry Lamy, bibliothécaire passionné d’histoire et de BD avait vu son premier scénario édité en 2004 avec le diptyque Labienus, dessiné par Christian Léger, aux éditions Théloma ; il a à son actif actuellement une dizaine d’ouvrages publiés. Même tableau de chasse pour Frédéric Vervisch qui vient du monde du graphisme et de l’animation (studio Disney). Mais avec Hell West, il produit sans aucun doute son coup de maître avec un dessin sombre, aussi précis qu’expressif.

Gros coup de cœur donc pour cet album paru ce 21 mars aux éditions Sandawe, cinquième à être financé par sa communauté d’édinautes. Nous attendons avec impatience les tomes suivants pour voir évoluer le foisonnement des intrigues et des personnages lancés dans ce premier tome. La barre est haute, nous espérons vivement que ces projets seront à la hauteur de cette excellente entrée en matière.

Patrick Pinchart lève d’ailleurs le voile sur la genèse de la série, et son avenir : « Trois tomes sont prévus. Mais le financement du deuxième tome dépendra bien entendu du succès du premier, en espérant que les nouveaux lecteurs seront intéressés de participer à l’édition de la suite de la série. Pour ma part, j’ai été attiré par la virtuosité graphique du dessin de Frédéric Vervisch, qui m’avait présenté, dans le dossier qu’il m’avait envoyé, de fabuleux dessins en noir et blanc. A l’époque, son style n’était pas encore définitif et il se tâtait, entre de la BD classique, de la BD très impressionniste avec des effets de texture superbes, et ce que nous avons finalement choisi de réaliser. Le scénario foisonnant, truffé de références historiques détournées, extrêmement rythmé, m’avait également séduit. C’était un projet très riche ! Nous avons mis un certain temps à trouver l’orientation graphique définitive et le format de réalisation, mais une fois que le choix fut fait, nous n’avons pas eu à le regretter. C’est un très beau roman graphique, qui renouvelle le western. »

Média entre dans la danse, avec un partenaire de choix !

Nous vous avions présenté en détails la collaboration entre My Major Company (MMJ) et Média-Participations, créant MMC-BD. Un des premiers nés est donc Le Chômeur et sa belle que nous vous présentons dans un article connexe. Si notre rédacteur David Taugis qualifie avec justesse cette série des vocables de « grand public » et « prévisible », il faut lui reconnaître également un excellent sens de l’humour, mêlé à la situation souvent angoissante mais désormais malheureusement répandue qu’est le chômage. Derrière cet album se cache pourtant un savant mélange d’humour, de cynisme et d’un soupçon de romance qui font de cette série un excellent cru, avec un dessin qui pallie à sa rigueur par une grande efficacité. Le magazine de Spirou lui offre d’ailleurs sa couverture cette semaine pour relancer la suite des aventures de ce duo anachronique.

Jacques Louis nous offre sa vision délirante d’un chômeur partageant le quotidien d’une acharnée du travail

Patrick Pinchart, éditeur chez Sandawe commente l’arrivé de MMC-BD sur le marché des éditeurs participatifs : « Le fait qu’un groupe aussi important que Media-Participations s’y lance aussi nous a confortés dans nos propres choix : si nous étions restés seuls, ce n’était pas bon signe, cela voulait dire que personne n’y croyait. Que Dupuis, Dargaud et Lombard, réunis dans le groupe le plus puissant de la BD, suivent la même voie que nous alors qu’ils ont parfaitement les moyens de financer seuls leurs albums, fut une surprise (on savait que MyMajorCompany allait se lancer dans la BD, mais on ne savait pas avec quel éditeur), mais dans le même temps, c’était également une confirmation que le système du crowdfunding présente un réel potentiel pour les albums de bande dessinée ! »

L’édition par les lecteurs : pas seulement pour les jeunes auteurs !?!

Une prochaine série que les auteurs nous font découvrir par le biais de croquis et de concours participatifs.

On pourrait réduire le concept du crowfunding à un simple coup de cœur des lecteurs pour de jeunes auteurs prometteurs, telle une sorte de radio-crochet dans lequel les lecteurs font le tri entre débutants... Ce serait stigmatiser le principe, car celui-ci permet notamment de réaliser un véritable buzz communautaire bien avant la sortie de l’album. Une série qu’on attend est dès lors une entrée en matière confirmée, un atout en ces temps difficile pour les numéro un de séries nouvelles.

La preuve, Dufaux et Aouamri ont franchi ce pas, empruntant un chemin déjà tracé, en présentant aux éditeurs plusieurs versions de la page d’introduction de Saga Valta, leur prochaine série. L’idée était donc bien d’attirer le public vers la présentation de l’album, avec une série de croquis destinés à faire entrer le futur lecteur dans leur univers.

D’une certaine façon, c’est un sondage en grandeur nature avant publication, d’autant plus pertinent que le lecteur y va de sa poche. Qui sait, dans quelques années, une part conséquente du marché fonctionnera sur le principe du crowfunding ? À suivre…

(par Charles-Louis Detournay)

(par Christophe de Walque)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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