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Les éditions Champaka ouvrent leur galerie à Bruxelles

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 6 avril 2010                      Lien  
Éric Verhoest est le fondateur bien connu des éditions Champaka, un activiste de la BD qui a été notamment l’un des organisateurs de l’Année de la BD en Belgique, opérateur de nombreuses expositions de très grand prestige. Il vient d’ouvrir une galerie à Bruxelles, très haut de gamme. Son premier invité ? Bernar Yslaire.

Toujours élégant comme une gravure de mode, Éric Verhoest est une figure du petit monde de la bande dessinée. Ayant créé les éditions Champaka bien connues pour ses splendides éditions de Yves Chaland ou de Floch, Verhoest a été pendant quelques années la cheville ouvrière de Marsu Productions (on lui doit quelques-unes des plus belles réalisations de cet éditeur), avant de prendre la direction éditoriale des éditions Dupuis, alors en plein marasme. Une affaire qui tourna court, comme on sait (il n’y resta que neuf mois) : la situation était bien trop périlleuse pour cet esthète amoureux du beau livre.

Les éditions Champaka ouvrent leur galerie à Bruxelles
Eric Verhoest dans la Galerie Champaka
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Tournant

Qu’est-ce qui l’amène aujourd’hui à devenir galeriste ? « Champaka est un éditeur un peu particulier, c’est une maison liée à l’image, aux éditions d’images en grand format. J’ai toujours été confronté aux originaux, notamment lorsque je travaillais sur ceux de Franquin, pour repérer l’image qui pouvait fonctionner en grand format, que ce soit sous la forme de portfolios, de beaux livres ou d’estampes. Ce regard sur l’image est le fil conducteur des éditions Champaka qui ne fait pas d’albums « classiques » de bande dessinée. Et puis, mon second métier ces dernières années a été d’organiser des expositions dans lesquelles j’ai été confronté à une masse d’originaux. Le fait d’avoir vu ces merveilles a été un déclic pour moi, une émotion forte liée à des originaux de très haute qualité. Ouvrir une galerie me semblait être complémentaire aux éditions Champaka et prolonger cette émotion, tout en défendant la plupart des artistes que Champaka a défendus jusqu’à aujourd’hui. »

Les deux sociétés sont différentes. Confronté à ce lancement, Champaka publiera cette année à un rythme plus ralenti pour mieux consolider les deux activités. La galerie s’installe au Sablon à Bruxelles, dans la rue même où est né Edgar Pierre Jacobs : Rue Ernest Allard. Bon sang ne saurait mentir !

Le fait que le prix des originaux s’est envolé ces deux dernières années a-t-il été un critère dans le choix de cette nouvelle activité ? «  C’est clair que les originaux de qualité atteignant aujourd’hui un certain prix, cela permet pour une galerie de bâtir un plan financier plus réaliste qu’il y a cinq ou dix ans ! Le fait aussi que certains acheteurs, pas forcément des collectionneurs de bande dessinée, s’intéressent à des œuvres parce qu’elles sont réussies graphiquement est un facteur supplémentaire.  »

Pour monter sa première exposition, Éric Verhoest s’est d’abord adressé à un proche : le dessinateur Bernar Yslaire « Nous avons édité sa première sérigraphie lors de la publication du premier album de Sambre en 1986. La fidélité est au rendez-vous. C’est un des rares artistes de bande dessinée à la puissance graphique hors normes » rappelle le galeriste qui est aussi le parrain de la fille de l’artiste.

Aux cimaises, des grands dessins de l’auteur de Sambre mais aussi des tirages numériques sur le thème «  Nouveaux rouges  », de la couleur des yeux du personnage. Vient cette question : les tirages numériques sont-ils des « originaux » ? « Depuis que la photographie se vend dans des galeries, le problème est résolu, objecte Verhoest. Cela repose sur la garantie de sérieux du galeriste et de l’artiste. »

Bernar Yslaire devant un hommage à Fernand Khnopf
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Un « original » numérique ?

Bernar Yslaire ne dit pas autre chose : « Cette exposition présente les deux facettes de mon travail. J’ai toujours travaillé sur papier et j’ai aussi été un des premiers auteurs à travailler sur informatique, sans qu’il n’y ait aucun original. En photographie, le problème est résolu depuis 50 ans. Les Américains ont créé il y a longtemps la notion d’ « épreuve originale », tirée à un très petit nombre d’exemplaires numérotés et signés. Cela permet de conserver le dessin d’autant que nous ne sommes absolument pas sûrs de la pérennité des fichiers numériques : qui nous dit que l’on pourra encore lire ces fichiers dans quinze ans ? Aura-t-on conservé l’ordinateur pour les lire, les logiciels d’origine ? On doit multiplier les sauvegardes dans diverses versions différentes. Il va y avoir des corruptions de fichiers qu’il va falloir réinterpréter pour obtenir, sans y parvenir, le travail d’origine. L’œuvre numérique est en péril, elle est plus éphémère qu’on ne le pense. Nous ne sommes pas du tout certains de pouvoir la conserver en l’état. Ces épreuves le permettent. Le papier est marouflé sur métal, garanti entre 100 et 200 ans. Ce sont donc bien des originaux. C’est un peu nouveau dans le milieu de la bande dessinée, mais ce n’est pas plus mal de bousculer un peu ce marché de vendeurs de planches sous le manteau ! (rires). »

Originaux de Bernar Yslaire
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Le livre : "un logiciel de mise en page"

L’artiste revient même sur la notion d’original quand il s’agit d’une bande dessinée : « La véritable œuvre originale, dit-il, c’est le livre, pas la planche. Il faut donc prendre les choses pour ce qu’elles sont. D’ailleurs, qui peut prédire que le livre à l’avenir restera encore sur le papier ? On a déjà connu ce genre changement de support dans l’histoire : les aventures de Tintin ont été publiées dans un journal, puis réunies en album, puis on les a redessinées et mises en couleurs, parfois dans un format allongé, etc. Que veut dire le mot original dans ce contexte ? Pour ma part, je considère que le livre est une sorte de logiciel de mise en page. Que l’on conserve certains dessins sous cette forme, c’est bien. Le fait qu’on en perde d’autres ne m’inquiète pas. Turner, au 19e Siècle, vendait d’une part des toiles, des paysages de petit format, pour gagner sa vie et, d’autre part, des œuvres pour faire parler de lui, d’autres encore pour la postérité. Et la postérité n’a retenu que celles-là, d’ailleurs. Le travail d’un créateur de BD est de plus en plus protéiforme. »

Il est sûr que, désormais, il va falloir compter avec cette production que les auteurs réserveront pour le marché de l’art.

Parmi les futurs auteurs exposés de la galerie Champaka : Miles Hyman autour de New-York City qui concevra des dessins inédits, François Schuiten, François Avril, une exposition sur Bruxelles, Yves Chaland, Loustal, Ever Meulen, Joost Swarte…

Ces expositions seront accompagnées d’une production d’éditions à petit tirage pour ceux qui n’auront pas les moyens d’accéder aux originaux dont les prix vont de 3.000 à 17.000 euros. Le soir de l’inauguration, presque toutes les œuvres exposées étaient vendues.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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Galerie Champaka
Ouvert du mardi au samedi : 11h00 à 18h30
Le dimanche de 10h30 à 13h30 et sur rendez-vous
27, rue Ernest Allard
B-1000 Bruxelles
Tel : + 32 2 514 91 02
Fax : + 32 2 346 16 09
E-Mail : sablon@galeriechampaka.com

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3 Messages :
  • En photographie, le problème est résolu depuis 50 ans. Les Américains ont créé il y a longtemps la notion d’ « épreuve originale », tirée à un très petit nombre d’exemplaires numérotés et signés.

    Bernar Yslaire est un artiste fascinant qui a su se renouveler depuis la parution de ses premiers albums. Pourtant les explications que donnent Verhoest et Yslaire au sein de cet article est franchement léger, surtout lorsqu’on regarde les prix fixés pour les originaux et les impressions digitales (dites Epreuves originales sur Diasec / Aluminium, ça fait plus chic).

    S’il y avait un prix fixé pour des photographies, c’est parce que beaucoup de ces artistes n’était pas spécialisés dans d’autres domaines, et que les technologies n’étaient pas suffisamment adaptées pour avoir des impressions d’excellentes qualités à des prix raisonnables. Par exemple, certains clichés de Warhol ne valaient pas aussi cher que des œuvres peintes et des sérigraphies. Courant des années 70, il fallait débourser 25.000.$ pour avoir son portrait peint par ce dernier. « Crépuscule sur le phare de Skyvore » Le plus cher dessin d’Yslaire présenté dans la galerie Champaka, s’élève à 18.000€.

    On justifie le coût des épreuves originales sur Diasec par l’aspect exceptionnel et luxueux de l’objet. On peu voir dans ces épreuves, des impressions digitales comme la couverture du « Ciel au-dessus du Louvre » tirée à 3 exemplaire et vendue pour 7500€ contre des dessins originaux (donc exemplaire unique) comme le très beau dessin « La petite vague » pour 5000€.

    Yslaire n’a jamais été aussi cher que dans les murs de cette galerie. Est-ce pour pouvoir payer le loyer (hors de prix ?) de la galerie, située dans les quartiers huppé du Sablon ? Ou pour faire un tri chez les amateurs du 9éme art ?

    De plus, il est possible de se procurer des originaux d’artistes exposant chez Champaka à des prix bien moindres. Des galeries comme 9ème art, Daniel Maghen où encore petit papier.

    Le soir de l’inauguration, presque toutes les œuvres exposées étaient vendues.

    Ceux qui connaissent un peut l’argot des galeristes savent qu’il y a une différence entre œuvres réservées et vendues. Dans le cas des dessins d’Yslaire, à ce jour, sur 18 dessins originaux, 7 sont réservées. Quand aux impressions digitales, elles attendent encore acquéreur.

    Ce qui a fait la force de la bande dessinée pendant de nombreuses années, était son sens de distraction populaire accessible à toutes et à tous. A force de vouloir le beurre et l’argent du beurre, ces auteurs prestigieux vont créer un fossé trop grand entre eux et les fans de la première heure.

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    • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 6 avril 2010 à  17:32 :

      Pourtant les explications que donnent Verhoest et Yslaire au sein de cet article est franchement léger,

      Vos arguments ne sont pas plus convaincants. Je trouve au contraire qu’Yslaire défend bien son point de vue.

      S’il y avait un prix fixé pour des photographies, c’est parce que beaucoup de ces artistes n’était pas spécialisés dans d’autres domaines, et que les technologies n’étaient pas suffisamment adaptées pour avoir des impressions d’excellentes qualités à des prix raisonnables. Par exemple, certains clichés de Warhol ne valaient pas aussi cher que des œuvres peintes et des sérigraphies. Courant des années 70, il fallait débourser 25.000.$ pour avoir son portrait peint par ce dernier.

      Vous mélangez tout. D’abord la pratique de la vente d’oeuvres photographiques ne relève pas du passé : aujourd’hui, de nombreux photographes contemporains vendent leurs oeuvres à des prix bien supérieurs. Quant à Warhol, ce sont des toiles sérigraphiées avec des rehauts (cette dernière méthode étant utilisée par Bilal).

      Ceux qui connaissent un peut l’argot des galeristes savent qu’il y a une différence entre œuvres réservées et vendues. Dans le cas des dessins d’Yslaire, à ce jour, sur 18 dessins originaux, 7 sont réservées. Quand aux impressions digitales, elles attendent encore acquéreur.

      Vous parlez avec beaucoup d’aplomb sur la seule base de ce que vous avez vu sur le site. Le soir de l’inauguration, j’y étais, un bon nombre de "points rouges" constellaient l’expo. En ce qui concerne les tirages numériques, je ne vois pas d’où vous inventez qu’il n’y a pas eu d’acquéreur. Étant multiples, il est normal qu’au lendemain de l’ouverture de l’expo, que ces œuvres ne soient pas épuisées.

      Ce qui a fait la force de la bande dessinée pendant de nombreuses années, était son sens de distraction populaire accessible à toutes et à tous. A force de vouloir le beurre et l’argent du beurre, ces auteurs prestigieux vont créer un fossé trop grand entre eux et les fans de la première heure.

      Que le marché commence à échapper aux collectionneurs "de la première heure", c’est une évidence. Les originaux vendus dans des caisses de banane, c’est fini. Champaka n’est pas suicidaire, les prix avancés correspondent au marché. La preuve : les galeries se multiplient et les exclusivités se paieront de plus en plus cher.

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  • "Le papier est marouflé sur métal, garanti entre 100 et 200 ans. Ce sont donc bien des originaux." que dire des plaques émaillées alors ? Ce sont de super originaux !

    "La véritable œuvre originale, c’est le livre, pas la planche... le livre est une sorte de logiciel de mise en page." Que de sophismes ! Autant de circonvolutions pour vendre à des gogos des reproductions au prix d’oeuvres originales. En photo l’original est le négatif, pas l’épreuve, même numérotée en tirage limité.

    Le loup est arrivé dans la bergerie quand certains galeristes peu scrupuleux ont vendu comme des originaux des bleus de mise en couleur et leur rhodoïde, voire même des chromalins, alors pourquoi pas des impressions numériques si certains sont prêts à mettre la main au porte-monnaie pour ça.

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