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Les éditions Rackham : deux décennies à la poursuite du succès

Par Thelma SUSBIELLE le 26 janvier 2022                      Lien  
On ne parle pas assez souvent des maisons d'édition indépendantes alors qu'elles sont de véritables découvreuses de talents. A l'occasion d'une exposition rétrospective retraçant les vingts ans de la maison, à Felletin dans la Creuse, on peut retracer le parcours singulier d'un éditeur qui, de Joe Sacco à Liv Strömquist, en passant par Ville Ranta, a marqué la scène indépendante française. Dans un parcours de dix-sept œuvres choisies, la rétrospective offre un aperçu de l'histoire de cette maison de 1999 à 2021, une production éclectique mais cependant pertinente que l'on vous invite à découvrir.

Présentée du 14 janvier au 22 mars à la Médiathèque de Felletin (Creuse), l’exposition retrace les vingt-deux années du parcours de la maison d’édition Rackham dans la bande dessinée.

Son actualité éditoriale jette d’ailleurs une lumière un peu crue sur l’édition de bande dessinée indépendante. Ainsi le dernier Ville Lanta, paru en novembre 2021, dont le titre annonce ironiquement la couleur : Succès, mode d’emploi. « Ironie, humour et une bonne dose d’auto-dérision émaillent les pages de ce récit aux fortes teintes autobiographiques où Ville Ranta met en scène, avec une remarquable franchise, les péripéties d’un artiste à la poursuite presque obsessionnelle de succès et fortune nous dit l’argumentaire de l’éditeur. En filigrane, l’auteur finlandais ne manque pas d’évoquer les relations difficiles, et parfois carrément impossibles, entre création et marché tout en brossant un portrait au vitriol du monde de l’édition et de la bande dessinée française. » On imagine...

Les éditions Rackham : deux décennies à la poursuite du succès
"L’Hiver d’un dessinateur" de Paco Roca

Dans le même registre, L’Hiver du dessinateur de l’Espagnol Paco Roca qui, publié par Rackham en 2011, est nominé dix ans plus tard aux Eisner Awards 2021 de San Diego dans la catégorie « Best U.S. edition of international material ». En commentaire, l’éditeur raconte : « En chroniquant le récit des batailles des dessinateurs de la revue Tio Vivo, un critique français écrivait à l’époque : « … les dessinateurs ne bénéficient d’autre choix que d’exercer dans cette véritable usine à BD, même si leur statut s’y rapproche de celui de l’esclave : peu considérés, mal payés, et largement exploités. » Force est de constater que les choses n’ont guère changé…  » Ça clashe dur...

Un catalogue engagé

Depuis son origine, Rackham s’est démarqué en proposant aux lecteurs francophones des œuvres variées et qui ont, pour certaines, véritablement marqué le paysage de la BD. Joe Sacco, Ben Katchor, Liv Strömquist, Javier de Isusi, sans oublier l’incontournable Alberto Breccia : les auteurs publiés par Rackham se sont imposés comme des références incontournables.

L’incontournable Alberto Breccia
Le Palais des miroirs de Liv Strömquist. Une oeuvre forte.

Fondées par Alain David (aujourd’hui éditeur chez Futuropolis) et Michel Lablanquie en 1989 (juste avant L’Association), les éditions Rackham sont actuellement l’une des plus anciennes maisons d’édition « alternatives » de l’Hexagone.

Au début, Rackham avait fait le choix d’éditer de jeunes auteurs qu’on connait bien aujourd’hui comme Jean-Pierre Duffour, Lewis Trondheim, Pascal Rabaté, Riff, ou Kokor... Mais le petit format carré et en noir et blanc des débuts, leur marque de fabrique, ne prend pas... Rackham est contraint de mettre en pause ses activités.

Puis en 1999, l’activité reprend avec l’arrivée de Latino Imparato venu de chez Vertige Graphic. C’est à ce moment-là que Rackham se tourne vers la BD étrangère et notamment venue des États-Unis et publie Joe Sacco, Daniel Clowes, Peter Bagge, Mike Mignola, Will Eisner, Alberto Breccia, Tony Millionaire, Matt Kindt, Alex Robinson...

Tout en continuant d’éditer des auteurs français comme Troubs, Tanitoc, Cren & Cerqueux, Morvandiau... Exploitant deux veines majeures du domaine étranger : les ’auteurs italiens et argentins.

En 2007, Alain David quitte Rackham pour rejoindre Sébastien Gnaedig chez Futuro et Latino Imparato continue de développer seul le catalogue en y intégrant des auteurs de la nouvelle vague espagnole (Javier de Isusi, Álvaro Ortiz, David Rubín, Paco Roca, Fermín Solís, Alberto Vázquez...) ainsi que des auteurs nordiques (Kati Kovács, Ville Ranta, Aapo Rapi, Liv Strömquist).

"Le Juif de New York", l’Opus Magnus de Ben Katchor. Réédité chez Rackham après avoir été publié par Fremok.
Le poétique Alex Robinson

Une nouvelle collection est créée en 2008 en collaboration avec Yvan Alagbé « Le Signe noir ». Dans cette collection sont publiés les rouleaux patua du West Bengala, les dessins inédits en français d’Edward Lear, les strips de Ben Katchor, la recherche picturale de Kamel Khélif et d’Aude Samama et les récits d’Andrea Bruno ou de Carlos Nine.

Un beau choix de dessinateurs et de dessinatrices qui ont fait l’identité d’une maison toujours très attentive à l’évolution du 9e Art. Rackham persévère encore aujourd’hui en proposant des auteurs tels qu’Andrea Ferraris, Pietro Scarnera (prix révélation à Angoulême 2016 pour Une étoile tranquille, portrait sentimental de Primo Levi) et la Polonaise Daria Bogdanska (nominée au Festival d’Angoulême 2018). Voilà un label qui en a encore sous le pied !

Voir en ligne : Site de la maison d’édition Rackham

(par Thelma SUSBIELLE)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782878272512

Exposition "Rackham, vingt-deux années d’édition en bandes dessinées"
Du 14 janvier au 22 mars
Médiathèque Creuse Grand Sud à Felletin
Place Courtaud, 23500 Felletin
05 55 66 55 22 / mediatheque@creuse-grand-sud.fr

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5 Messages :
  • Les éditions Rackham : deux décennies à la poursuite du succès
    26 janvier 2022 21:32, par Frédéric HOJLO

    « On ne parle pas assez souvent des maisons d’édition indépendantes ». Merci hein ! ;-)

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  • « Mais le petit format carré et en noir et blanc des débuts, leur marque de fabrique, ne prend pas... »

    Je pense que vous faites ici allusion au collectif Rackham Poutch, un ouvrage collectif collector format Pif Poche tiré à 750 exemplaires, offert aux professionnels et amis lors d’une fête à Angoulême en 1991. Unique en son genre, épuisé à parution, il continue d’apporter gloire et fierté à ceux qui le possèdent encore.
    Plus sérieusement, les premiers albums de Rackham étaient d’un format comics, couverture souple à rabats, à pagination variable. Parfois imités, s’ils n’ont pas tous connu le succès hélas, ils ont contribué aux lancements d’artistes majeurs, et ont participé à la naissance de la bande dessinée indépendante, comme d’autres pionniers, L’Association et Cornélius en tête.

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  • Rackham : Une qualité sans pareil sur les ouvrages de Will Eisner
    28 janvier 2022 16:32, par Benjamin Herzberg

    Les éditions Rackham dans les années 1999/2002, ont produit quelques ouvrages de Will Eisner, dans mon souvenir l’appel de l’espace, le building, et le dernier chevalier (Don Quichotte), mais j’en oublie peut-être. A mon humble avis, et en ayant connaissance d’à-peu-près toutes les editions des ouvrages d’Eisner, aux USA, en France et ailleurs, celles-ci sortent complètement du lot. Si on mets à part quelques editions de luxe, on a rarement vu une aussi bonne traduction, une telle qualité de façonnage, de papier, d’encre, etc, avec en plus une taille et qualité d’impression, de mise en page, qui faisaient enfin honneur à la virtuosité du dessin et de la narration. Mieux que les éditions originales américaines. Eisner avait dû adopter la taille plus petites que les albums grands format à la française, qui est devenue ensuite standard pour les romans graphiques, pour des raisons culturelles et commerciales plus qu’artistiques. Alain David et Latino Imparato ont su voir au-delà de ça, et produire des ouvrages absolument magnifiques de qualité, et aux couvertures couleur somptueuses. Pas certain que cela soit encore en vente, mais ça vaut le coup de les chercher chez votre bouquiniste favoris si vous n’avez pas encore ça dans votre bibliothèque. L’investissement a du être peu rentable, vu qu’ Eisner se vend toujours très mal en France et que ça dû coûter cher, mais reste ces livres, que je conserve précieusement. Tout cela grace à la volonté et les risques pris par des éditeurs passionnés. Je n’ai pas vraiment suivi Rackham de près depuis (pas en France donc pas facile), mais rien que pour ces ouvrages-là, je me permets d’exprimer à cet éditeur, pour ce que cela vaut, toute mon admiration.

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  • Ils ont également publié l’immense Frank Miller et ce n’est pas anecdotique.

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