Les grandes affaires criminelles en BD

S’appuyant sur un groupe d’auteurs comme Didier Quella-Guyot (Le Marathon de Safia, La maison du péril chez Emmanuel Proust), Luc Revillon (Quintet, Giacomo C.) ou Christopher (Love Song, Les Locataires… ), la série Les grandes affaires criminelles et mystérieuses recycle quelques-uns des grands succès de la littérature judiciaire déjà médiatisés et popularisés par le cinéma ou la télévision. Depuis quelques années, le fait divers et la chronique judiciaire reviennent en force dans la littérature et la production audiovisuelle. Rien d’étonnant donc à ce que la bande dessinée accompagne ce mouvement. Certains éditeurs ont d’ailleurs ouvert la voie comme Glénat avec la très remarquée Affaire Dominici de René Follet et Pascal Bresson.

Avec L’affaire Seznec, Gérard Berthelot, Julien Moca et Luc Revillon revisitent une affaire sur laquelle plane encore aujourd’hui le spectre de l’erreur judiciaire. En suivant l’enquête du journaliste Paul Cordier, les auteurs nous font remonter à l’origine de la condamnation du négociant breton. La saga de Seznec a fait l’objet de nombreux films et livres mettant surtout l’accent sur les péripéties de l’un des bagnards les plus célèbres de la IIIe République ; l’intérêt de ce récit est de revenir à la question fondamentale : Seznec était-il coupable et de quoi ? Une manière de revenir aux sources d’une affaire encore non totalement élucidée à ce jour, le trafic de véhicules militaires américains après la victoire de 1918 servant de toile de fond où se mêlent conflits d’intérêt, disparition et peut-être... secrets d’état !

L’alternance entre retours en arrière et évolution de l’enquête du journaliste est bien menée ; elle rythme le récit et permet surtout d’oublier quelques maladresses du dessin qui en perturbent un peu la lecture. Inconvénient majeur pour un récit se revendiquant réaliste.

L’album dessiné par Christopher, que l’on connaît davantage pour ses récits intimistes, revient sur L’Affaire des sœurs Papin, ces deux jeunes femmes ayant assassiné dans de sinistres circonstances deux membres de la famille au service de laquelle elles travaillaient. Horrible crime dont aucun détail ne nous est épargné. Le graphisme sobre du dessinateur s’accommode assez bien d’un récit où alternent scènes de prétoire et illustrations sans concession des faits commis. Un brin trop bavard dans certaines scènes, cette histoire n’apporte rien de nouveau à une affaire toujours aussi incompréhensible aujourd’hui. Elle n’omet pas toutefois d’y glisser par endroits quelques traces d’humanité.

Stéphane de Caneva, sur un scénario de Didier Quella-Guyot, illustre L’Affaire de l’auberge Rouge, un fait divers qui a fortement frappé les imaginations des contemporains du début du XIXe siècle. Une histoire sordide dans laquelle un couple d’aubergistes et leur valet se voient accuser d’avoir fait disparaitre plusieurs de leurs clients. Localisée au fond de la campagne ardéchoise, cette affaire sera le prétexte de toutes les rumeurs. En quoi celles-ci seront-elles à l’origine de la condamnation à la guillotine des trois suspects ? L’album témoigne plutôt fidèlement des zones d’ombre, des contradictions et des mystères que soulève encore cette affaire. Il laisse donc le lecteur face à plus de questions que de réponses !

Usant d’un découpage rythmé et efficace au graphisme fluide et nerveux inspiré par les comics, cet album apparait comme le plus original. Mise en page et couleurs y apparaissent bien maîtrisées, donnant à l’ensemble une tonalité singulière et séduisante, sans doute l’album le plus abouti de ce catalogue.