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Les intégrales de l’été (5ème partie) : la maîtrise de Dupuis

Par Charles-Louis Detournay le 18 août 2014                      Lien  
À tout seigneur, tout honneur : terminons ce tour des intégrales avec Dupuis qui continue de privilégier le fond et la forme, les compléments et les dossiers.

Si nous avons eu la dent dure concernant le dernier recueil de Barbe-Rouge, Gilles Ratier récupère tout son crédit dans la cinquième intégrale de La Patrouille des Castors. Il explique en détails la pause de la série entre 1971 et 1975, alors que MiTacq doit s’adapter au planning chargé de JM Charlier. Mais en 1975, le retour des scouts dans Le Journal de Spirou est triomphal, ce que l’on découvre dans ce recueil, via quatre albums qui sont en réalité deux diptyques : Le Pays de la mort suivi des Démons de la nuit prennent leur inspiration dans l’actualité, tandis que Vingt Milliards sous la terre et El Demonio puisent dans l’expérience de spéléologue amateur de MiTacq.

Quant à la réussite du dossier, elle tient autant à l’éditeur qu’à son rédacteur, Gilles Ratier. Lorsque Dupuis alloue cinquante pages pour chaque recueil, la passion de Ratier l’emporte et lui permet de nous dénicher des perles du regretté MiTacq. Par exemple, les six premières pages sont composées presque exclusivement de recherches graphiques pour Le Pays de la mort, une espace de liberté formidable là où d’autres éditeurs n’accorderaient cette place que pour la totalité d’un dossier.

Les intégrales de l'été (5ème partie) : la maîtrise de Dupuis

Le dossier revient donc en détails sur les événements décrits ci-dessus, et surtout cette traversée du désert après L’Autobus hanté, pourtant l’un des meilleurs épisodes de la série : on y trouve la reproduction de courriers d’avocats, et la description d’une autre série développée pendant ce temps : Stany Derval [1]. Le dossier reprend encore d’autres planches et dessins de MiTacq, notamment ceux réalisés pour illustrer des nouvelles de Stocquart. Les amateurs seront certainement émus de retrouver un très beau classique de La Patrouille des Castors : un feu de camp superbement mis en scène sur une double page.

Si la relation entre les deux auteurs semble encore un peu tendue au début du Pays de la mort, la concorde est finalement vite retrouvée, et c’est avec un plaisir partagé qu’ils renouent avec la bande de jeunes scouts la plus connue de la bande dessinée franco-belge. Un plaisir que l’on éprouve nous aussi autant à la lecture de leurs aventures qu’à celle du dossier truffée de pépites, d’inédits, de blagues potaches, et de vécu.


Seron à l’honneur

Si le dossier de la sixième intégrales des Petits Hommes est moins copieux (16 pages), son auteur Rodolphe Lachat ne démérite pas. Il revient avec précision sur certains personnages, présente des dessins, couvertures, articles, annonces et billets parus dans Spirou, de façon à mettre en avant ou à expliquer la teneur des aventures de cette série incontournable à l’époque.

Il faut convenir que Seron rivalise d’ingéniosité et de punch dans les épisodes reprenant les aventures réalisées entre 1983 et 1985. La Planète Ranxérox est un modèle du genre : le lecteur est invité à faire pivoter son magazine ou son album, car les planches sont réalisées à l’italienne. De plus, jouant sur la magie de la photocopieuse qui se démocratise alors, l’auteur va faire preuve d’une grande maîtrise graphique en imaginant un monde qui apparaît en 2D imprimé ou un autre où les couleurs sont inversées. L’humour est également omniprésent, dopé par les discussions entre Cédile et Dimanche et les coups de gueule de la belle. Tout cela donne un album marquant, sinon mythique ! Même envie de jouer avec les couleurs dans Le Trou blanc où l’on admire encore la technicité graphique de Seron.


L’album Le Pickpocket réalise une opération somme toute inédite, même si elle est devenue plus courante dans les séries télévisées actuelles : le cross-over. En effet, au retour d’Angoulême, Seron et Gos ont déliré et mêlé Les Petits Hommes et Le Scrameustache en imaginant que les séries pouvaient avoir une incidence l’une sur l’autre. Si l’idée de départ était innovante et au départ soutenue par Dupuis, Le Journal de Spirou, hélas, en a publié les récits avec 15 jours de décalage, de quoi perdre le lecteur et décevoir les auteurs qi ratent complètement leur effet.

La dernière aventure de cette intégrale Rapt en sous-sol apparaît bien en décalage avec toutes les innovations des précédentes ! Les personnages secondaires ont disparu et ce sont d’ailleurs les hommes eux-mêmes qui prennent la place des « Petits ». Il s’agit en réalité d’un histoire scénarisée par Mitteï, commencée par Seron, mais mise au placard pour laisser le dessinateur se concentrer sur d’autres récits. L’insistance de Dupuis le force à la terminer, même si elle apparaît dès lors comme un retour en arrière pour les lecteurs.


Des Mousquetaires à Charly

Nous vous avions déjà présenté précédemment la richesse de la première intégrale de Câline et Calebasse réalisé par Cauvin & Mazel. Patrick Gaumer continue de valoriser le patrimoine de Dupuis en expliquant les bases et le développement de cette série omniprésente dans le journal, mais qui n’a eu que peu d’albums parus. Cette seconde intégrale reprend toutes les planches réalisées entre 1974 et 1984, dont une majorité inédite en album. Un nouveau voyage enthousiasmant, plein d’aventures et de bonne humeur.


Tout en contraste, la deuxième intégrale de Charly reprend trois aventures, sans doute les plus sombres vécues par le jeune homme. De Cauchemars à l’Innocence en passant par Le Tueur, le personnage de Magda & Lapière est tourmenté par ses pouvoirs et les devoirs qui en résultent. Cette inquiétante immersion n’en est pas moins passionnante, principalement pour la part de la psyché développée chez les personnages principaux.

Le dossier de notre confrère Morgan Di Salvia est très complet : non seulement il présente des essais de couvertures avant chaque récit, mais les très nombreux dessins et études conservées par Magda lui permettent de documenter un texte complet et bien équilibré. On retrouve également le contenu du petit cahier offert avec la première édition de Cauchemars, une dizaine de superbes dessins au crayon. De plus, un récit de cinq pages co-réalisé avec Clarke explore les cauchemars de Charly, afin d’introduire le cinquième tome d’une série qui a su si habilement faire entrer la science-fiction dans notre quotidien.

Schtroumpf alors !


Terminons ce petit tour des publications récentes de Dupuis avec la réédition des recueils de Johan et Pirlouit dans une présentation en dos rond plus conforme à la collection actuelle. Toujours signé par Alain de Kuyssche, l’ancien rédacteur en chef du Journal de Spirou, le dossier ne diffère pas de sa première édition en 2008. La fin des années 1950 symbolise la marche vers le succès pour Peyo, avec la montée en puissance de ses séries, et l’arrivée des Schtroumpfs.

Mais avant de parler des lutins bleus, on s’attardera sur les essais d’animation de Pirlouit, ce personnage prenant progressivement le pas sur Johan. Le blondinet occupa de plus en plus de place dans les illustrations, les publicités et dans les courts récits, notammen Les Milles écus, publiés ici avec leur patine d’époque. Mais Pirlouit va soudain se faire voler la vedette par les Schtroumpfs ! Le texte d’introduction revient en détails sur l’épisode de la salière et la montée du suspense alors que les lutins ne font leur apparition qu’en fin d’album.

Si ce dossier fourmille de détails sur les petits lutins bleus (notamment l’origine de leur couleur ou un photomontage d’un mini-récit mettant en scène Thierry Culliford lui-même), il faut encore patienter quelques semaines pour que paraisse la deuxième intégrale consacrée exclusivement aux Schtroumpfs. On se consolera avec les nombreux dessins et illustrations de Peyo, car Johan et Pirlouit représente toujours un amalgame réussi entre humour et aventure.

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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