Le premier cas, un peu désespéré, est celui de Bob Garcia. On se souvient qu’il avait publié toute une série d’ouvrages sur Hergé et Tintin en utilisant des vignettes du personnage sans demander au préalable l’autorisation aux ayants-droit (voir notre article « La citation graphique face au tribunal »). Ayant été condamné en appel à verser à Moulinsart 40.000 euros auxquels s’ajoutent 8.000 euros de frais de justice, ainsi que nous vous l’avions longuement expliqué dans un précédent article, la société défendant les droits de Tintin a fait, le 9 mars dernier, une inscription d’hypothèque provisoire de sa maison.
Appel à manifester
En conséquence de quoi, un « Comité de soutien à Bob Garcia » qui a à ce jour 1372 membres ( son adresse est sur Facebook ) vient d’adresser un nouveau communiqué de presse à toutes les rédactions : « Bob Garcia est exténué et dépassé par cette querelle stérile. Il réclame le droit à la liberté d’expression et à l’exégèse. Et il appelle une fois encore les ayants-droits de Hergé à la raison et au dialogue. Son comité de soutien indigné prépare une action d’envergure : si les Bordures ne retirent pas cette hypothèque et n’abandonnent pas cette créance absurde et injuste, des centaines de tintinophiles dégoûtés manifesteront à Bruxelles et Paris sous la bannière syldave pour le droit à la liberté d’expression et à la passion, contre la censure et la bêtise ! »
Appel au boycott
La tension vient de encore monter d’un cran ces jours-ci, le site Actualitté ayant décidé de donner la parole aux insurgés « bordures ». Les mots sont durs, possiblement diffamatoires : « Rodwell et Moulinsart : des pratiques mafieuses contre les éditeurs » titre une tribune du 25 février 2010, signée de Louis Sordes, responsable de BDStory, un autre éditeur d’études sur Hergé (la série « Comment Hergé a créé…) qui commence à avoir les mêmes ennuis que Bob Garcia,
Il parle d’un « scandale initié par Nick Rodwell et sa clique juridique. Nous sommes aujourd’hui victimes de pratiques commerciales totalement illégales de la part de Moulinsart et de son patron. »
Il détaille notamment tout l’arsenal de mesures et de mises en demeure produites par Moulinsart et ses conseils contre les diffuseurs et les libraires qui entreprendraient de diffuser leurs ouvrages : « Moulinsart a ordonné en référé une saisie de nos ouvrages pour contrefaçon (!). Le tribunal d’Évry a logiquement débouté Moulinsart, condamné Moulinsart pour procédure abusive et ordonné la main-levée de nos ouvrages. », La Fnac a d’ailleurs retiré ces ouvrages de ses rayons. »
En dépit de la décision du tribunal d’Evry favorable à l’éditeur, Moulinsart aurait continué à faire pression sur les points de vente, selon M. Sordes : « Moulinsart est passé outre cette décision et a fait pression sur notre diffuseur (Volumen) pour empêcher la commercialisation de nos ouvrages. Aujourd’hui, Volumen requestre plusieurs milliers d’ouvrages qu’ils refusent de diffuser et refusent aussi de nous restituer, dans l’attente d’un jugement définitif, ce qui peut prendre des années. Parallèlement, Moulinsart fait également pression sur de grandes enseignes (Fnac et sites de vente en ligne), exhibant la menace de procès et propageant une abondante désinformation (ils prétendent que nous avons été condamnés par la justice, que nous avons déposé le bilan et que notre série est arrêtée, ce qui exactement le contraire de la vérité). »
Faisant le parallèle entre son propre cas et ceux des éditions Parodisiaques ou encore celui de Bob Garcia, M. Sordes en appelle au boycott : « nous appelons les tintinophiles à un boycott définitif des produits Moulinsart et des futurs films de Spielberg. Rendons ainsi à Moulinsart la monnaie de sa pièce en espérant que la méthode parviendra à faire évoluer les esprits les plus rétrogrades. »
Appel au Ministre Frédéric Mitterrand
Le dernier acte vient d’être posé par Gordon Zola alias Erick Mogis, dont les ouvrages ont été condamnés pour « parasitisme », comme nous vous l’avons raconté dans nos colonnes.
Il en appelle, quant à lui, au Ministre de la culture, M. Frédéric Mitterrand, toujours dans une tribune sur Actualitté.com : « Monsieur le Ministre, Par la présente, je tiens à porter à votre connaissance une affaire de justice liée à la liberté d’expression et qui va mettre ma société en faillite., écrit-il. La justice avait reconnu en effet en première instance la « parodie », concernant les aventures de Saint-Tin, mais avait conclu néanmoins que le « parasitisme » de l’œuvre d’Hergé portait préjudice aux intérêts de Moulinsart.
Gordon Zola s’en défend : « La parodie est un droit. La justice a reconnu la notion parodique pour la série des Saint-Tin. En outre, la parodie est par définition « parasitaire »… Comment dès lors me reconnaître comme parasite ? » Et de conclure : « Si l’appel conforte la première instance, c’est la parodie qui sera désormais interdite en France. Monsieur le Ministre, je ne mets pas en cause la qualité de la justice mais force est de reconnaître que la lenteur de son administration favorise les mieux nantis. La société Moulinsart peut se permettre d’attendre des années le résultat de l’appel, ce n’est pas mon cas. »
Comment Moulinsart va-t-il bouger ?
Que va donner tout cet activisme qui nous revient à chaque printemps comme une poussée de sève ? Sans doute pas grand chose, tant les intérêts des uns et des autres sont divergents et peu soutenus en droit. On est néanmoins frappés par la permanence de ces affaires qui suscitent depuis plusieurs années déjà une campagne d’une extrême violence contre Moulinsart et son administrateur délégué, M. Nick Rodwell. Une campagne contre laquelle nous nous étions naguère insurgés (voir nos deux articles « Les déshérités d’Hergé).
Mais, de deux choses l’une : soit ce que disent ces gens est vrai et le droit est ici dévoyé pour défendre Moulinsart d’une façon que l’on peut qualifier d’abusive ; soit ces propos sont faux et les « Bordures » devraient en plus des charges qui leur sont reprochées ajouter celle de la diffamation.
Réponse dans les prétoires ?
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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